Film de Peter Yates
Année de sortie : 1973
Pays : États-Unis
Scénario : Paul Monash, d’après un roman de George V. Higgins
Photographie : Victor J. Kemper
Montage : Patricia Lewis Jaffe
Musique : Dave Grusin
Avec : Robert Mitchum, Peter Boyle, Richard Jordan, Steven Keats, Alex Rocco, Joe Santos.
Jackie Brown: This life’s hard, man, but it’s harder if you’re stupid.
Dave Foley: The only one fuckin’ Eddie Coyle is Eddie Coyle.
Avec The Friends of Eddie Coyle, Peter Yates, le réalisateur de Bullitt, signe un film policier réaliste, élégant et subtil.
Synopsis de The Friends of Eddie Coyle
Eddie Coyle (Robert Mitchum) fournit des armes volées à un gang de braqueurs de banques sévissant à Boston. Sur le point de passer plusieurs années en prison pour détournement de chargement, Coyle propose à l’inspecteur Dave Foley (Richard Jordan) de lui « donner » son fournisseur d’armes, un nommé Jackie Brown (Steven Keats). En retour, Coyle espère que sa condamnation sera annulée…
Critique
Peter Yates est surtout connu pour Bullitt, avec Steve McQueen, et sa fameuse course poursuite en voiture dans les rues de San Francisco. Film dans lequel le metteur en scène avait déjà témoigné de ce style et de cette approche très particulières que l’on retrouve dans The Friends of Eddie Coyle ; approche qui réside notamment dans cette manière de maintenir une certaine distance entre le spectateur et les personnages.
Yates ne cherche pas à dramatiser l’action ; il la filme d’une manière sobre et précise, parvenant à capter ainsi une sorte d’intensité contenue. Son sens du cadre et du découpage, cette façon qu’il a de laisser l’action s’installer, se développer devant la caméra (voir la mise en place progressive de la poursuite dans Bullitt ainsi que les scènes de braquage et l’arrestation de Jackie Brown dans The Friends of Eddie Coyle), lui permettent de captiver le spectateur sans jamais avoir recours à des effets spectaculaires. Les coups de feu sont rares, et Yates ne leur donne pas de dimension dramatique. Ici, ils font simplement partie d’un quotidien (This life’s hard, man
, déclare à deux reprises le personnage de Jackie Brown, interprété par Steven Keats).

Jackie Brown (Steven Keats) dans « The Friends of Eddie Coyle »
Comme tout bon réalisateur, Peter Yates s’intéresse réellement à ses personnages – à leurs motivations, leur histoire, leur point de vue, leur mystère aussi. Déjà, le flic campé par McQueen dans Bullitt sortait de l’ordinaire ; il émanait de son allure une élégance évidente, certes, mais aussi quelque chose d’assez opaque et mystérieux. Dans The Friends of Eddie Coyle, tous les personnages sont intéressants parce qu’ils sont crédibles, nuancés, finement caractérisés. Nul n’est noirci ou magnifié, diabolisé ou sublimé. Ce sont de ceux que l’on croiserait, dans la réalité, si l’on évoluait dans le même univers, et c’est ce qui est particulièrement frappant dans le film : la justesse des personnages, de l’environnement et des situations. Il faut d’ailleurs rappeler que The Friends of Eddie Coyle est l’adaptation cinématographique du premier roman publié de George V. Higgins, un écrivain américain reconnu en particulier pour la qualité et le réalisme de ses dialogues (lire la fiche Wikipédia EN de George V. Higgins).
Le style sobre et épuré de Peter Yates sert parfaitement le roman de Higgins. Au même titre que la distance avec laquelle il filme les personnages, laquelle permet de mieux apprécier la dimension ironique du récit (soulignée par le titre du film). Il n’y a en effet guère de place pour la sincérité, la confiance et l’amitié dans The Friends of Eddie Coyle, et nul personnage n’est en position de s’en plaindre, car chacun est à sa manière le reflet de cette réalité.
Si le réalisateur y est pour beaucoup dans la réussite de The Friends of Eddie Coyle, l’apport des comédiens est tout aussi majeur. Robert Mitchum est excellent ; sa présence physique lui permet d’asseoir son personnage sans jamais en faire trop (on appréciera également le décalage entre la force que Mitchum dégage naturellement, et la relative faiblesse de son personnage). Son jeu, à l’image de la mise en scène de Yates, est tout en nuances et en retenue. Aux côtés de Mitchum, on retrouve notamment Peter Boyle, à la filmographie plus que respectable (Taxi Driver de Martin Scorsese, Hardcore de Paul Schrader, Outland de Peter Hyams), et Steven Keats qui interprétait son premier rôle au cinéma, mais qu’on croisera ensuite dans Un Justicier dans la ville (Michael Winner, 1974) et Le Flambeur (Karel Reisz, 1974).
Visuellement, le film est une réussite totale : la précision du montage, les plans millimétrés de Yates et la remarquable photographie de Victor J. Kemper (Un Après-midi de chien, Les Yeux de Laura Mars) donnent à The Friends of Eddie Coyle un joli cachet sur le plan esthétique.
The Friends of Eddie Coyle se distingue par une ironie subtile et une esthétique racée que le passage du temps n'entame pas. On ne comprend pas bien pourquoi ce film est resté aussi confidentiel en France, d'autant plus qu'il offrit l'un de ses plus beaux rôles au grand Robert Mitchum. Mais d'un autre côté, sa relative rareté ne fait que davantage scintiller ce joyau noir du cinéma américain des années 70...
3 commentaires
Alors que sort en DVD « Cogan », autre adaptation de George Higgins, toujours nulle trace d’une édition française de « the friends of Eddy Coyle ». A moins que vous n’ayez une piste à me fournir ?
Bonjour, hélas non, à ma connaissance aucune édition française en vue…
Si « Jackie Brown » demeure le seul film supportable de l’ex-employé de vidéoclub, il le doit à son couple vedette et au roman d’Elmore Leonard.