Film de François Simard, Anouk Whissell et Yoann-Karl Whissell
Pays : Canada
Année de sortie : 2018
Scénario : Matt Leslie et Stephen J. Smith
Photographie : Jean-Philippe Bernier
Montage : Austin Andrews
Musique : Le Matos
Avec : Shawn Williamson, Jameson Parker, Matt Leslie, Van Toffler, Cody Zwieg
Davey Armstrong: Just passed the manicured lawns and friendly waves. Inside any house, even the one next door, anything could be happening and you’d never know. […] Even serial killers live next door to somebody.
Summer of 84 se penche sur une certaine mythologie des suburbs américains typiques, et parvient à faire de son ancrage dans les années 80 autre chose qu’un simple effet de mode. Le résultat est un thriller horrifique efficace.
Synopsis du film
Été 1984, à Cape May (Oregon). La vie paisible d’un groupe d’adolescents est bouleversée à partir du jour où ils soupçonnent un voisin policier d’être le tueur d’enfants qui fait la une des médias locaux. Conscients de n’avoir aucune preuve tangible, ils décident de mener leur propre enquête, à leurs risques et périls…
Critique de Summer of 84
Les années 80 ont la côte, depuis un bon moment déjà. C’est perceptible aussi bien dans la musique et les BO de films (Drive) que dans plusieurs longs métrages et séries TV (Super 8 ; le récent remake de Ça ; la série Netflix Stranger Things, pour ne citer qu’eux). Par son seul titre, le long métrage canadien Summer of 84 est directement associable à cette tendance. Il ne s’agit pas pour autant d’une œuvre ultra-formatée qui se contente de décliner les codes et références so eighties pour se mettre dans la poche les nostalgiques des Amblin movies, et s’assurer au passage un honnête retour sur investissement.
Nous n’utilisons pas les années 80 comme un gimmick ou parce que c’est à la mode en ce moment
, confia François Simard (l’un des trois réalisateurs de Summer of 84) lors d’une interview au magazine Bad Feeling. Ce parti pris louable se vérifie à l’écran : le film place l’histoire et les personnages au premier plan et les détails qui situent l’action dans le temps sont discrets, jamais surlignés. Par ailleurs, le choix de l’époque est cohérent par rapport à la thématique abordée ; il faut cette fois se baser sur les propos de Yoann-Karl Whissell pour le comprendre : il y a un tournant aux USA où les suburbs (banlieues pavillonnaires) commencèrent à être moins sûres
– phénomène situé précisément à la fin des années 70/début 80 et que Summer of 84 illustre à sa manière.
Le sentiment d’insécurité pré-mentionné est en partie lié, toujours selon les auteurs du film, à la médiatisation de plusieurs tueurs en série opérant dans les « suburbs », à l’image d’un certain John Wayne Gacy (surnommé le clown tueur
, auquel le remake de Ça fait d’ailleurs référence). L’idée centrale de Summer of 84 est donc de filmer la petite ville résidentielle américaine à la Desperate Housewives en confrontant sa mythologie première (une vie de famille paisible et sans encombres, au milieu de jardins bien entretenus et de barbecue parties) à la violence, à la peur et à la perversité (à sa manière toute personnelle, David Lynch avait effectué une démarche comparable dans le culte Blue Velvet).
La personnalité du protagoniste de Summer of 84 (le jeune Davey, incarné par Graham Verchere), et en particulier sa manière de voir des complots et machinations partout au sein de la société, a également une portée historique : elle renvoie à une époque où la confiance envers le pouvoir avait été ébranlée par divers événements survenus au cours des décennies précédentes, comme l’assassinat de JFK, le Vietnam ou le Watergate. C’est d’ailleurs dans les années 80 que se développera la panique morale
appelée satanic ritual abuse, dans laquelle le très bon film d’épouvante The House of the Devil puise une partie de sa matière.
Ce lien entre l’époque du film et sa thématique démontre donc que le trio de réalisateurs de Summer of 84 (François Simard, Anouk Whissell et Yoann-Karl Whissell, qui s’étaient fait remarquer à Sundance en 2015 avec Turbo Kid) ne sont pas de simples opportunistes exploitant l’attractivité de la pop-culture des années 80. Ils livrent ici un récit solide, soigneusement construit et dont le caractère immersif tient à de nombreuses qualités techniques et artistiques : une réalisation élégante, qui évite les poncifs du genre ; des personnages attachants ; un bonne gestion du rythme (le scénario prend le temps d’installer le cadre, les personnages, de faire lentement progresser l’intrigue) ; de jeunes acteurs talentueux et une BO évocatrice (composée par le duo électro canadien Le Matos) qui fait songer au travail du groupe allemand culte Tangerine Dreams, auteur de la musique de plusieurs classiques des années 70-80 (Le Convoi de la peur ; Risky Business ; Vampire, vous avez dit vampire ?).
Cette rigueur d’exécution à différents niveaux du projet fait qu’en dépit d’une histoire somme toute assez bateau (on songe entre autres à Disturbia, qui lui-même citait Fenêtre sur cour), Summer of 84 parvient à nous embarquer sans mal vers un final convaincant, qui prend habilement à rebours certaines des conventions auxquelles on peut s’attendre face à ce genre de cinéma.
Summer of 84 plaira bien entendu aux fans du revival 80 actuel, mais pas uniquement : solidement mené, bien joué et sans faute de goûts, ce thriller d'épouvante possède suffisamment d'atouts et de caractère pour séduire un plus large public, et pour que l'on s'intéresse de près aux prochaines réalisations du talentueux trio canadien qui en est l'auteur.
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