Film d’Édouard Niermans
Année de sortie : 1987
Pays : France
Scénario : Jacques Audiard, Alain Le Henry et Édouard Niermans
Photographie : Bernard Lutic
Montage : Yves Deschamps et Jacques Witta
Musique : Vincent-Marie Bouvot et Léon Senza
Avec : Bernard Giraudeau, Fanny Bastien, Fanny Cottençon, Jean-Pierre Sentier, Michel Aumont, Gérard Blain
Simon Blount : Y a plus de maison, Violetta. Y a plus de parents. Y a plus d’Afrique. Y a plus rien.
Poussière d’ange est un polar inégal mais non dénué de cachet, notamment grâce à son personnage principal – brillamment incarné par Bernard Giraudeau – et son atmosphère urbaine empreinte de mélancolie.
Synopsis du film
Ce n’est pas la grande forme pour Simon Blount (Bernard Giraudeau) : sa femme Martine (Fanny Cottençon) l’a quitté, et est tombée dans les bras d’un autre homme. Alors il boit.
Le lendemain d’une cuite monumentale, le commissaire Florimont (Michel Aumont) lui demande de se rendre dans un supermarché où auraient lieu des vols récurrents. À cette occasion, il rencontre une jeune fille énigmatique, Violetta (Fanny Bastien), qui travaille dans un musée.
Parallèlement, Blount sillonne les rues pour retrouver sa femme, avec l’aide d’un ami et ancien détective nommé Landry (Jean-Pierre Sentier). Il la localise dans un hôtel où son amant, un ancien maquereau peu recommandable, est assassiné dans les mêmes conditions qu’un autre homme quelques jours plus tôt. Blount mène l’enquête, tout en s’interrogeant peu à peu sur cette Violetta qui semble lui raconter pas mal de salades…
Critique de Poussière d’ange
Édouard Niermans est un cinéaste rare puisqu’en dehors de Poussière d’ange, il n’a réalisé que deux autres films pour le cinéma, à savoir Anthracite (1980) et Le Retour de Casanova (1992), énième variation autour du célèbre aventurier et auteur vénitien. C’est Jacques-Eric Strauss, le producteur (entre autres) de Je t’aime moi non plus (de Serge Gainsbourg) et de J’embrasse pas (d’André Téchiné), qui lui proposa de réaliser un film policier, vers la fin des années 80. Au départ, le scénario devait être l’adaptation d’un roman policier, mais cette première piste s’avéra rapidement être une impasse. Jacques Audiard rejoignit alors l’équipe de scénaristes et signa, principalement avec Alain Le Henry, un scénario finalement original, sans rapport avec le roman.
À l’époque, Alain Le Henry avait déjà une réputation de scénariste plutôt solide, puisqu’il avait travaillé sur des films comme Diabolo menthe, Le Grand pardon (déjà avec Giraudeau) et Subway. Le nom du futur réalisateur de Regarde les hommes tomber, De battre mon cœur s’est arrêté et plus récemment de Dheepan était en revanche encore assez peu connu, même s’il avait collaboré à l’écriture de films tels que, par exemple, le célèbre Mortelle randonnée de Claude Miller.

Comme tout flic mélancolique de cinéma qui se respecte, Simon Blount (Bernard Giraudeau) boit et fume.
Édouard Niermans souhaitait réaliser un polar personnel, atypique, et le résultat final reflète ce parti pris. Poussière d’ange est avant tout l’histoire d’un homme, autour duquel s’articule une intrigue policière qui, il faut bien le dire, est quelque peu cousue de fils blancs, et ne représente pas le principal intérêt du film. Histoire d’un homme donc qui d’ailleurs ne se comporte pas vraiment comme un policier, même si son statut lui permet d’ouvrir lui-même la porte de la cellule de dégrisement dans laquelle il termine une nuit difficile et alcoolisée au tout début du film. Un homme un peu perdu, trompé et quitté par sa femme, et qui va davantage suivre, tout au long du métrage, son instinct et ses sentiments que son devoir professionnel.
Le film parvient à nous embarquer dans l’errance du protagoniste, que Bernard Giraudeau (qui avait rejeté une première version, inaboutie selon lui, du script) interprète avec un mélange de mélancolie, de cynisme, de sensibilité et d’humour blasé. La sensation d’égarement est d’autant plus forte qu’on ignore parfaitement où se situe l’action du film, et pour cause, Édouard Niermans a volontairement tourné dans plusieurs villes (Paris, Lyon et Marseille), créant ainsi une cité hybride faite pour l’essentiel de rues anonymes et de zones périphériques, qui conviennent fort bien à l’état d’esprit brumeux de Simon Blount.
Le film utilise certains codes du polar (la voix off, le flic ombrageux et solitaire) tout en jouant sa propre partition, partition touchante mais aussi bancale, les éléments du scénario ayant trait à l’enquête étant trop négligés, tandis que le dernier quart d’heure est un peu bâclé. Finalement, c’est un film un peu boiteux, à l’image de son personnage principal, et cette correspondance – sans doute involontaire (quoique) – fait que les quelques défauts d’écriture n’empêchent pas Poussière d’ange de fonctionner, et de dégager même une certaine aura. Le film a en tous cas mieux vieilli que certains polars français musclés mais pas toujours très fins des années 80, précisément parce que son protagoniste, et les décors urbains au sein desquels il évolue (douloureusement), sont assez intemporels.
Poussière d'ange est un film imparfait mais qui réussit néanmoins à nous entraîner sur les pas du policier amer, blasé et sentimental campé par le regretté Bernard Giraudeau. Ceci grâce à une interprétation solide (Giraudeau bien sûr, mais aussi la toute jeune Fanny Bastien et Jean-Pierre Sentier), une réalisation qui utilise habilement les décors urbains et quelques bonnes idées de scénario. Pour Jacques Audiard et Alain Le Henry, ce film marqua en tous cas le début d'une collaboration fructueuse, puisqu'ils écriront ensemble Regarde les hommes tomber et Un Héros très discret, les deux premiers longs métrages de l'auteur d'Un Prophète.
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