Film de Rian Johnson
Année de sortie : 2006
Pays : États-Unis
Scénario : Rian Johnson
Photographie : Steve Yedlin
Montage : Rian Johnson
Musique : Nathan Johnson
Avec : Joseph Gordon-Levitt, Emilie de Ravin, Nora Zehetner, Matt O’Leary, Noah Fleiss, Lukas Haas
Laura Dannon: Do you trust me now?
Brendan Frye: Less than when I didn’t trust you before.
Primé à l’édition 2005 du célèbre Sundance Film Festival, le premier long métrage de Rian Johnson – Brick – mélange habilement tradition du film noir et modernité.
Synopsis du film
Brendan Frye (Joseph Gordon-Levitt) étudie au lycée de San Clemente, une ville située dans le comté d’Orange (en Californie). En ouvrant son casier un matin, il y découvre un bref mot signé de son ex petite amie, Emily (Emilie de Ravin), qui lui indique un lieu et une heure de rendez-vous.
Quant Brendan se rend sur place, il entend une sonnerie en provenance de la cabine téléphonique à proximité. Le jeune homme échange alors quelques mots avec Emily, qui d’une voix paniquée lui confie qu’elle encourt un grave danger – avant de raccrocher sans plus de détails.
Brendan va alors tout faire pour la retrouver…
Critique de Brick
Neo-noir. Un genre qui, comme son nom l’indique, utilise les codes du cinéma noir traditionnel tout en les associant à des thèmes et/ou à une esthétique résolument actuels. La définition convient remarquablement bien à Brick, qui puise dans l’univers de Raymond Chandler (et donc dans les fameux detective movies avec Humphrey Bogart) et de Dashiell Hammett (auteur du Faucon maltais) tout en livrant un récit moderne, aussi bien dans son style visuel que dans la caractérisation des personnages. Un alliage plutôt équilibré et non dénué de saveur, qu’on appréciera d’autant plus que Rian Johnson, alors cinéaste débutant, a dû composer avec un petit budget (450 000 dollars seulement).
Il n’est d’ailleurs pas exclu, comme souvent, que ces contraintes économiques aient contribué au cachet du film. Peut-être qu’avec plus de moyens, Johnson aurait convoqué plus de figurants, utilisé plus de décors. Ici, l’acteur Joseph Gordon-Levitt déambule dans un lycée étonnamment vide et traverse des paysages pratiquement déserts. Il en résulte une atmosphère presque irréelle qui renforce la stature des personnages et souligne même la mythologie (le cinéma noir) à laquelle renvoie directement le scénario. On croirait presque voir, dans ces plans épurés, rôder les fantômes de Philip Marlowe et de ces femmes fatales (dédicace à la chanson éponyme du Velvet Underground) légendaires qui lui tenaient tête à l’écran, une cigarette plantée entre les lèvres.
Au niveau de l’écriture des personnages, la plume de Johnson se distingue par sa précision. Brendan Frye, le protagoniste, concentre à la fois les clichés du détective (amateur, en l’occurrence) amer, désabusé mais perspicace, tout en imposant une patte bien à lui ; une réussite qui doit beaucoup à la présence et au jeu de Joseph Gordon-Levitt, qui parvient à concilier romantisme, détermination et désinvolture avec une certaine classe.
Plus proche physiquement de John Lennon que d’Humphrey Bogart, Frye reste toujours crédible en héros blasé mais efficace quand il s’agit de jouer des poings (et d’encaisser les coups). Autour de lui gravite un trio féminin hétérogène et haut en couleurs, au sein duquel chaque actrice (Emilie de Ravin, Nora Zehetner et Meagan Good) tire joliment son épingle du jeu. Son acolyte « The Brain » (Matt O’Leary), le dandy « The Pin » (Lukas Haas) et son porte-flingue Tugg (Noah Fleiss) achèvent de composer une mosaïque de personnages riche en références cinématographiques (la jeune fille en détresse ; la mystérieuse séductrice). Références que l’auteur s’approprie intelligemment et qui, de fait, n’empêchent jamais le récit d’affirmer son propre caractère.
L’une des forces de Brick est de flirter avec la dérision et l’humour sans jamais renier totalement la gravité propre au genre qu’il revendique. Dans le fond, le bad guy « The Pin », présenté comme un grand ponte local de la drogue, est un adolescent maniéré qui boit du jus de fruit et vit chez sa mère ; quant à Tugg, on le croirait sorti d’un cartoon. Et pourtant, grâce au jeu des comédiens et à la tenue de l’ensemble, Brick trouve la bonne tonalité et ne fait aucune fausse note, proposant une variation élégante et originale autour de la mythologie littéraire et cinématographique qu’il convoque – comme une volute qui, délicatement, dessine sa propre trajectoire dans l’espace.
Brick revisite avec un style indéniable, et une grande justesse de ton, l'univers du film noir et des polars hardboiled de Raymond Chandler et de Dashiell Hammett. Quant à Joseph Gordon-Levitt, il confirmait ici, après son admirable performance dans Mysterious Skin (2004), toute l'étendue de son talent.
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