Film de Pascale Ferran
Pays : France
Année de sortie : 1994
Scénario : Pascale Ferran et Pierre Trividic
Photographie : Jean-Claude Larrieu
Montage : Guy Lecorne
Musique : Béatrice Thiriet
Avec : Didier Sandre, Charles Berling, Guillaume Charras, Catherine Ferran, Agathe De Chassey, Audrey Boitel, Mathieu Robinot, Didier Bezace, Nadia Barentin, Jean Dautremay
Petits arrangements avec les morts, le premier film de Pascale Ferran, explore avec beaucoup de finesse et d’habileté un sujet difficile, en contournant tous les clichés et lieux communs auquel il conduit parfois.
Synopsis du film
Quelque part sur le littoral breton, comment un jeune garçon précoce, et les différents membres d’une fratrie, composent avec la perte d’un être cher.
Critique de Petits arrangements avec les morts
Le thème du deuil est récurrent dans la fiction, en littérature comme au cinéma. De toutes manières, tous les thèmes sont récurrents : il s’agit de trouver une manière intéressante de les aborder, si possible un peu singulière, du moins personnelle. En l’occurrence, Petits arrangements avec les morts aborde son sujet principal d’une façon tout à fait particulière.
Le récit, divisé en trois chapitres centrés autour d’un personnage distinct, est construit de façon non linéaire. La narration ne respecte pas la chronologie des événements et comporte des ellipses. Ce parti pris fait que les choses se révèlent peu à peu, se dessinent progressivement, un peu comme le château de sable que construit, avec patience, le personnage de Vincent (Didier Sandre).
Ce château qui d’ailleurs constitue un symbole fort dans Petits arrangements avec les morts : parce qu’il est détruit chaque soir par la montée de la mer, ou encore par des enfants, il doit être reconstruit chaque jour. Ce cycle répétitif métaphorise le parcours intime des personnages du film, et à travers eux celui de tous les êtres humains : il faut se construire, jour après jour, avec l’idée que rien ne dure, que tout peut être amené à disparaître.
Nous parlions d’ellipses, les plus « remarquables » concernent tout ce qui se rapporte concrètement à la mort. Elle est hors-champ, on ignore même en partie ses circonstances précises. Pas de scènes autour d’un lit d’hôpital, pas d’enterrement, peu d’évocations directes au travers des répliques. La narration contourne habilement l’événement en lui-même pour mieux se concentrer sur ses conséquences sur les vivants ; sur la façon dont ils vont, chacun à leur façon, réagir à la perte d’un être cher, composer, « s’arranger » (plus ou moins difficilement) avec elle. D’où le titre, par ailleurs excellent, du film.
Le scénario, écrit par Pascale Ferran et Pierre Trividic (avec la collaboration d’Arnaud Desplechin) est un modèle de construction narrative — et il s’agit d’un scénario original, non de l’adaptation d’un roman. Tous les personnages, caractérisés avec une grande finesse, offrent un éclairage différent sur le thème central du métrage.
La fin, que nous tairons ici, est belle et simple. Elle offre une conclusion limpide, touchante à tout ce qui lui précède. Il n’est pas si fréquent d’observer une telle cohérence, une telle maîtrise dans un premier long métrage. D’autant que Petits arrangements avec les morts a conservé toute sa force aujourd’hui — c’est un château de sable épargné par les marées.
Petits arrangements avec les morts s’affirme comme l’un des films les plus intelligents et subtils sur le thème du deuil. L’originalité de la construction, autant que le soin accordé à la caractérisation des personnages, forcent l’admiration. Et si l’émotion est bien là, elle est discrète, finement distillée, avant d’atteindre, dans la très belle séquence finale, sa note la plus saisissante. Probablement l’un des meilleurs longs métrages français de la décennie 90.
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