Film de Lina Soualem
Année de sortie : 2021
Pays : France, Algérie, Suisse, Qatar
Image et son : Lina Soualem
Musique : Rémi Durel
Avec : Aïcha Soualem, Mabrouk Soualem, Zinédine Soualem, Lina Soualem
Leur Algérie est un documentaire d’une grande pudeur sur le thème délicat de l’exil. À voir au cinéma dès le 13 octobre prochain.
Synopsis du film
La comédienne et réalisatrice Lina Soualem prend sa caméra pour filmer ses grands-parents Aïcha et Mabrouk, qui viennent de se séparer après 62 ans de mariage. Devant l’objectif, ces deux Thiernois évoquent, à demi-mots, leur vie d’immigrés marqués par la colonisation et la guerre d’Algérie.
Critique de Leur Algérie
Il y a principalement deux façons de comprendre, ou plutôt de tenter de comprendre (en partie) un événement historique tel que la colonisation de l’Algérie par la France (et la guerre qui s’ensuivit) : l’approche globale, « macro », consistant à emmagasiner des informations supposément objectives, factuelles sur l’événement dans son ensemble et où l’on parlera surtout de populations, voire de « masses » (les seuls noms qui seront cités seront ceux de personnes célèbres, de hauts responsables politiques ou militaires) ; et l’approche « micro », où l’on percevra cet événement par le prisme d’expériences individuelles, apportant chacune un éclairage distinct et complémentaire.
C’est la seconde approche qu’a choisi la réalisatrice et comédienne Lina Soualem en filmant ses grands-parents Aïcha et Mabrouk dans Leur Algérie. L’une des qualités de ce documentaire réside dans son aspect épuré : Lina Soualem ne cherche jamais à meubler les silences par une voix-off explicative. Au contraire, elle les laisse planer à l’écran pour laisser au spectateur le temps de saisir des non-dits, d’essayer de lire dans les regards (Aïcha et Mabrouk Soualem, tous deux pudiques à leur façon, sont souvent avares de confidences). On essaie ainsi de mesurer un tant soit peu ce que ce couple d’immigrés algériens a traversé, et si on ne peut bien entendu tout à fait y parvenir, le film nous permet d’effleurer une émotion dont l’écho est à la fois intime et collectif ; une profondeur qu’un reportage journalistique, si informatif et documenté soit-il, ne peut atteindre.
On rit parfois, notamment grâce à l’attachante Aïcha, qui elle-même rit souvent (lorsqu’elle est embarrassée ou émue, notamment) ; mais surtout on écoute, on regarde et on ressent. Tous les films, qu’il s’agisse de documentaires ou de fictions, devraient en théorie susciter cette réaction chez le spectateur mais en réalité, nombreux sont ceux qui sont trop encombrés pour y parvenir. Leur Algérie n’est pas encombré ; il laisse l’esprit et les sens du spectateur errer dans le cadre où flottent des questions, des regrets, des souvenirs, des sentiments souvent confus et ambigus.
Par moments, délaissant les visages de ses grands-parents ou celui de son père, le célèbre comédien Zinédine Soualem, Lina Soualem filme des paysages, à Thiers ou en Algérie, ou encore des pièces vides, démontrant à ces occasions son sens du cadre et de la composition ; un talent qu’elle met entièrement au service de son sujet, ce pourquoi elle est, de toute évidence, une réalisatrice à suivre. Mais en attendant sa prochaine œuvre, on ne saurait trop conseiller la vision de ce film émouvant et tellement précieux, particulièrement en ces temps où les thèmes de l’immigration et de l’identité sont sans cesse exploités, récupérés, caricaturés par de biens sinistres et ignorants personnages.
Leur Algérie transmet beaucoup de sentiments et d'émotions permettant de comprendre un peu mieux, au-delà des généralités et des clichés, tout ce qu'implique le déracinement, en particulier quand celui-ci survient dans un contexte violent et brutal. Un film très beau et sans doute nécessaire, en cette période où les médias sont saturés de discours primaires et xénophobes.
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