Film de Rémi Bezançon
Année de sortie : 2019
Pays : France
Scénario : Rémi Bezançon et Vanessa Portal, d’après Le Mystère Henri Pick de David Foenkinos
Photographie : Antoine Monod
Montage : Valérie Deseine
Musique : Laurent Perez Del Mar
Avec : Fabrice Luchini, Camille Cottin, Alice Isaaz, Bastien Bouillon
Le Mystère Henri Pick est une adaptation sympathique du roman éponyme de David Foenkinos, qui repose essentiellement sur le savoureux tandem composé par Fabrice Luchini et Camille Cottin.
Synopsis du film
Daphné Despero (Alice Isaaz) est une jeune éditrice ambitieuse qui travaille chez Grasset. Elle partage sa vie avec Fred Koskas (Bastien Bouillon), un écrivain dont le premier roman, La Baignoire, s’est soldé par un échec commercial.
A l’occasion d’un séjour chez ses parents à Crozon, Daphné découvre l’existence d’une bibliothèque consacrée aux livres refusés, née de l’initiative d’un libraire local. Elle y découvre un manuscrit en lequel elle perçoit aussitôt un immense potentiel. La suite des événements lui donne raison : Les Dernières heures d’une histoire d’amour, écrit par un certain Henri Pick (un pizzaïolo breton décédé depuis) et donc publié par Grasset, rencontre un immense succès public et critique.
Seulement voilà, Jean-Michel Rouche (Fabrice Luchini), un critique littéraire parisien et animateur d’une émission culturelle, est convaincu que le véritable auteur du roman n’est pas Henri Pick. Il se lance alors dans une enquête littéraire riche en rebondissements, rapidement rejoint dans ses investigations par Joséphine (Camille Cottin), la propre fille de Pick.
Critique de Le Mystère Henri Pick
Le Mystère Henri Pick, c’est d’abord un roman de David Foenkinos, publié en 2015 chez Gallimard. L’histoire, plutôt agréable à suivre, s’interroge sur la manière dont le « contexte », en quelques sortes, d’une œuvre (l’histoire de sa genèse, le vécu personnel de son auteur…), conditionne parfois excessivement la perception de celle-ci. Où comment « la forme prend le pas sur le fond », pour reprendre le constat de l’un des personnages.
Face à la chute des ventes de livres (un sujet abordé notamment dans le dernier film d’Olivier Assayas, Doubles vies), on ne s’étonnera pas que les éditeurs aient recours, ponctuellement, au storytelling pour augmenter les chances de succès d’une publication ; il serait d’ailleurs presque difficile de les en blâmer dans un tel contexte. La biographie et la personnalité de l’auteur deviennent parfois des arguments commerciaux à part entière, sans doute davantage que par le passé, et le succès du roman publié par Daphné Despero (Alice Isaaz) dans Le Mystère Henri Pick illustre bien ce phénomène. Enfin, il s’agit aussi d’égratigner le mythe égalitaire selon lequel un Flaubert sommeillerait en chacun de nous ; pendant la promotion du film, Fabrice Luchini, en verve comme toujours, a d’ailleurs mis particulièrement l’accent sur cette dimension du récit.
Après un début un peu mou et balbutiant, où le film semble chercher le ton juste (voir la scène de rupture entre Jean-Michel Rouche et sa femme Brigitte, jouée par Florence Muller, qui use d’un humour un peu absurde en décalage avec le reste), Le Mystère Henri Pick finit par se mettre sur de bons rails, en particulier à partir du moment où le duo Fabrice Luchini/Camille Cottin prend forme à l’écran.
Entre ces deux comédiens, l’alchimie est évidente et c’est elle qui donne au film l’essentiel de sa saveur, dans la mesure où celui-ci reste modeste aussi bien sur le plan de la forme que du fond.
Rémi Bezançon et Vanessa Portal étaient sans doute conscients de la nécessité de mettre en scène un duo central fort, dans la mesure où ils ont largement modifié la trame et certains personnages du roman (celui joué par Cottin en particulier) pour se concentrer sur le tandem de détectives en herbe incarnés par les deux comédiens vedette, tandem nettement moins mis en avant, voire inexistant sous cette forme, dans le roman de Foenkinos. Dans le même objectif, les scénaristes ont écarté des péripéties relatées dans le livre qui s’éloignaient inutilement de l’intrigue principale, et parviennent par ailleurs à amener différemment, et à mon sens plus habilement, le twist final. Il en résulte que le fil narratif du film est plus solide et efficace que celui du roman de Foenkinos.
Si on ajoute à cela un cadre agréable (la charmante commune de Crozon, en Bretagne), on en conclura que Le Mystère Henri Pick, si on n’attend pas davantage qu’un divertissement honnête, se suit avec un certain plaisir. D’autant plus qu’on y entend la jolie mélodie hongroise (D.817) de Schubert, celle-là même dont Christian Vincent avait fait un brillant usage dans le remarquable La Discrète (1990), avec un certain… Fabrice Luchini. Un clin d’œil, peut-être, qui serait d’ailleurs du meilleur goût !
Le Mystère Henri Pick est un divertissement mineur mais agréable et sans prétention qui délivre au passage une réflexion sur le marketing éditorial et autres phénomènes de notre temps. Fabrice Luchini et Camille Cottin y exécutent chacun une partition complémentaire à laquelle le film doit beaucoup.
Aucun commentaire