Film d’Yvan Attal
Année de sortie : 2017
Pays : France
Scénario : Yaël Langman, Victor Saint Macary, Bryan Marciano, Yvan Attal
Photographie : Rémy Chevrin
Montage : Célia Lafitedupont
Musique : Michael Brook
Avec : Camélia Jordana, Daniel Auteuil, Yasin Houicha, Nozha Khouadra, Nicolas Vaude
Serge Gainsbourg (cité dans Le Brio) : Ce sont les mots qui véhiculent l’idée, et non l’idée qui véhicule les mots.
Sur la base d’une idée qui ouvrait la voie à moult caricatures, Yvan Attal et ses comédiens parviennent à convaincre grâce à une justesse de ton, d’écriture et de jeu qui fait mouche.
Synopsis du film
Neïla Salah (Camélia Jordana) habite à Créteil avec sa mère (Nozha Khouadra). Elle est en première année de droit à l’université de Panthéon-Assas. Un matin, Neïla arrive en retard à un cours magistral donné par Pierre Mazard (Daniel Auteuil), qui prend la jeune femme à parti et glisse au passage des références malvenues à ses origines maghrébines.
Plusieurs étudiants sont choqués par la scène et le président de l’université (Nicolas Vaude) fait une offre à Mazard pour calmer le jeu : prendre Neïla sous son aile et la préparer à un concours d’éloquence ; le professeur lavera ainsi sa réputation (en vue d’un inévitable conseil de discipline), tandis que l’image d’Assas sera redorée du même coup.
Ignorant les véritables motivations de Mazard, Neïla accepte sa proposition et les cours particuliers débutent. Mazard base principalement son enseignement sur un livre du philosophe allemand Arthur Schopenhauer, L’Art d’avoir toujours raison ; mais le climat entre le professeur et son élève est plutôt houleux…
Critique de Le Brio
Une jeune femme habitant en banlieue, d’origine maghrébine, croise la route d’un professeur réac qui lui apprend à maîtriser les codes – sémantiques mais aussi gestuels et vestimentaires – indispensables à la réussite de son objectif : devenir avocate. En cours de route, chacun découvre un peu mieux l’autre, dépasse ses premières impressions et le tout constitue une fable à la morale limpide : battez-vous pour faire mentir les préjugés des autres et le déterminisme social plutôt que de faire de ces deux obstacles les justifications de votre échec. Je simplifie, bien entendu, mais c’est en partie le discours du Brio, le dernier film d’Yvan Attal (son cinquième comme réalisateur).
Un discours certes convenu mais pas imbécile pour autant et surtout difficile à articuler dans un long métrage – c’est que les bons sentiments ne donnent pas toujours de bons films, loin s’en faut. Quand vous illustrez un propos optimiste, simple, positif, la moindre lourdeur ne pardonne pas : l’ensemble devient aussitôt un mélange informe de lieux communs aux pénibles relents de guimauve. Il faut une exécution juste, précise pour que le résultat prenne à contrepied les craintes suscitées par la lecture du pitch.
Yvan Attal a su faire preuve de cette justesse dans Le Brio. Bien sûr, ce n’est pas un film qui surprend, qui bouscule, qui dérange ; il déroule un schéma classique évoquant un certain cinéma américain, celui qui fait l’éloge de la réussite sociale obtenue grâce à la persévérance et au travail – d’ailleurs, on ne serait pas étonné que le scénario du Brio intéresse des producteurs outre-Atlantique. Mais « classique » ne rime pas avec « médiocre », pas davantage que « dérangeant » et « original » ne riment systématiquement avec « talent ». Quand une histoire est bien racontée, que les personnages parviennent à être davantage que les symboles auxquels ils renvoient (LA jeune étudiante issue de l’immigration ; LE prof de droit rigide et raciste) et que l’on sent derrière tout cela le regard d’un cinéaste honnête, qui sait de quoi il parle, et bien cela fonctionne ; et il faut d’autant plus le souligner que le cinéma français ne maîtrise pas toujours le feel good movie, ce registre humble mais casse gueule car nécessitant un alliage délicat de grosses ficelles et de nuances.
La réalisation maîtrisée d’Attal (dont Le Brio est sans doute le meilleur film avec Ma femme est une actrice) et le bon équilibre du scénario n’expliquent bien entendu pas tout : le film doit beaucoup au talent et à la visible complicité de ses deux interprètes principaux, qui portent avec entrain ce joli récit sur la transmission. La musicienne et comédienne Camélia Jordana n’a pas volé le César du meilleur espoir féminin 2018 (même si les autres nommées, dont Garance Marillier pour Grave, n’auraient pas démérité non plus), tant son jeu s’avère aussi juste que ses notes quand elle chante. Face à elle, est-il besoin de le souligner, Daniel Auteuil est impeccable, et tous deux se donnent merveilleusement la réplique tandis que la réalisation et le montage maintiennent un rythme dynamique et emmené – on ne s’ennuie donc pas une seconde ici, même si l’on sait à peu près comment tout cela va se finir (bien, évidemment).
Le Brio parvient à être positif sans être mièvre, à illustrer une morale sans être lourdement moralisateur, et à charmer malgré une trame prévisible. Il y a tout simplement ici ce qu'il faut de talent et d'intelligence pour que l'on apprécie à leur juste mesure ces bons sentiments si mal négociés par tant de réalisateurs ; on aurait donc tort de ne pas en profiter pour faire le plein d'optimisme.
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