Citizen Poulpe - Critiques de films
  • Critiques de films
    • Toutes les critiques de films
    • Drame
    • Policier / Thriller
    • Horreur
    • Fantastique
    • Science-fiction
    • Comédies / Comédies dramatiques
    • Western
    • Espionnage
    • Guerre
    • Aventures / Action
    • Documentaire
    • Courts métrages
  • Extraits de films
  • Musique et cinéma
  • Dossiers
    • Dossiers thématiques
    • Portraits croisés
    • Personnalités
  • Recueil de nouvelles
  • Contact
Elisabeth Moss dans "Shirley"
Drame 0

Shirley

Par Bertrand Mathieux · Le 16 juin 2020

Film de Josephine Decker
Année de sortie : 2020
Pays : États-Unis
Scénario : Sarah Gubbins, d’après le roman Shirley de Susan Scarf Merrell
Photographie : Sturla Brandth Grøvlen
Montage : David Barker
Musique : Tamar-kali
Avec : Elisabeth Moss, Michael Stuhlbarg, Odessa Young, Logan Lerman

Le nouveau film de Josephine Decker, Shirley, rejette avec élégance les règles du biopic, pour mieux parler de création littéraire et d’émancipation féminine.

Synopsis du film

Rose et Fred Nemser (Odessa Young et Logan Nerman) sont un jeune couple sur le point d’avoir un premier enfant. Tous deux fréquentent l’université de Bennington, dans laquelle enseigne Stanley Hyman (Michael Stuhlbarg), un critique littéraire marié à la romancière Shirley Jackson (Elisabeth Moss), dont il admire la prose.

Hyman suggère aux jeunes fiancés de venir s’installer chez eux pendant quelques temps, laissant entendre qu’un peu de compagnie ferait du bien à son épouse, d’humeur plutôt dépressive.

La cohabitation est d’abord tendue, puis un début de complicité semble naître entre Rose et Shirley. Celle-ci débute l’écriture d’un nouveau roman, Hangsaman, inspiré par la disparition mystérieuse d’une étudiante de la région. Mais ce travail la rend nerveuse, tandis que la relation entre Rose et Fred se complique peu à peu…

Critique de Shirley

S’ils sont presque tous catastrophiques en France, les biopics ne sont pas tellement plus convaincants ailleurs dans le monde. C’est un genre poussiéreux, miné par l’académisme et la démagogie. Évidemment, il y a, comme toujours, un certain nombre d’exceptions, dont (entre autres) le très beau Control (2007) d’Anton Corbijn, inspiré de la vie du chanteur de Joy Division. Mais la plupart du temps, le biopic se contente de cumuler les poncifs du récit consensuel par excellence, ou de dérouler les clichés sur la création et sur l’art (quand il s’agit d’artistes) – avec, en prime, une morale pataude à souhait.

Fort heureusement, Shirley n’est pas un biopic. Certes, le personnage central est Shirley Jackson, brillante écrivain américain qui, entre 1948 et 1962, a publié des nouvelles et romans appartenant au genre horreur ou thriller (dont The Haunting of Hill House, librement – et brillamment – adapté par Mike Flanagan sur Netflix). Mais pour autant le film n’est ni l’histoire de sa vie, ni le récit fidèle de l’un de ses chapitres. C’est une œuvre hybride, qui utilise des faits et personnages authentiques à des fins de fiction.

Elisabeth Moss et Michael Stuhlbarg dans Shirley
Elisabeth Moss et Michael Stuhlbarg dans « Shirley »

En se basant sur un roman de Susan Scarf Merrell (Shirley, 2014), la scénariste Sarah Gubbins et la réalisatrice Josephine Decker ont dépeint des personnes certes réelles (dont Shirley Jackson, donc, et son époux Stanley Hyman) mais avec une liberté revendiquée, tout en imaginant leurs interactions avec des personnages fictifs (Rose et Fred Nemser).

Le scénario navigue ainsi entre biographie et fiction, entre réel et imaginaire, et les frontières séparant ces zones sont volontairement floues, poreuses, imprécises. Il est évident que Decker a d’abord voulu parler de choses qui l’intéressent, explorer des thèmes qui lui sont chers, et non respecter un quelconque cahier des charges ou coller scrupuleusement à une démarche biographique.

Ces thèmes, ce sont notamment la création artistique – la gestation douloureuse du second roman de Jackson, Hangsaman, est le fil rouge du film – mais aussi l’émancipation et la sexualité féminines. Intelligemment, la réalisatrice suggère un lien entre ces différents domaines : ce n’est pas un hasard si le premier réflexe de Rose Nemser, après avoir terminé le recueil de nouvelles The Lottery de Shirley Jackson, suggère à son mari d’aller faire l’amour dans les toilettes d’un train. Ou comment une écriture audacieuse et une imagination aussi fertile que sombre peuvent provoquer un émoi érotique chez le lecteur, ou la lectrice en l’occurrence.

Shirley (2020)
La relation entre Shirley (Elisabeth Moss) et Rose (Odessa Young) est au cœur du film, et ce plan l’illustre très bien

La relation entre Rose et Shirley, dans le film, va souligner délicatement, par moments (et avec parcimonie), cette dimension sensuelle. Dans sa manière de filmer le désir féminin, Decker se rapproche un peu de Jane Campion, même si elle possède son propre style. On ne peut cependant absolument pas résumer les rapports entre les protagonistes à une attirance physique : c’est plus complexe que cela. Elles se stimulent mutuellement, sur le plan émotionnel mais aussi intellectuel et psychologique. Pour Rose, l’univers de Shirley ouvre des perspectives que sa situation de jeune épouse, et de future mère, dans le contexte d’une société plutôt patriarcale et puritaine, ne lui permettait probablement pas d’entrevoir. À l’inverse, la compagnie de la jeune femme semble avoir un effet positif sur l’humeur mais aussi sur l’inspiration de l’auteure.

Elisabeth Moss dans Shirley
Elisabeth Moss

Shirley parle donc, principalement, d’émancipation féminine, à travers le prisme de la création (l’art comme manière de regarder autrement le monde, la société mais aussi soi-même). Le film évite toutefois les pièges du récit à message : Josephine Decker semble préférer les émotions et les sensations aux discours explicites. Au niveau de la forme, son travail est d’ailleurs très axé sur le sensoriel, sur l’atmosphère. Le fil narratif est assez ténu, régulièrement ponctué de courtes séquences vaguement oniriques, au point d’ailleurs que Shirley frôle parfois une certaine inconsistance. Mais de solides performances d’acteur font que l’ensemble tient sur la durée. Elisabeth Moss est impressionnante car elle compose un personnage fort, un peu excentrique et excessif par moments, sans jamais trop en faire : son jeu est précis, tout en retenue. Odessa Young exprime quant à elle à merveille l’évolution de Rose, qui est primordiale dans le film (elle devient de plus en plus libre et indépendante). Son intensité est palpable, mais comme Moss, l’actrice la suggère de façon subtile.

Odessa Young dans Shirley
Odessa Young

De son côté, Michael Stuhlbarg, dans le rôle de Stanley Hyman, incarne avec talent un personnage nuancé, à la fois mari infidèle et égocentrique (voire franchement agaçant), et fervent supporter du travail de son épouse. Il (le vrai) écrivit d’ailleurs à son sujet : I think that the future will find her powerful visions of suffering and inhumanity increasingly significant and meaningful (Je pense qu’à l’avenir, on jugera ses puissantes visions de souffrance et d’inhumanité extrêmement significatives et révélatrices). Plus de cinquante ans après la mort de Shirley Jackson, les sorties successives de la série remarquable The Haunting of Hill House et du film Shirley tendent à donner raison à cette prédiction.

Bande-annonce

7 Note globale

Avec Shirley, Josephine Decker est parvenu à s'affranchir des codes du film biographique pour livrer un long métrage personnel, qui illustre entre autres le rapport entre l'art, la sensualité et une émancipation à la fois intime et sociale. C'est aussi une œuvre qui donne envie de dévorer les écrits de Shirley Jackson, ce que je ne manquerai pas de faire personnellement.

ApprentissageElisabeth MossFéminismeMichael StuhlbargOdessa YoungRécit initiatiqueShirley Jackson
Partager Tweet

Bertrand Mathieux

Principal contributeur du blog Citizen Poulpe. Parmi mes cinéastes préférés : Michael Cimino ; Claude Chabrol ; Maurice Pialat ; Michael Powell ; Kelly Reichardt ; Arthur Penn ; Olivier Assayas ; Emmanuel Mouret ; Guillaume Brac ; Francis Ford Coppola ; Michel Deville ; Guillaume Nicloux ; Karim Moussaoui ; Woody Allen ; Sam Peckinpah ; Nacho Vigalondo ; Danielle Arbid ; Jean-Pierre Melville ; David Lynch ; Billy Wilder ; David Mamet ; William Friedkin ; Nicolas Pariser ; Sergio Leone ; Jane Campion ; Miguel Gomes ; Ari Aster ; Christian Vincent ; Sidney Lumet ; Dominik Moll ; Ernst Lubitsch ; Gilles Marchand ; Alfred Hitchcock ; John Carpenter ; Otto Preminger ; Whit Stillman ; Nicholas Ray...

Vous aimerez également

  • Sea Fever Fantastique

    Sea Fever

  • Grave Horreur

    Grave

  • Diane a les épaules Comédies / Comédies dramatiques

    Diane a les épaules

Aucun commentaire

Laisser un commentaire Annuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Rechercher une critique de film

Facebook

Facebook

Dernières actualités

  • Le TOP cinéma 2022 de Citizen Poulpe

    Le TOP cinéma 2022 de Citizen Poulpe

    2 janvier 2023
  • PIFFF 2022 : La Montagne, de Thomas Salvador

    PIFFF 2022 : La Montagne, de Thomas Salvador

    13 décembre 2022

Critiques les plus récentes

  • Petite fleur

    Petite fleur

    21 mars 2023
  • Les Petits câlins

    Les Petits câlins

    25 février 2023

Critiques les plus consultées

Notre histoire
Le Troisième homme
La Moustache
Elle
Wounds
Sueurs froides
Les chroniques de Pauline Kael
Le Dossier 51

Rechercher un film par thématique

  • Chronique intimiste
  • Critique sociale
  • Couples en plein doute
  • Détectives
  • Disparitions
  • Fantômes et apparitions
  • Féminisme
  • Jeux de l'amour et du hasard
  • Joies du libéralisme
  • Monstres et cie
  • Onirique
  • Politique
  • Questionnement identitaire
  • Réalisatrices
  • Récit initiatique
  • Relation vénéneuse
  • Sorcellerie
  • Transformation
  • Le travail c'est la santé

Abonnez-vous !

Abonnez-vous à Citizen Poulpe pour recevoir une notification par email à chaque nouvel article publié.

  • Critiques de films
    • Toutes les critiques de films
    • Drame
    • Policier / Thriller
    • Horreur
    • Fantastique
    • Science-fiction
    • Comédies / Comédies dramatiques
    • Western
    • Espionnage
    • Guerre
    • Aventures / Action
    • Documentaire
    • Courts métrages
  • Extraits de films
  • Musique et cinéma
  • Dossiers
    • Dossiers thématiques
    • Portraits croisés
    • Personnalités
  • Recueil de nouvelles
  • Contact

Dossiers cinéma

  • Les « Dinner Parties From Hell » au cinéma

    Les « Dinner Parties From Hell » au cinéma

    19 avril 2020
  • Qui suis-je ? Exemples de troubles identitaires au cinéma

    Qui suis-je ? Exemples de troubles identitaires au cinéma

    22 novembre 2018
  • Les légendes urbaines dans le cinéma des années 90 et 2000

    Les légendes urbaines dans le cinéma des années 90 et 2000

    30 mai 2018

Actualités

  • Le TOP cinéma 2022 de Citizen Poulpe

    Le TOP cinéma 2022 de Citizen Poulpe

    2 janvier 2023
  • PIFFF 2022 : La Montagne, de Thomas Salvador

    PIFFF 2022 : La Montagne, de Thomas Salvador

    13 décembre 2022
  • PIFFF 2022 : courts-métrages internationaux

    PIFFF 2022 : courts-métrages internationaux

    12 décembre 2022

Musique et cinéma

  • Le Ballon rouge : réécriture de la musique originale

    Le Ballon rouge : réécriture de la musique originale

    3 avril 2021
  • « Safe Travels » par Peter and the Wolf dans « Villains »

    « Safe Travels » par Peter and the Wolf dans « Villains »

    25 avril 2020
  • « Soul on Fire » par LaVern Baker dans « Angel Heart »

    « Soul on Fire » par LaVern Baker dans « Angel Heart »

    26 mars 2020

Recherche

Consultez l’index des critiques de films.

Sites conseillés

Découvrez une sélection de sites conseillés par Citizen Poulpe.

Citizen Kane, c’est un film qui a révolutionné le cinéma, aussi bien par ses innovations visuelles que narratives. Le poulpe, et en particulier le poulpe géant, est un animal marin mythique, qui se démarque par son charisme, sa capacité d’adaptation, et sa connaissance de lui-même. Citizenpoulpe.com est un hommage au cinéma et à la grandeur solennelle du poulpe.

Blog sous license Creative Commons. Propulsé par WordPress.