Bob Dylan a composé pour Pat Garrett & Billy the Kid (Sam Peckinpah, 1973) l’une des plus belles et authentiques BO de western.
Billy
C’est Rudy Wurlitzer, scénariste du film, qui demanda à Bob Dylan de composer quelques chansons pour Pat Garrett & Billy the Kid. Un choix plutôt cohérent d’un point de vue musical : en effet l’une des influences de Dylan est la country, or ce style trouve ses sources dans la « Western music ».
D’abord sceptique, Sam Peckinpah est instantanément convaincu lorsque Dylan lui interprète Billy, le thème principal du film, dont les accords accompagnent de nombreuses séquences.
« Bloody Sam » est tellement ému par la musique de Dylan qu’il lui offre le rôle d’Alias, un complice de Billy dans le film. Il s’agit d’un personnage plutôt vague, énigmatique, mais cette distance a quelque chose d’intéressant – il est un peu une sorte de témoin. D’ailleurs, à la toute fin du film, Peckinpah cadre deux fois Alias en gros plan tandis qu’il observe en silence le départ de Pat Garrett. Tout le propos du film passe dans ce regard où l’on sent de l’amertume vis-à-vis de la mort du Kid, et pour autant pas de véritable colère envers son assassin – comme si celui-ci n’était que l’instrument d’un système, d’un changement inaltérable. Contrairement à ce qui a parfois été dit ou écrit sur ce personnage, on peut donc considérer de ce point de vue qu’il a pleinement sa place dans le film.
La présence de Bob Dylan comme compositeur et acteur mais aussi celle du musicien Kris Kristofferson (La Porte du paradis) ont un écho bien particulier dans le contexte du film. Il s’agit en effet de deux figures de la contre-culture américaine de l’époque, or le film fait du personnage de Billy the Kid une sorte d’icône rebelle, qui rejette le système et méprise les puissants. Les paroles de la chanson Billy reflètent d’ailleurs ce point de vue (Billy, they don’t like you to be so free
). Il y a plus généralement un parallèle entre le point de vue du film et l’Amérique des années 70, qui vraisemblablement n’inspirait pas à Peckinpah beaucoup d’optimisme (dans le film, Billy the Kid et Pat Garrett suivent deux trajectoires opposées mais se condamnent tous les deux à la mort, qu’il s’agisse d’une mort physique ou spirituelle – il n’y a donc d’issue ni dans la rébellion, ni dans le conformisme).
Knockin’ On Heaven’s Door
Évidemment, la chanson qui marquera les esprits et deviendra l’un des plus grands succès populaires de Bob Dylan – et sans doute son morceau le plus souvent repris – est Knockin’ on Heaven’s Door, qu’il a écrite pour la plus belle scène du film. Le batteur Jim Keltner dira de la session d’enregistrement de cette chanson qu’elle fut monumentale
et qu’il pleura en jouant sa partie (it was the first time I actually cried when I was playing
; source : Jim Keltner sur « Drummerworld »). Apparemment, des images de la scène étaient projetées dans le studio pendant l’enregistrement. Les paroles reflètent le point de vue du shérif qui meurt au cours de la séquence. Les images, la musique et le texte forment ici un très beau moment de cinéma, l’un des plus émouvants que Peckinpah ait tourné.
Cette chanson (dont peu de gens savent qu’elle a été écrite pour un film, d’ailleurs) sera le plus grand succès d’une BO mal comprise par certains à l’époque mais qui aujourd’hui bénéficie, à juste titre, d’une plus grande reconnaissance.
6 commentaires
Une des plus belles scènes du cinéma.
Ce film est un vrai nanar. Je l’ai revu sur grand écran et ça ronflait sec dans la salle. La musique est plaisante, mais serait plus adaptée à une comédie tandis que le film est involontairement comique dans ces scènes dramatiques. Humour catégorie super lourd. Dialogues affligeants. Crédibilité néant. A la limite du film amateur s’il n’y avait les décors, le savoir-faire d’une industrie du cinéma et quelques plans bien construits.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que je ne partage pas votre avis ! Je ne vois pas ce qu’il y a de comique dans la musique ou d’affligeant dans les dialogues… Le scénario est intelligent, les images sont superbes, Coburn est extraordinaire… Et puis Peckinpah, il compte quand même parmi les plus grands – et influents – réalisateurs de l’histoire du cinéma américain. Quant à l’humour super lourd, je vois pas trop, il y a peu voire pas de blagues dans le film… Vous ne confondez pas avec un autre film par hasard ?
Plutôt que Dylan, « songwriter » surestimé auquel préférer Lou Reed ou Bruce Springsteen, saluons le méconnu Jerry Fielding, compositeur pour Peckinpah, Winner et Eastwood, dont la suite pour « Johnny s’en va-t-en guerre » conduit droit en enfer les âmes damnées des soldats. Ses partitions se caractérisent par leur complexité d’écriture, un refus de toute sentimentalité mélodique et une tension extrême proche du dodécaphonisme (celui du « Concerto à la mémoire d’un ange » de Berg). Dans le crépuscule des idoles viriles, elle brille intensément, diamant noir lyrique et intransigeant.
C’est une des choses qu’il y a de plus que gênante avec internet…Un mec lambda peut arriver et affirmer sans vergogne et plein d’assurance: « Dylan, songwriter surrestimé ».
J’aime les compositions de Jerry Fielding chez Peckinpah, qui épousent parfaitement les images qu’elles accompagnent… J’ai toujours trouvé la musique de Bob Dylan assez fade dans « Pat Garrett… », simple accompagnement léger qui manque de cet aspect viscéral que l’on ressent dans la musique habitée de Fielding.
Il faut dire aussi que j’ai du mal à aimer ce film, que je trouve toujours mal fichu malgré ses remontages successifs. Kris Kristofferson, trop vieux pour le rôle du kid, la scène de la mort du shérif plus risible que pathétique, Emilio Fernandez peu crédible en « gentil » martyrisé et Bob Dylan lui-même, piètre acteur… Non, décidément, je préfère, et de loin, la poésie et la rage funèbres de « La Horde sauvage ».