Walker: What’s that music you’re listening to?
Sa fille: Grace Jones. Why, you like it?
Walker: Just been hearing it a lot.
I’ve Seen That Face Before (Libertango) est une chanson de Grace Jones sortie en 1981 sur son album Nightclubbing. L’utilisation la plus connue au cinéma de cette musique est dans le film Frantic (lire la critique), de Roman Polanski.
Origines et style du morceau
La musique de I’ve Seen That Face Before (Libertango) mêle le thème de Libertango, morceau enregistré en 1974 par le joueur de bandonéon argentin Ástor Piazzolla, et des arrangements reggae. Notons que Grace Jones joue de l’accordéon dans I’ve Seen That Face Before, ce qui lui a sans doute été suggéré par l’utilisation du bandonéon dans la version originale (ces instruments ont un son assez proche).
Son utilisation dans Frantic
À l’origine, Libertango est un morceau instrumental ; des paroles ont donc été ajoutées pour la version de Grace Jones. Le texte, qui mélange français et anglais, évoque des nuits parisiennes (Rainy nights, on Hausmann Boulevard, Parisian music, drifting from the bars
) à l’atmosphère plutôt sombre et étrange. C’est sans doute l’une des raisons pour laquelle Roman Polanski a utilisé la chanson dans Frantic (1988), où un docteur américain (Harrison Ford) s’égare dans un Paris tortueux et mal famé pour retrouver sa femme.
On entend I’ve Seen That Face Before au cours d’une scène (voir la vidéo ci-dessus) où Harrison Ford et Emmanuelle Seigner dansent dans un night-club (enfin c’est surtout Emmanuelle Seigner qui danse, Ford étant plutôt terrassé…).
Plus tôt dans le film, la chanson passe à la radio lorsque Walker (Ford) et Michelle (Seigner) se rendent à l’aéroport en voiture, et également sur le chemin du retour. Quand Walker appelle sa fille restée aux États-Unis, alors qu’elle est en train de faire la fête, on entend I’ve Seen That Face Before en fond sonore – des répliques y font d’ailleurs directement allusion (voir le dialogue ci-dessus). Au delà de la vague correspondance entre le texte de la chanson et le film, on peut donc supposer que Polanski aimait particulièrement ce morceau à l’époque, puisqu’on l’entend au moins trois fois dans Frantic et qu’à deux reprises les dialogues y font référence.
Au même titre que la musique composée pour le film par Ennio Morricone, I’ve Seen That Face Before (Libertango) a donc marqué la BO de Frantic. Pour peu que l’on ait entendu cette chanson pour la première fois en regardant le thriller de Polanski, impossible de ne pas l’associer à l’atmosphère du film et au Paris des années 80 filmé par le metteur en scène de Rosemary’s Baby et du Locataire.
Anecdotes
Abel Ferrara, un autre amateur de la chanson ?
Abel Ferrara a également utilisé I’ve Seen That Face Before dans son film Go Go Tales (2007), avec Asia Argento, Willem Dafoe, Bob Hoskins et Matthew Modine. La chanson passe dans le cabaret tenu par Dafoe.
La contribution énigmatique de Nathalie Delon
L’actrice Nathalie Delon est créditée parmi les auteurs de la chanson, mais j’ignore quelle a été exactement sa contribution. Peut-être a-t-elle écrit le texte « parlé » en français, plutôt sombre : Tu cherches quoi ? À rencontrer la mort ? Tu te prends pour qui ? Toi aussi tu détestes la vie…
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Grace Jones au cinéma
La chanteuse Grace Jones a joué dans quelques films, dont les plus marquants sont Dangereusement vôtre, un James Bond avec Roger Moore et Christopher Walken (où Jones joue le rôle de la redoutable May Day), et Conan le destructeur, la suite du mythique Conan le barbare.
Le clip de I’ve Seen That Face Before
Voici le clip officiel de la chanson, réalisé par Jean-Paul Goude – dont on reconnait d’ailleurs la patte.
Un commentaire
Cette scène criarde et insipide reprend le motif biblique de la danse des sept voiles de Salomé. Illustration mémorable entre toutes, au symbolisme kitsch : Debra Paget dans « Le Tombeau hindou de Lang ». Autres avatars dégradés : Maruschka Detmers dans « The Shootist » de Kotcheff ou Rebecca Rominj dans « Femme fatale » de De Palma ; plus intéressant, le numéro de Salma Hayek caressée par la caméra du fils de Jacques Demy en hommage à Lola sur une reprise nationaliste de Rufus Wainwright dans « Americano ». Les arrangements ne rendent aucunement justice à l’urgence tragique de la composition de Piazzolla, œuvre de transition qui compterait 6000 versions !