Film de Martin Ritt
Titre original : The Spy Who Came in from the Cold
Année de sortie : 1965
Pays : Royaume Uni
Scénario : Paul Dehn et Guy Trosper, d’après le roman de John le Carré L’Espion qui venait du froid
Photographie : Oswald Morris
Montage : Anthony Harvey
Musique : Sol Kaplan
Avec : Richard Burton, Claire Bloom, Oskar Werner, Sam Wanamaker
Alec Leamas: What the hell do you think spies are? Moral philosophers measuring everything they do against the word of God or Karl Marx? They’re not! They’re just a bunch of seedy, squalid bastards like me: little men, drunkards, queers, hen-pecked husbands, civil servants playing cowboys and Indians to brighten their rotten little lives. Do you think they sit like monks in a cell, balancing right against wrong?
L’Espion qui venait du froid, adapté du roman éponyme de John le Carré, est un film d’espionnage réaliste et désabusé, qui bénéficie de la présence fiévreuse de Richard Burton.
Synopsis de L’Espion qui venait du froid
Pendant la guerre froide, au début des années 60. Alec Leamas (Richard Burton) fait croire qu’il a été renvoyé des services secrets britanniques, afin d’être contacté par des espions travaillant pour l’Allemagne de l’Est. Son objectif : fournir des informations compromettant indirectement l’un des leurs, Hans-Dieter Mundt (Peter van Eyck), lequel aurait causé la mort d’un espion britannique.
Critique du film
Peters: Tired?
Alec Leamas: Aren’t you?
Peters: No, I didn’t have any drink with my supper.
Alec Leamas: I didn’t have any supper with my drink.
Nous sommes au beau milieu des années 60, la guerre froide (1947-1991) bat son plein et la plus célèbre saga d’espionnage – James Bond – offre depuis déjà trois ans (Dr. No est sorti en 1962) une vision glamour et fantasmée du monde mystérieux des services secrets. Mais ainsi que le suggère d’emblée un mélancolique thème au piano composé par Sol Kaplan, L’Espion qui venait du froid opte pour une approche résolument plus sombre et désabusée, à l’image du roman de John le Carré (qui a lui-même été espion, comme Ian Fleming) dont il est adapté.
Ici, pas de héros séducteur et aventurier amateur de poker et de vodka martini, mais un homme seul et blasé qui agit davantage pour animer sa petite vie pourrie
que par conviction (même si Leamas rejette le communisme). Pas de méchants agents d’Allemagne de l’Est face à de loyaux agents britanniques : les uns comme les autres semblent être les pions d’une vaste (et internationale) mascarade. D’ailleurs, le personnage le plus innocent, le plus pur du film est une sympathisante communiste anglaise ; c’est dire à quel point toute querelle idéologique et toute forme d’opposition manichéenne ne sont pas de rigueur ici.
Le visage fatigué de Richard Burton ((La Nuit de l’Iguane ; Qui a peur de Virginia Woolf ?), filmé dans un noir et blanc de circonstances, désamorce totalement tout élan patriotique, tout repère moral et politique dans cette partie d’échec absurde dont, à l’Est comme à l’Ouest, les innocents font les frais (Communism, capitalism… It’s the innocents who get slaughtered
).
La tirade finale du protagoniste est sans équivoque. Les espions sont des « bâtards minables », des « petits hommes, des alcooliques, des pédales » qui jouent « aux cowboys et aux indiens pour illuminer leurs vies pourries ». C’est lucide et brillamment joué, mais on aurait presque envie de revoir Bons baisers de Russie ou Opération Tonnerre pour rêver un peu…
Mis en scène par Martin Ritt (The Molly Maguires) avec la sobriété qui convient au réalisme du scénario, L'Espion qui venait du froid mérite sa réputation de classique de l'espionnage. Richard Burton est excellent et Oskar Werner, acteur autrichien, remporta un Golden Globe pour le rôle de Fiedler. Cinq ans plus tard, John Huston signera avec La Lettre du Kremlin un film certes plus coloré et fantaisiste, mais dont le regard sur l'espionnage est tout aussi acerbe.
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