Film de Nico Casavecchia
Année de sortie : 2016
Pays : Argentine, États-Unis
Scénario : Nico Casavecchia
Photographie : Eloi Molí
Montage : Lynn Hobson
Avec : Sam Huntington, Sofía Brihet, Andrea Carballo, Rafael Spregelburd
Finding Sofia est l’exemple même d’un cinéma indépendant qui sait être sentimental sans être niais, drôle sans être potache, intelligent sans être prétentieux. Une réussite.
Synopsis du film
Alex (Sam Huntington) est un réalisateur de films d’animation résidant à Brooklyn. Il n’a pas encore percé dans le métier mais sa vidéo Dancing Tomatoes cumule les vues sur YouTube. Un jour, une internaute prénommée Sofia (Andrea Carballo) publie un commentaire qui intrigue Alex, et tous deux commencent à échanger sur le web.
Leur relation virtuelle prend vite une tournure coquine, Sofia envoyant régulièrement des photos d’elle à moitié dénudée. Alex, de plus en plus obnubilé par sa mystérieuse correspondante, décide de trouver un prétexte imaginaire pour partir en Argentine (où habite la jeune femme), et lui propose de prendre un café à cette occasion.
Mais une fois sur place, il va découvrir que Sofia n’est pas du tout décidée à prolonger leur relation dans le réel ; il faut dire qu’elle sort déjà avec quelqu’un, un artiste peintre prénommé Víctor (Rafael Spregelburd). Débute alors une cohabitation plutôt houleuse entre Alex, Sofia (qui le présente comme son cousin), Víctor et son assistante Flor (Sofía Brihet), quelque part sur une petite île argentine, dans la province de El Tigre.
Critique de Finding Sofia
A la seule lecture de son pitch, Finding Sofia n’évoque ni crainte, ni excitation particulière. Tout juste redoute-t-on vaguement de découvrir ici un énième « petit » film d’auteur déclinant les personnages de losers sympathiques, les atmosphères cotonneuses et le ton doux-amer si chers à un certain cinéma indépendant américain, d’une variable qualité.
Mais dès les premières minutes, Finding Sofia nous embarque (à l’image de son protagoniste partant brusquement pour l’Argentine, dont nous partageons le point de vue) dans un voyage à la fois séduisant et déroutant (on met un certain temps à comprendre qui est qui, mais c’est volontaire), à travers un récit alerte qui capte très vite notre intérêt et notre curiosité.

Andrea Carballo, Sofía Brihet, Rafael Pregelburd et Sam Huntington (en arrière plan) dans « Finding Sofia »
On ne le répétera jamais assez : un bon film c’est, souvent, de bons personnages, et le quatuor que Finding Sofia nous propose de suivre est plein de charme et de relief. Chacun des individus qui le compose se distingue par une personnalité, des attitudes et une histoire (suggérée plus que racontée, et c’est tant mieux) que Nico Casavecchia a écrites avec une habileté manifeste et que les comédiens incarnent avec talent.
Sam Huntington, Sofía Brihet, Andrea Carballo (quel charme !) et Rafael Spregelburd (un auteur de théâtre très reconnu en Argentine, qui joue ici une sorte d’archétype de l’artiste torturé, macho et narcissique) livrent en effet des partitions colorées, souvent conflictuelles et dissonantes entre elles : la dynamique – pas toujours saine et constructive – du groupe est en effet au cœur du récit, et lui donne son rythme et sa saveur.
Le film dessine une réflexion autour de la place de l’art et des artistes, à une époque ou Internet a facilité le déferlement de textes et d’images en tous genres ; mais cette réflexion n’est jamais lourde : l’auteur la formule délicatement, au fil des questionnements tortueux de ses personnages ou par le biais de séquences animées ludiques qu’il a lui-même réalisées (Nico Casavecchia fait aussi de l’animation), et dont la légèreté exclut toute forme de prétention (mais pas de pertinence !).
Finding Sofia illustre également la complexité (parfois absurde) des sentiments humains, les paradoxes et fêlures que reflètent les comportements de chacun et ses relations à autrui, ainsi que les difficultés que posent nos choix personnels, artistiques et professionnels (chaque personnage fait l’expérience d’un dilemme dans le film, ou s’interroge sur sa place dans la vie et plus spécifiquement au sein du groupe).
Le scénario montre par ailleurs à quel point il est difficile de vraiment connaître les autres ; le titre Finding Sofia a d’ailleurs un double, voire u triple sens : il s’agit, pour Alex, d’abord de la trouver physiquement mais ensuite, de tenter de percer une partie de son mystère, de saisir une vérité, même parcellaire, quant à son histoire, ses désirs et sa personnalité. Démarche pour le coup nettement plus complexe, qui n’aboutira d’ailleurs jamais vraiment dans le film (si tant est qu’elle puisse aboutir !). Enfin, on comprend sur la fin qu’Alex est autant à la recherche de lui-même que de celle des autres, et le titre du film révèle alors la dimension initiatique du récit.
Rien n’est surligné ou inutilement dramatisé ici : Finding Sofia combine légèreté de ton et intelligence avec une élégance de chaque instant, que soulignent une sélection musicale de bon goût et une très jolie photo (d’Eloi Molí) qui concourt au charme et à la grâce de l’ensemble.
On en conclura que si le protagoniste (Sam Huntington) s’interroge sur sa capacité à créer quelque chose d’utile et d’intéressant dans le monde d’aujourd’hui, Nico Casavecchia peut quant à lui être pleinement rassuré sur ce point.
Bande-annonce de Finding Sofia
Finding Sofia possède un charme et une fraîcheur qui en font un film à la fois agréable et plein de caractère, servi par une excellente caractérisation des personnages. On espère, malgré la réputation assez confidentielle de ce premier long métrage, que la carrière de réalisateur de Nico Casavecchia n'en est qu'à ses débuts.
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