Film de Lina Soualem
Année de production : 2023
Date de sortie France : 24/04/2024
Ecriture : Lina Soualem, Nadine Naous
Montage : Gladys Joujou
Musique originale : Amine Bouhafa
Image : Thomas Brémond, Frida Marzouk, Lina Soualem
Avec : Hiam Abbass, Lina Soualem
Bye Bye Tibériade, de Lina Soualem, a été projeté en avant-première samedi 18 novembre dernier au cinéma Le Trianon de Romainville, dans le cadre du Festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec. Retour sur une soirée qui a résonné avec une actualité tragique.
Synopsis du film
Des films de famille tournés dans les années 1990 près du lac de Tibériade et à Deir Hanna, dans la région de Basse Galilée (district nord d’Israël), ont poussé la réalisatrice et comédienne franco-algérienne Lina Soualem à explorer le passé de sa mère, l’actrice palestinienne Hiam Abbass, et celui de deux générations de femmes avant elle.
De l’exode palestinien de 1948 à une vie quotidienne marquée par le déracinement et une mémoire malmenée, c’est un récit intime, familial autant que collectif et historique qui se tisse au fil des images de Bye Bye Tibériade.
Critique de Bye Bye Tibériade
Environ deux ans après Leur Algérie, son premier film, Lina Soualem revient avec Bye Bye Tibériade, un nouveau documentaire qui partage, avec le précédent, des thèmes et des procédés communs. Il s’agit en effet, dans les deux cas, d’explorer l’histoire de sa famille – marquée entre autres par l’exil (aussi bien du côté de son père que de sa mère) – en mélangeant des images tournées aujourd’hui, des vieux films de famille (lesquels ont été le point de départ des deux projets) et des images d’archive (dont certaines, très rares, montrant l’exode des réfugiés palestiniens en 1948).
Si Leur Algérie était consacré au récit de vie de ses grands-parents paternels (les parents de l’acteur Zinedine Soualem, père de Lina Soualem), Bye Bye Tibériade raconte le parcours de sa mère, la comédienne Hiam Abbass (qui a tourné avec Klaspisch, Spielberg, Jean-Marc Moutout, Jarmusch, Patrice Chéreau ou encore Denis Villeneuve), mais pas seulement, puisque le film évoque trois générations de femmes palestiniennes (Hiam Abbass donc, mais aussi sa grand-mère et sa mère), tandis que la réalisatrice fait elle-même partie de l’histoire, non seulement de par sa présence à l’écran, mais aussi à travers son regard et sa démarche de cinéaste.
Bye Bye Tibériade possède les mêmes qualités que Leur Algérie (nous y reviendrons) et reflète le même souci de raconter une histoire collective (souvent traitée d’une manière réductrice, voire déshumanisante
pour reprendre un terme employé par Lina Soualem) par le prisme de l’intime. J’ai besoin de passer par les histoires personnelles et les émotions
, a déclaré la réalisatrice lors de sa venue au festival de Venise 2023. Ce parti pris lui permet d’aborder des événements historiques majeurs de manière très incarnée, humaine ; dans Bye Bye Tibériade, un mot, un regard, une expression, un silence traduisent le sentiment et l’expérience d’un individu unique et complexe (Lina Soualem insiste sur sa volonté de s’éloigner de la représentation souvent binaire de la femme arabe au cinéma) mais renvoient également au vécu d’une population entière.
Alternant entre des séquences tournées à Paris et à Deir Hanna (ville située dans le district nord d’Israël, habitée par une très large majorité – 90% – d’arabes musulmans), le film, comme Leur Algérie, témoigne de réelles qualités narratives, articulant un récit complexe d’une manière à la fois sensible et construite (comparable à une sorte de mosaïque, à l’image des photos de famille que la réalisatrice et sa mère collent sur le mur d’un appartement).
Sur le plan formel, Lina Soualem confirme ici sa capacité à saisir des atmosphères, des sensations et des émotions à travers son travail sur le rythme et les cadrages. Au-delà de sa valeur en tant que reflet d’une histoire volontiers niée ou simplifiée à outrance, Bye Bye Tibériade possède donc une dimension cinématographique indéniable, qui devrait convaincre même les spectateurs les moins férus de documentaires.

La projection du film le samedi 18 novembre au cinéma Le Trianon de Romainville (dans le cadre du festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec) a été d’autant plus émouvante que Lina Soualem et Hiam Abbass y ont évoqué, avec une tristesse palpable, la terrible situation actuelle à Gaza (les bombardements effectués par Tsahal, l’armée israélienne, suite à l’attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre dernier), situation qui s’inscrit hélas dans la continuité des faits historiques auxquels Bye Bye Tibériade fait directement écho. Le lendemain de la projection, une marche pour la paix et pour un cessez-le-feu à Gaza était d’ailleurs organisée à Paris ; partant de L’Institut du monde arabe, son parcours s’achevait peu après le musée d’art et d’histoire du Judaïsme, formant ainsi un trait d’union symbolique dont on espère qu’il trouvera, un jour, une illustration durable et concrète dans la vie quotidienne des palestiniens et des israéliens.
Liens utiles
Consulter le programme du Festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec sur le site du cinéma Le Trianon
Interview filmée de Lina Soualem au festival du cinéma de Venise 2023 sur le site Cineuropa
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