Film de Taylor Sheridan
Année de sortie : 2017
Pays : États-Unis
Scénario : Taylor Sheridan
Photographie : Ben Richardson
Montage : Gary D. Roach
Musique : Nick Cave et Warren Ellis
Avec : Jeremy Renner, Elizabeth Olsen, Gil Birmingham, Jon Bernthal
Wind River convoque (et modernise) les figures du western dans un contexte bien actuel, lourd d’implications politiques et historiques. Un polar sobre, sans fioritures et porté par un beau casting.
Synopsis du film
De nos jours à Wind River, une réserve indienne située dans le Wyoming. Cory Lambert (Jeremy Renner), un agent du FWS (organisme dédié à la protection et la gestion de la vie sauvage), part chasser un puma qui aurait attaqué du bétail, à la demande de son beau-père (un agriculteur indien local). Mais alors qu’il est sur la piste de l’animal, Cory découvre le cadavre de Natalie Hanson (Kelsey Chow), une jeune fille de 18 ans qui habite la réserve. Natalie est morte de froid, mais son autopsie et les circonstances de sa mort démontrent qu’elle a bel et bien été victime d’une agression.
Jane Banner (Elizabeth Olsen), agent du FBI, est envoyée sur place pour aider la police locale. Peu habituée au climat et ne connaissant ni la région ni ses habitants, Jane demande à Cory de l’aider dans son investigation. Cory accepte – il faut dire que non seulement il connaissait la victime et ses parents, mais ce drame produit des résonances avec son histoire personnelle…
Critique de Wind River
Si Wind River est la première réalisation de Taylor Sheridan, ce film s’inscrit dans la continuité de Comancheria (2016) et Sicario (2015), qu’il n’avait certes pas lui-même tourné mais dont il avait écrit les scénarios (confiés respectivement à David Mackenzie et Denis Villeneuve). Ces trois longs métrages forment ainsi ce que l’auteur appelle une frontier trilogy
et comportent, de fait, des similarités thématiques (et stylistiques).
L’action de Wind River se déroule dans une réserve indienne dans le Wyoming, et c’est d’ailleurs en raison de ses liens d’amitié avec des amérindiens que Taylor Sheridan a tenu à porter lui-même à l’écran son scénario (bien qu’il soit pleinement satisfait du travail de Mackenzie et Villeneuve sur les deux films antérieurs). J’ai donné ma parole à certaines personnes en territoire indien, […], je ne pouvais pas prendre le risque que quelqu’un altère cette vision
, a-t-il confié dans une récente interview.
Le cadre géographique (admirablement bien utilisé par Sheridan et le chef opérateur Ben Richardson) mais aussi social et culturel du film est donc ici fondamental, et Wind River fait partie de ces polars dont on ne peut pas transposer l’action en d’autres lieux sans en altérer profondément le propos et les enjeux. L’intrigue policière est d’ailleurs minimaliste, pour mieux faire ressortir à la fois son contexte et les personnages du film. Personnages dont la caractérisation, comme dans les précédents scénarios de Sheridan, évite habilement les caricatures du genre ; par exemple, on ne retrouve pas les très classiques conflits – régulièrement peinturlurés de dispensables sentiments amoureux – entre l’agente du FBI citadine et le policier local un peu bourru : ici la dynamique entre les personnages est simple, juste et dénuée de clichés.
Le film évolue dans une atmosphère proche du western, mais un western moderne (comme chantait un certain), où le cowboy – remarquable Jeremy Renner, à la fois solide et sensible – est marié (bien que séparé) avec une indienne, et se déplace non pas à cheval, mais en scooter des neiges. La modernité réside également dans la manière dont Wind River montre les amérindiens (en s’affranchissant de tout stéréotype, c’est-à-dire avec un respect évident mais sans angélisme) et décrit les conditions de vie dans les réserves indiennes.

Jane Banner (Elizabeth Olsen) dans « Wind River ». Olsen a été révélée par son rôle dans le très réussi « Martha Marcy May Marlene » (2011).
En l’occurrence, celle qui sert de cadre au film est située dans un endroit isolé, au climat difficile (on pense à la bande dessinée policière White Out, publiée en 1998, où l’on retrouve cette même rudesse), et où la justice dispose de moyens dérisoires. Elle était d’ailleurs même scandaleusement laxiste il y a encore peu d’années : comme l’ont rappelé Taylor Sheridan et Elizabeth Olsen (qui interprète avec brio l’agent du FBI Jane Banner) au cours d’interviews, un américain « non natif » coupable d’agression sexuelle sur une amérindienne (dans ces réserves) n’était pas poursuivi jusqu’à une loi récente. Le film indique également qu’il n’y a pas de statistiques portant sur les disparitions des femmes indiennes aux États-Unis…
Cet environnement âpre, hanté aussi bien par des vents glacés que par les pages d’une histoire peu reluisante, est pour Taylor Sheridan l’occasion de filmer la solitude, l’isolement, ainsi qu’une violence sauvage et une justice expéditive qui, encore une fois, évoquent le western. Mais pas dans la veine romantique que le genre adoptait parfois (pas toujours, loin s’en faut) : ici la violence est sèche, brutale, saisissante. Et si à certains moments elle rétablit une forme de justice, on devine en même temps qu’elle s’inscrit dans un cycle entêtant (Violence is literally the glue of the cycle of life
, a récemment affirmé Sheridan) que le cinéaste filme avec gravité, sans complaisance.
Bande-annonce de Wind River
Épuré, d'une grande cohérence formelle mais aussi rythmé et jamais ennuyeux, Wind River est à la fois un polar efficace et un vrai film d'auteur - parce qu'il véhicule un point de vue et ne trahit jamais celui-ci au profit de la facilité ou du spectaculaire. Si l'on ajoute à cela un excellent casting et une bande originale évocatrice signée Nick Cave et Warren Ellis (comme celle de Comancheria), on en conclura que ce film se classe sans difficultés parmi les récentes réussites du genre.
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