Trous de mémoire, de Paul Vecchiali, sorti initialement en 1984, ressortira au cinéma le 5 juillet prochain. L’occasion de voir un film surprenant, à la fois simple et subtil, par ailleurs non dénué d’humour.
Critique
Décédé en janvier 2023, Paul Vecchiali a peut-être été touché par le fait que Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles, dont il fut l’un des producteurs exécutifs, a été élu par un magazine de cinéma britannique, en décembre 2022, meilleur film de tous les temps. Ou peut-être trouvait-il ce genre de classement un peu ridicule (personnellement, c’est mon avis). Il ne semblait pas, en tout cas, courir après les récompenses et les honneurs. Son parcours au sein du cinéma français, très atypique, évoque un peu cet extrait de la chanson Aucun express, de Bashung : délaissant les grands axes, j’ai pris la contre-allée
.
Le film dont il est question aujourd’hui, s’il a rapporté davantage d’argent qu’il n’en a coûté (100 000 francs seulement ; à titre de comparaison, le budget moyen d’un film français aujourd’hui est de 4 millions d’euros), n’est pas de ceux que l’on réalise dans l’espoir de tutoyer les sommets du box office. Trous de mémoire a été tourné en une seule journée, et presque entièrement improvisé par les deux comédiens (Paul Vecchiali et Françoise Lebrun, célèbre pour son rôle dans La Maman et la putain) à partir d’une trame de départ minimaliste.
On y voit un homme et une femme, mais ce n’est pas du Lelouch, loin s’en faut. Ces deux-là ont été ensemble, bien des années plus tôt, et tentent de retrouver un souvenir, un vague moment, une chanson dont l’homme ne parvient pas à se rappeler. Régulièrement, leurs échanges bifurquent, s’éloignent de ce but initial, dont on peut d’ailleurs se demander s’il n’est pas un prétexte un peu fumeux. Autour d’eux, un paysage à la fois naturel et industriel a quelque chose d’ambivalent ; à l’image, sans doute, de toutes les relations amoureuses, si pleines de paradoxes, d’ambiguïtés, de malentendus. Autant d’aspects que les dialogues du film explorent avec un mélange de légèreté et de profondeur.

Difficile de tenir un film, même bref (le critique de cinéma Serge Daney l’a qualifié d’impromptu
), avec une trame aussi simple, deux acteurs et un unique décor. Trous de mémoire réussit pourtant à composer avec ces contraintes, ces limites. Grâce à plusieurs choses : deux acteurs inspirés, qui livrent quelques répliques bien senties (je n’ai jamais cessé de t’aimer, et de ne pas t’aimer) ; des cadrages habiles ; une très belle photo de Georges Strouvé, fidèle collaborateur de Vecchiali ; et une chute intelligente, émouvante même, que j’aimerais commenter, mais cela reviendrait à gâcher le plaisir des futurs spectateurs du film. Et je ne parle pas ici de l’ultime réplique, à la fois amère et drôle, qui en dit beaucoup en seulement quelques mots – ce qui, en général, est signe qu’on a affaire à un auteur précieux…
Informations sur le film
Trous de mémoire, projeté au cinéma Le Grand Action (5 rue des écoles, à Paris) à partir du 5 juillet 2023, dans une version restaurée ; distribué par La Traverse ; réalisation de Paul Vecchiali ; scénario de Paul Vecchiali et Françoise Lebrun ; photographie de Georges Strouvé ; montage de Paul Vecchiali et Khadicha Bariha-Simsolo ; interprété par Paul Vecchiali et Françoise Lebrun.
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