Film de Charlène Favier
Année de sortie : 2020
Pays : France, Belgique
Scénario : Charlène Favier et Marie Talon
Photographie : Yann Maritaud
Montage : Maxime Pozzi-Garcia
Musique : LoW Entertainment
Avec : Noée Abita, Jérémie Renier, Marie Denarnaud, Muriel Combeau, Maïra Schmitt
Slalom aborde le thème de l’emprise avec subtilité et une belle rigueur formelle.
Synopsis du film
Lyz (Noée Abita), 15 ans, intègre la section ski-études du lycée de Bourg-Saint-Meurice, en Savoie. Son entraîneur, Fred (Jérémie Renier), est particulièrement sévère et exigeant, mais décèle chez la jeune fille un potentiel de championne. Quand celui-ci tend à se confirmer à l’occasion d’une première victoire importante, Fred franchit une limite interdite avec la jeune fille. Pour Lyz, c’est le début d’une période trouble et profondément déstabilisante.
Critique de Slalom
Ces dernières années, dans le sillon du mouvement MeToo, les témoignages sur les cas d’agression, de harcèlement sexuel ou d’abus divers subis par des femmes, ou des jeunes filles, dans différents contextes se sont multipliés, et le monde du sport ne fait pas exception. Ce n’est pourtant pas ce phénomène social majeur qui a inspiré Charlène Favier, dans la mesure où le projet de son film lui est antérieur ; il semblerait plutôt, de son propre aveu, que ce soit de sa propre expérience (elle a pratiqué le ski de compétition jusqu’à ses 15 ans) qu’elle ait tiré le scénario de Slalom.

Scénario dont on ne peut que louer la sobriété et la précision. Bien que décrivant un phénomène grave, dont les conséquences sont souvent destructrices – le phénomène d’emprise inhérent à toute relation sexuelle entre un adulte et un ou une adolescent(e) –, la réalisatrice conserve une certaine distance et ne force jamais le trait, ce qui d’ailleurs, en un sens, accentue la désapprobation du spectateur à l’égard des événements qu’on lui expose. Au cinéma comme en littérature, l’implication émotionnelle et morale du « receveur » est toujours plus profonde lorsque l’auteur ne balise pas la narration par des repères trop visibles et évidents. En d’autres termes, Slalom s’aventure sur du hors-piste, mais il le fait avec une grande maîtrise narrative et formelle.

Les images, élaborées avec le chef opérateur Yann Maritaud, sont particulièrement soignées et contribuent grandement à nous faire rentrer dans l’histoire et dans l’intimité de Lyz, dont le parcours (sportif et émotionnel) est le moteur du scénario. Le travail sur les couleurs et les lumières est flagrant, mais jamais gratuit ou démonstratif ; un beau plan de cinéma, c’est un plan qui souligne une idée ou une émotion et en l’occurrence, l’esthétique feutrée de Slalom, ses paysages déserts et enneigés, traduisent les sentiments confus, la solitude et la vulnérabilité de la jeune sportive brillamment incarnée par Noée Abita.

De son côté, Jérémie Rénier convainc dans le rôle d’un personnage antipathique dont l’attitude est hautement condamnable mais qui ne sombre jamais dans la caricature du prédateur sexuel diabolique que mettent volontiers en scène certains thrillers, pas toujours très fins. Cette approche nuancée ne frôle jamais la complaisance : loin de nous pousser à excuser le personnage, elle le rend plus crédible à nos yeux et de ce fait, sa faiblesse et son irresponsabilité nous insupportent davantage.

Au-delà du phénomène problématique dont il rend compte avec subtilité, Slalom est aussi un « portrait de jeune femme » (pour détourner le titre du célèbre roman d’Henry James) auquel les talents conjugués de Noée Abita, de Charlène Favier et de Yann Maritaud donnent de jolies teintes impressionnistes.

Bande-annonce
Aussi maîtrisé sur le plan esthétique que narratif, Slalom met en scène un beau personnage féminin, et décrit finement le phénomène d'emprise. Un premier film maîtrisé pour Charlène Favier, et une nouvelle preuve (après Ava et Mes jours de gloire) du talent de Noée Abita, qu'on verra prochainement dans Les Cinq diables, de Léa Mysius.
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