Film de Darren Aronofsky
Année de sortie : 2017
Pays : États-Unis
Scénario : Darren Aronofsky
Photographie : Matthew Libatique
Montage : Andrew Weisblum
Musique : Jóhann Jóhannsson
Avec : Jennifer Lawrence, Javier Bardem, Ed Harris, Michelle Pfeiffer
Avec Mother!, Darren Aronofsky explore des thèmes récurrents dans son cinéma avec une habileté technique évidente mais aussi, et c’est là où le bât blesse, un manque de finesse embarrassant.
Synopsis du film
Une jeune femme (Jennifer Lawrence) et son mari écrivain (Javier Bardem) vivent dans une grande maison isolée. Elle s’occupe de la restauration de la demeure, qui a été ravagée par un incendie, tandis qu’il essaie, sans résultats, d’écrire son prochain roman.
Ils reçoivent un soir la visite d’un homme de passage (Ed Harris), qui se présente comme un médecin. C’est le début d’un long cauchemar pour la jeune femme, dont la tranquillité va être bouleversée par une succession d’invités
tous plus indésirables les uns que les autres…
Critique de Mother!
AVERTISSEMENT : la critique ci-dessous donne certaines indications sur le développement du film.
La sortie de Mother!, le dernier film de Darren Aronofsky, était d’autant plus attendue que la campagne promotionnelle organisée autour du film avait de quoi aiguiser les impatiences. Une affiche choc diffusée le jour de la fête des mères (aux États-Unis) avait fait son petit effet, tandis que la bande-annonce (comme souvent trop explicite sur le contenu du film) trahissait une atmosphère paranoïaque et anxiogène qui n’était pas sans évoquer le très réussi Black Swan (2010), du même réalisateur. Quant au casting, il ajoutait à l’envie de découvrir Mother! puisqu’il comprend Jennifer Lawrence (l’actuelle compagne du metteur en scène), Javier Bardem, Ed Harris et Michelle Pfeiffer. Soit des acteurs éminemment talentueux et dont certains – comme Pfeiffer mais aussi Javier Bardem – se sont fait plutôt discrets ces dernières années ; on se faisait donc une joie de les retrouver, qui plus est devant la caméra d’un cinéaste talentueux.
Le film nous place rapidement dans un terrain connu, si du moins l’on est familiarisé avec une partie de l’oeuvre de son auteur. On retrouve en effet d’emblée des ingrédients présents, par exemple, dans Black Swan, à savoir une héroïne qui semble psychologiquement instable (le Polanski de Rosemary’s Baby ne paraît pas très loin, même si au final les deux films n’ont aucun rapport) et aussi l’idée d’une œuvre en gestation (dans Black Swan, il s’agit d’une nouvelle version du Lac des Cygnes et dans Mother!, du prochain roman de l’écrivain incarné par Javier Bardem). Le point de vue toutefois est différent : si The Wrestler et Black Swan sont montrés depuis le point de vue de la personne qui créé, qui fabrique en quelques sortes, ce n’est pas le cas dans Mother! puisque le film adopte celui de l’épouse – et muse – de l’écrivain, interprétée par Jennifer Lawrence.
Bande son très travaillée, volontairement inconfortable ; caméra vacillante ; éclairage inquiétant ; décors lugubres : en termes de mise en scène, tout est fait pour renforcer le climat oppressant qui s’instaure dès l’arrivée saugrenue du couple campé par Ed Harris et Michelle Pfeiffer, climat dont l’étrangeté prend très vite des proportions… considérables. Car autant le dire d’emblée, Mother! ne fait pas franchement dans la dentelle et s’il y a certes un phénomène de progression, on peut dire que la tension et la bizarrerie atteignent rapidement un niveau assez élevé. C’est un parti pris davantage qu’une maladresse – car Aronofsky sait parfaitement ce qu’il fait -, mais il n’en reste pas moins que les nerfs et l’implication émotionnelles du spectateur pourront se retrouver anesthésiés par ce processus, en ce sens qu’une montée en tension est toujours (du moins souvent) plus efficace lorsqu’elle adopte une évolution plus subtile, plus dosée, plus discrète que ce que l’on nous donne à voir ici.
Le point de départ rocambolesque pousse logiquement le réalisateur (et scénariste) à aller très loin dans l’hystérie et la démesure dans la dernière partie du film, pour – paradoxalement – ne susciter que peu de réactions. La faute, sans doute, non seulement au mécanisme un peu grossier évoqué à l’instant, mais surtout à un récit qui privilégie la démonstration à l’émotion. Or comme le disait si bien Samuel Fuller dans Pierrot le fou (1965) de Jean-Luc Godard (dont le biopic sortira cette même semaine sur les écrans), le cinéma, […], en un seul mot, c’est l’émotion
.
Si Mother! aborde, comme d’autres films de son auteur, le thème de la création – illustrant sa dimension destructrice, conflictuelle, torturée à travers une trame largement allégorique -, et comporte des références religieuses et mythologiques (la mythologie grecque en particulier) qui n’étonnent guère chez le réalisateur de Noé (2014) et The Fountain (2006), il le fait d’une manière assez peu subtile, aussi bien dans son fond (la création naît du chaos, de la douleur, de la destruction, etc. : cette idée n’est pas d’une grande originalité) que dans sa forme, particulièrement outrancière.
Black Swan nous touchait avant tout de par sa protagoniste sensible et consistante, qui suscitait une réelle empathie. À l’inverse, il n’y a pas de personnages à proprement parler dans Mother! : que des symboles qui s’agitent au sein d’une imagerie maîtrisée et réfléchie mais, surtout, un peu vaine.
Bande-annonce de Mother!
Si brillant soit-il sur le plan de l'exécution, Mother! s'avère être au final un film assez pompeux qui exprime des idées éculées sur l'art et sur la création. Désamorcée par un récit peu progressif et des personnages désincarnés, la tension visiblement recherchée finit ainsi par se replier sur elle-même. Sans doute parce que le cinéaste a trop cherché, ici, à démontrer son propos et à impressionner le spectateur plutôt qu'à donner vie à une histoire et des personnages. Or cette démarche, si on ne questionnera pas sa sincérité en l'occurrence, produit rarement de très bons résultats...
Aucun commentaire