Film de Whit Stillman
Pays : États-Unis
Année de sortie : 1990
Scénario : Whit Stillman
Photographie : John Thomas
Montage : Christopher Tellefsen
Musique : Jock Davis, Tom Judson, Mark Suozzo
Avec : Carolyn Farina, Edward Clements, Taylor Nichols, Christopher Eigeman, Allison Rutledge-Parisi, Dylan Hundley, Isabel Gillies, Bryan Leder, Will Kempe
Metropolitan comporte tous les ingrédients de la comédie de mœurs à la manière de Whit Stillman : un humour jamais surligné ; une touche de mélancolie et une élégance de chaque instant.
Synopsis du film
À New York, à la fin des années 80. Tom Townsend (Edward Clements), un étudiant de Princeton originaire de la classe moyenne, se retrouve par hasard dans une soirée organisée par de jeunes gens issus de la haute société locale. En dépit de ses convictions personnelles – plutôt à gauche -, le jeune homme se met à les fréquenter régulièrement, et se rapproche plus particulièrement d’Audrey Rouget (Carolyn Farina), qui ne tarde pas à tomber amoureuse de lui.
Des discussions littéraires et philosophiques, mais aussi des déceptions sentimentales et rivalités amoureuses, vont rythmer le quotidien de ce petit groupe éphémère, voué à se dissoudre.
Critique de Metropolitan
C’est au cours des années 80 (précisément entre 1984 et 1988) que Whit Stillman écrit le scénario de ce qui deviendra son premier long métrage, Metropolitan ; il a alors dans la trentaine, et s’inspire vaguement de ses propres souvenirs d’étudiant à Harvard pour composer le récit.
Le film, qui coûta 225 000 dollars, est un pur produit du cinéma indépendant américain de l’époque. Il se heurta d’abord au scepticisme des distributeurs, avant de connaître un accueil critique favorable lors du fameux festival de Sundance (où il fut salué notamment par Roger Ebert, éminente figure de la critique cinéma américaine).
Comme la quasi totalité des films de son auteur, Metropolitan explore les dynamiques au sein d’un groupe, dont les membres appartiennent à la haute bourgeoisie (en dehors du personnage de Tom Townsend). Le ton, souvent léger, ne verse jamais dans la farce (je n’aime pas l’humour gras ou trop évident […] je préfère même que cela n’ait pas l’air drôle
, affirma Stillman dans une interview donnée aux Inrockuptibles) et frôle parfois une mélancolie discrète. On pourrait parler d’une tonalité douce-amère, comme chez un certain Woody Allen (auquel Stillman est d’ailleurs régulièrement comparé ; en France, on l’associe également – trop hâtivement sans doute – au cinéma d’Eric Rohmer).
La dimension sociale du récit est omniprésente, de nombreuses scènes de Metropolitan illustrant des attitudes et des rites (tels que les fêtes de « débutantes ») typiques de la haute société américaine. On décèle parfois dans cette observation placide un soupçon de causticité, de distance amusée mais pas d’acidité ou de mépris ; le regard du cinéaste semble au contraire refléter une empathie, une bienveillance même à l’égard de la majorité des personnages, croqués avec finesse.
Parfois préoccupés par l’avenir de leur classe, à l’image de Charlie Black (Taylor Nichols) qui se dit condamné
(doomed
), les protagonistes de Metropolitan sont également traversés par des questionnements plus universels – concernant leur identité, leur avenir, leurs sentiments. C’est précisément ce moment de flottement, cette phase d’incertitude sociale et sentimentale que la caméra de Whit Stillman semble vouloir saisir ; et elle y parvient, notamment dans un dernier plan significatif (les protagonistes hèlent une voiture de passage, qui les ignorent parfaitement) autant qu’émouvant.
La caméra de Whit Stillman, d’une grande précision quand on y regarde à deux fois mais avare de manœuvres trop visibles (comme chez la plupart des grands metteurs en scène), observe des groupes de jeunes gens se réunir et s’éloigner, des modes battre leur plein puis s’éteindre (voir son film Les Derniers jours du disco), sans chercher à dramatiser plus que de raison ces phénomènes. Le temps passe, les choses évoluent, se répètent souvent ; et on a le sentiment que Stillman regarde tout cela avec un haussement d’épaule, un léger sourire et, peut-être, une pointe de mélancolie. Mais rien, jamais, ne sera surligné – c’est toute la distinction de ce cinéaste précieux qui, mine de rien (il reste largement méconnu du grand public), compte parmi les plus subtiles et talentueuses figures du cinéma indépendant américain de ces trente dernières années ; Metropolitan, comme le plus récent Love and Friendship, en font, délicatement, la démonstration.
Bande-annonce
Metropolitan ouvre élégamment le triptyque que viendront compléter, successivement, Barcelona et Les Derniers jours du disco. Le film marque surtout la naissance d'un auteur au style raffiné, dont l’œuvre témoigne d'une belle cohérence.
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