Film de Peter Weir
Année de sortie : 1979 (télévision)
Pays : Australie
Scénario : Peter Weir
Photographie : David Sanderson
Montage : Gerald Turney-Smith
Musique : Rory O’Donoghue, Gerry Tolland
Avec : Judy Morris, Ivar Kants, Robert Coleby, Candy Raymond
Avec Le Plombier, Peter Weir signe une sorte de home invasion très atypique, à forte connotation sociale.
Synopsis du film
Jill et Brian Cowper sont un couple d’universitaires spécialisés dans l’ethnologie. Un matin, alors que Brian est parti au travail, Jill reçoit la visite d’un plombier, Max, qu’elle n’a pourtant pas sollicité. Max explique être le plombier chargé de tous les appartements liés à l’université ; à ce titre, il doit vérifier l’appartement des Cowper.
Après une brève inspection dans la salle de bains, et malgré l’absence de fuites visibles, Max diagnostique un problème de tuyauterie et commence des travaux qu’il ne peut terminer le jour même.
Il revient donc le lendemain. Puis les jours suivants.. Peu à peu, Jill se demande si tout cela est bien normal, d’autant que Max est plutôt sans gêne et intrusif…
Critique de Le Plombier
Le Plombier n’est pas le titre d’un obscur film érotique mais bien celui d’un long métrage de Peter Weir tourné pour la télévision australienne à la fin des années 70. Weir était loin d’être un inconnu à l’époque, puisqu’il avait déjà réalisé (entre autres) Pique-nique à Hanging Rock, l’un des premiers films australiens à bénéficier d’un succès international. Entre temps, il avait également signé La Dernière vague, et par rapport à ces deux films assez ambitieux, Le Plombier se distingue par un récit et un décor plus minimalistes, et un budget plus modeste.
C’est apparemment une anecdote authentique racontée par des amis qui souffla à Weir l’idée de base du scénario : un plombier extravagant éprouve les nerfs d’une chercheuse universitaire en venant, tous les jours, se livrer à des travaux laborieux et interminables dans sa salle de bain, travaux dont on peut se demander s’ils sont, d’ailleurs, justifiés (le doute est savamment entretenu sur ce point) et si oui, s’ils sont efficaces.

On réalise peu à peu que le récit a une signification sociale évidente : ce plombier intrusif, c’est la classe populaire qui s’invite au sein d’une classe plus privilégiée et éduquée (lors de sa première apparition à l’écran il est, ironiquement, filmé comme le méchant d’un slasher américain).
Cette métaphore marxiste pourrait être un peu grossière mais ce n’est pas le cas ici, Weir évitant les pièges du didactisme et de la démagogie à travers un traitement non manichéen des personnages. Max (le plombier) est envahissant et manipulateur, mais il souffre de complexes liés à sa classe et demeure moralement ambigu (il s’avère nettement moins malhonnête qu’on pourrait le supposer) ; Jill est plutôt sympathique et aimable, mais elle fait également preuve de préjugés et d’une certaine condescendance. Bref, pas de schéma trop binaire ici, comme dans La Cérémonie de Claude Chabrol, avec lequel Le Plombier partage certaines thématiques (en adoptant cependant une approche bien davantage tournée vers l’absurde), mais en revanche une opposition de classe qui conditionne en partie les interactions entre les personnages.

Weir prend à contrepied les attentes du spectateur, manipulant les ficelles du film de genre pour au final proposer une fable sociale et politique dénuée d’une morale trop explicite (ce qui est une bonne chose). On appréciera par ailleurs le parallèle assez malin entre les recherches menées par Jill et Brian Cowper (qui concernent le champ de l’ethnologie) et la situation subie par Jill, qui peu à peu s’apparente à une lutte tribale de territoire – lutte qui va pousser l’héroïne dans ses retranchements, jusqu’à un final ironique.
Le Plombier est une illustration métaphorique de la lutte des classes dans une salle de bains, saupoudrée d'une appréciable touche d'ambiguïté et d'ironie. Il est disponible en streaming légal sur la plateforme VOD Shadowz, dont je vous parlais récemment dans cet article.
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