Film de David Bruckner
Année de sortie : 2021
Titre original : The Night House
Scénario : Ben Collins, Luke Piotrowski
Photographie : Elisha Christian
Montage : David Marks
Musique : Ben Lovett
Avec : Rebecca Hall, Sarah Goldberg, Evan Jonigkeit, Stacy Martin, Vondie Curtis-Hall
Beth: I died back in Tennessee. Did I tell you that story?
Beth (Rebecca Hall) dans La Proie d’une ombre
La Proie d’une ombre (The Night House) se distingue des autres productions gothiques récentes par la force de son interprétation et par son script astucieux, plus singulier qu’il n’y paraît de prime abord.
Synopsis du film
Beth (Rebecca Hall), professeure à l’université, vient de perdre son mari Owen (Evan Jonigkeit) suite au suicide de ce dernier, que rien ne laissait présager. Vivant désormais seule dans une grande maison isolée, près d’un lac, Beth ressent comme une présence autour d’elle…
Critique de La Proie d’une ombre
Le genre gothique, né lors de la seconde moitié du 18ème siècle en Grande-Bretagne (Le Château d’Otrante, publié en 1864, est considéré comme le premier roman gothique), est une constante source d’inspiration pour les producteurs, réalisateurs et scénaristes de cinéma. Ce qui ne signifie pas que les réussites sont légion, loin s’en faut. Parmi les récentes bonnes surprises, on pourrait citer The Haunting of Hill House, la très honorable série de Mike Flanagan basé sur un roman de Shirley Jackson, qui émerge parmi de nombreuses productions médiocres et sans âme.

C’est que le gothique est un sous-genre (précisons, au passage, qu’il constitue l’une des premières formes de récit fantastique) très codifié. Nombreux sont les scénaristes qui se contentent d’intégrer de vieux ingrédients (portes qui s’ouvrent sans raison ; maisons lugubres ; plancher grinçant…) dans une recette sans saveur, dépourvue de la moindre créativité.

Le début de La Proie d’une ombre, s’il affiche d’emblée une certaine tenue sur le plan formel, ne permet d’ailleurs pas d’affirmer que le film de David Bruckner se démarquera de ces piètres tentatives. À moins que l’on ait pris le temps de consulter la filmographie du réalisateur américain au préalable : celle-ci donne en effet plusieurs raisons d’être optimiste, puisqu’elle comprend l’inquiétant et singulier The Signal (2007) ; un segment plutôt réussi des anthologies VHS et Southbound ; ainsi que The Ritual, soit autant de films qui possèdent un cachet, de la personnalité, et sont par ailleurs fort bien exécutés sur le plan technique.

On retrouve ce savoir-faire ici tout en voyant se dérouler, sous nos yeux, une trame qui nous parait d’abord assez convenue (une femme endeuillée entend des bruits suspects dans la maison isolée qu’elle partageait avec son défunt mari). C’est progressivement (et il faut bien le dire, passée une mise en place qui flirte parfois avec l’ennui, le scénario tendant à enchaîner des séquences parfois redondantes et répétitives) que La Proie d’une ombre finit par se distinguer d’un énième film de maison hantée, en premier lieu de par le soin accordé à l’écriture du personnage principal, que Rebecca Hall (dotée d’un prénom qui se prête fort bien au genre gothique…) incarne à la perfection, puis de par un scénario intriguant et finalement assez surprenant, dont le déroulement nous amène à reconsidérer l’ensemble du récit.

Il n’est pas si fréquent d’investir le genre gothique et de réussir à prendre les spectateurs, même les plus chevronnés, à contre-pied, et il faut saluer pour cela l’habileté du scénario de Ben Collins et Luke Piotrowski. Une bonne réalisation, une excellente actrice principale, une idée singulière : ces trois ingrédients sont suffisamment rares dans le cinéma gothique moderne pour que La Proie d’une ombre, sans se hisser parmi les (rares) chefs d’œuvre du genre, mérite votre attention.
Outre la talentueuse Rebecca Hall, on notera la présence de Stacy Martin, révélée par le laborieux Nymphomaniac de Lars von Trier, et de Sarah Goldberg, toutes deux convaincantes dans leurs rôles respectifs. Le film est sorti un peu trop discrètement dans les salles françaises, au début de cet automne 2021 (il faut noter cependant sa présence en compétition au Festival du Cinéma Américain de Deauville) ; n’hésitez pas à lui rendre justice si vous en avez l’occasion.

Bande-annonce de La Proie d’une ombre
Moins prévisible que beaucoup de productions gothiques, et porté par un solide personnage féminin, La Proie d'une ombre, malgré une structure parfois répétitive, confirme que David Bruckner compte parmi les réalisateurs de films d'horreur-fantastique qui mériteraient davantage de reconnaissance publique et critique. On espère que son prochain long bénéficiera également d'une sortie française et connaitra à cette occasion un plus grand succès.
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