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Jusqu'à la garde (2017)
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Jusqu’à la garde

Par Bertrand Mathieux · Le 11 février 2018

Film de Xavier Legrand
Pays : France
Année : 2018
Scénario : Xavier Legrand
Photographie : Nathalie Durand
Montage : Yorgos Lamprinos
Avec : Léa Drucker, Denis Ménochet, Thomas Gioria, Mathilde Auneveux, Mathieu Saikaly, Martine Vandeville, Jean-Marie Winling, Florence Janas

D’une précision assez inouïe dans sa mise en scène, son interprétation et son développement, Jusqu’à la garde s’affirme comme l’un des longs métrages incontournables de ce début d’année 2018, et révèle un cinéaste de tout premier ordre : Xavier Legrand.

Synopsis du film

Miriam (Léa Drucker) et Antoine Besson (Denis Ménochet) sont en train de divorcer. Ils ont deux enfants : Joséphine (Mathilde Auneveux), 17 ans, et Julien (Thomas Gioria), 11 ans. L’inévitable question de la garde de Julien oppose Miriam, Antoine et leurs avocats : Miriam accuse en effet son mari d’être violent (à l’égard d’elle-même et des enfants) et refuse catégoriquement la garde partagée dans ces conditions.

Mais en l’absence de preuves suffisantes, la juge en charge du dossier autorise Antoine à passer un week-end sur deux avec son fils. Julien ne semble pas être ravi par cette décision…

Critique de Jusqu’à la garde

Pour impliquer le spectateur dans une histoire, et plus précisément pour créer de la tension, il faut souvent jouer avec le hors-champ, les non-dits, tout en donnant ça et là quelques indications – qu’elles soient visuelles ou textuelles. On laisse ainsi au spectateur un espace pour s’interroger, se questionner, formuler des hypothèses. Un espace et du temps : le temps d’attendre, d’appréhender parfois.

Le film de Xavier Legrand – son premier, et qui constitue en quelques sortes le prolongement de son court métrage Avant que de tout perdre (avec les mêmes acteurs, jouant les mêmes personnages) – excelle dans ce procédé, qui requiert un savoir-faire indéniable. De la précision aussi : c’est bien connu, moins on en dit et moins on en montre, plus il faut être précis dans ce que l’on donne à voir et à entendre.

Jusqu’à la garde s’ouvre ainsi sur une scène qui expose une situation (un homme et une femme se sont séparés ; ils négocient les conditions de garde des enfants par le biais de leurs avocats respectifs, devant la juge qui examine l’affaire) sans nous montrer les événements qui l’ont précédé. La supposée violence du mari est évoquée, elle est même au cœur du dossier – mais à ce stade en tant que spectateur nous n’avons, à l’image de la magistrate dont la scène adopte le point de vue (c’est flagrant notamment dans l’image située en haut de cet article : la caméra est placée derrière elle), pas suffisamment d’éléments concrets pour formuler une opinion définitive.

Denis Ménochet et Thomas Gioria dans "Jusqu'à la garde"

Julien (Thomas Gioria) et Antoine (Denis Ménochet) dans « Jusqu’à la garde »

À partir de là, chaque scène apporte son lot de détails, d’éléments à partir desquels on commence peu à peu à mieux comprendre l’histoire et les personnages. Détails distillés au gré d’un récit particulièrement bien construit ; ainsi pendant une bonne partie du film, la caméra suit essentiellement le personnage du père, au cours de ses sorties avec son fils et de ses repas avec ses propres parents. Habilement, Legrand montre assez peu Myriam (il est donc par définition plus difficile d’adopter son point de vue) et ne révèle toujours rien sur les faits antérieurs au début du film. C’est dans les expressions, les gestes, les silences qu’il faut chercher des premiers indices, et cette ambiguïté doit beaucoup à la composition tout en retenue des acteurs (tous excellents, y compris le jeune Thomas Gioria) ainsi qu’au regard nuancé, empathique dont le réalisateur fait preuve ici. Puis le personnage du père (dont le background familial est intelligemment caractérisé), après avoir été dans pratiquement toutes les scènes, disparaît de l’écran. Et le film évoque alors progressivement – dans son atmosphère et dans ses procédés de réalisation – un registre cinématographique que l’on n’attendait pas forcément ici, à savoir le thriller.

Cette fois, le hors-champ et la suggestion servent à créer un pur suspense de « cinéma », pourrait-on dire, mais ce qui est brillant, c’est que Jusqu’à la garde conserve dans ce processus une parfaite unité de ton, une cohérence formelle exemplaire et surtout témoigne jusqu’au bout d’un réalisme (tout est absolument crédible) qui fait qu’on ne s’éloigne jamais du sujet et de son ancrage profond (malheureusement) dans la réalité de tous les jours – tandis qu’un auteur moins subtil aurait pu sacrifier ce parti pris sur l’autel du spectaculaire, ou celui d’un voyeurisme glauque que le film n’effleure jamais. Comme dans la première partie du film, le réalisateur est particulièrement habile dans l’art de choisir le bon moment pour donner une information, ou pour ne pas la donner d’ailleurs ; à titre d’exemple, dans la séquence de l’anniversaire, il filme Miriam (Léa Drucker) au téléphone, visiblement inquiète, mais le spectateur n’entend strictement rien de la conversation, couverte par les bruits de la soirée. Le fait de ne pas savoir augmente bien évidemment l’anxiété et le stress, et Jusqu’à la garde fourmille de procédés semblables, efficaces et toujours utilisés à bon escient.

Le dernier plan – que nous nous garderons bien de décrire ici – est simple mais magistral. Il montre l’intelligence de Xavier Legrand à l’égard d’un aspect absolument essentiel du cinéma : celui de la gestion des points de vue. En l’occurrence, le brusque changement de point de vue induit par la position de la caméra a évidemment un but : nous rappeler que, si Jusqu’à la garde est une oeuvre profondément cinématographique – qui utilise (avec brio) des techniques éprouvées pour susciter l’attention et l’inquiétude du spectateur -, il nous parle avant tout de quelque chose de vrai, de réel, qui se passe potentiellement dans l’appartement ou la maison d’à côté.

Bande-annonce

À lire autour de Jusqu’à la garde

La chef opératrice Nathalie Durand parle de sa collaboration avec Xavier Legrand dans une interview publiée sur le site de l’AFC (association française des directeurs de la photographie).

8.5 Note globale

Il n'est au fond pas si fréquent d'observer, au cinéma, une maîtrise absolue du sujet, du récit, du rythme et du choix des points de vue - et cela de la première à la dernière image. Jusqu'à la garde accomplit cette prouesse, qui plus est au service d'un propos ô combien nécessaire. Souhaitons que Xavier Legrand repasse très vite derrière la caméra : il pourrait bien devenir l'un des cinéastes les plus importants de sa génération. Ce ne sont sans doute pas les jury des festivals de la Mostra de Venise, du Festival International du Film de San Sebastiàn et celui de Saint-Jean-de-Luz qui contrediront cette intuition, à en juger par les nombreux prix qu'ils ont décernés à Jusqu'à la garde. Bien leur en a pris.

Denis MénochetLéa DruckerMathilde AuneveuxThomas Gioria
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Bertrand Mathieux

Principal contributeur du blog Citizen Poulpe. Parmi mes cinéastes préférés : Michael Cimino ; Claude Chabrol ; Maurice Pialat ; Michael Powell ; Kelly Reichardt ; Arthur Penn ; Olivier Assayas ; Emmanuel Mouret ; Guillaume Brac ; Francis Ford Coppola ; Michel Deville ; Guillaume Nicloux ; Karim Moussaoui ; Woody Allen ; Sam Peckinpah ; Nacho Vigalondo ; Danielle Arbid ; Jean-Pierre Melville ; David Lynch ; Billy Wilder ; David Mamet ; William Friedkin ; Nicolas Pariser ; Sergio Leone ; Jane Campion ; Miguel Gomes ; Ari Aster ; Christian Vincent ; Sidney Lumet ; Dominik Moll ; Ernst Lubitsch ; Gilles Marchand ; Alfred Hitchcock ; John Carpenter ; Otto Preminger ; Whit Stillman ; Nicholas Ray...

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