Documentaire de Laurie Lassalle
Pays : France
Année de sortie : 2022
Image et son : Laurie Lassalle
Montage : Laurie Lassalle, Raphaël Lefèvre, Catherine Catella, avec la collaboration de Léa Chatauret
Musique originale : Philippe Monthaye
Le documentaire Boum Boum, filmé au cœur du mouvement des gilets jaunes, allie l’intime et le collectif d’une façon assez saisissante. En salle depuis le 15 juin dernier.
Un parallèle émouvant entre l’énergie amoureuse et l’énergie insurrectionnelle
Après avoir tourné des vidéos pour des artistes musicaux tels que Melody’s Echo Chamber, La Féline, Judah Warsky ou encore Mina Tindle (voir la vidéo du titre Bells, daté de 2012), puis signé deux courts métrages, la réalisatrice Laurie Lassalle a rejoint en 2019 le mouvement des gilets jaunes. Munie d’une caméra, elle a filmé de nombreuses manifestations (à Paris) de l’intérieur ; elle a ensuite monté le tout, ajouté une voix-off et le résultat est donc ce Boum Boum qui bat dans les salles obscures depuis le 15 juin.
Très rapidement, on se rend compte que la particularité la plus flagrante de ce documentaire est sa dimension personnelle, intime. En effet, Laurie Lassalle a rencontré, dès le début de sa participation au mouvement, un jeune manifestant prénommé Pierrot, dont elle tombe amoureuse (et réciproquement).
Loin de mettre de côté cette relation née dans les vapeurs des fumigènes et entre deux charges policières, Laurie Lassalle a fait au contraire le choix, audacieux, de lui donner une place fondamentale dans son documentaire, et d’établir ainsi un parallèle entre la pulsation amoureuse et l’énergie collective revendicatrice libérée au cours des manifestations. Parallèle qu’un gilet jaune effectue d’ailleurs dans ses propos face caméra, en comparant les différentes phases d’une relation intime avec celles d’un mouvement social et/ou politique.
Boum Boum entremêle donc des scènes de manifestation parfois violentes (qui nous rappelle à quel point le gouvernement actuel a choisi de réprimer ce mouvement d’une façon qui le rapproche d’un régime autoritaire), des scènes centrées sur un participant en particulier et enfin, des moments d’intimité entre la réalisatrice et son compagnon. Ces approches complémentaires permettent à la fois de rendre compte de l’atmosphère globale des manifestations, mais aussi des nombreuses trajectoires individuelles dont elles sont formées. On fait ainsi beaucoup de rencontres dans Boum Boum, et elles sont toutes singulières, intéressantes et éclairantes.
Si le film ne cherche jamais l’image choc (son caractère éthique ne saurait donc être discuté), Laurie Lassalle ne détourne évidemment pas sa caméra lorsqu’elle croise un manifestant à terre, blessé (parfois gravement) par l’un de ces flash-ball dont les forces de l’ordre ont fait, de toute évidence, un usage abusif, comme l’avait d’ailleurs très rapidement signalé l’ONG Amnesty International dans un rapport totalement méprisé par le gouvernement français (lire Police must end use of excessive force against protesters and high school children in France).
La voix-off (écrite et lue par la réalisatrice) superpose un texte délicat aux images ; un texte profondément honnête aussi, Laurie Lassalle n’hésitant pas à y livrer ses sentiments et émotions sans, encore une fois, que cette démarche paraisse déplacée ou narcissique. Au contraire, cette démarche fait, en partie, la singularité et la force de cette chronique, qui donne l’occasion précieuse de saisir autre chose de ce mouvement, souvent caricaturé, que ce qu’on a bien voulu en dire et en montrer.
Lire l’interview de Laurie Lassalle sur le blog de Mediapart
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