Film de John Carpenter
Titre original : Assault on Precinct 13
Année de sortie : 1976
Pays : États-Unis
Scénario : John Carpenter
Photographie : Douglas Knapp
Montage : John T. Chance
Musique : John Carpenter
Avec : Austin Stoker, Darwin Joston, Laurie Zimmer, Tony Burton, Charles Cyphers, Nancy Kyes
Wells: Look at that, two cops wishing me luck. I’m doomed.
Avec Assaut, John Carpenter signe un huis-clos urbain rôdant quelque part entre Rio Bravo et La Nuit des morts vivants.
Synopsis de Assaut
À Anderson, un quartier malfamé du sud de Los Angeles, dans les années 70. Après avoir perdu plusieurs d’entre eux au cours d’une intervention expéditive de la police, les membres du gang « Street Thunder » ont soif de vengeance. Le lendemain de l’opération, un samedi, ils roulent dans les rues du quartier, armés jusqu’aux dents.
Parallèlement, le lieutenant Ethan Bishop (Austin Stoker) se voit confier la mission de garder, pour la nuit, les anciens locaux du commissariat d’Anderson, transféré à une autre adresse. Il est assisté des secrétaires Leigh (Laurie Zimmer) et Julie (Nancy Kyes). En début de soirée, un bus de prisonniers avec à son bord un policier nommé Starker (Charles Cyphers) s’arrête en raison de l’état de santé d’un passager. Parmi les prisonniers se trouvent un certain Napoléon Wilson (Darwin Joston), un tueur condamné à la chaise électrique, ainsi que Wells (Tony Burton).
Lorsqu’un dénommé Lawson (Martin West) se réfugie dans le commissariat désaffecté, poursuivi par le gang dont il a abattu l’un des membres, les bandits se réunissent autour du bâtiment et décident de mener une attaque. Une longue nuit commence…
Critique du film
À la base, John Carpenter – qui n’avait à l’époque tourné qu’un seul long métrage (Dark Star) – voulait réaliser un western dans la lignée du culte Rio Bravo. Faute d’un budget suffisant, il dut renoncer à cette idée mais partiellement seulement – le scénario d‘Assaut reste en effet proche de celui du film de Hawks, tandis que plusieurs plans, personnages et situations évoquent clairement l’univers du western. Autre indice soulignant cette filiation évidente : Carpenter est crédité au montage sous le nom de John T. Chance – le shérif incarné par John Wayne dans Rio Bravo.

Ethan Bishop (Austin Stoker)
Ce qui est étonnant, c’est que si Ethan Bishop, Napoléon Wilson et Leigh pourraient être des personnages de western, on ne peut pas en dire autant des membres du gang auxquels ils sont confrontés. Muets pendant pratiquement tout le film, ceux-ci font davantage songer à des zombies qu’à des hors-la-loi ordinaires.

Second, l’un des membres les plus dangereux du gang.
Leurs silhouettes inquiétantes, leurs attitudes et mouvements quasi mécaniques, leur absence de sensibilité (voir la séquence où l’un d’eux, atteint par un coup de revolver, s’écroule en ne donnant aucun signe de souffrance) voire d’intelligence (quand ils tentent de rentrer dans le commissariat par les fenêtres, la plupart ne cherchent même pas à éviter les balles) les rapprochent un peu des fantômes de Fog ou des possédés dans Prince des ténèbres, deux autres classiques de Carpenter sortis respectivement en 1980 et 1987.
Mais indéniablement, c’est à La Nuit des morts-vivants (de George Romero) que l’on pense en voyant les hordes de tueurs mutiques qui hantent la pellicule d’Assaut. On est donc ici très loin d’une représentation réaliste des gangs de LA (comme celle que livrera plus tard Dennis Hopper dans Colors, par exemple), et ce parti pris créé une atmosphère étrange, à la lisière du fantastique.

Des membres du gang « Street Thunder »
Cette combinaison indéniablement originale entre le western traditionnel et le film d’horreur d’exploitation aboutit à un film d’autant plus unique qu’il intègre des ingrédients inédits, spécifiques au cinéma de Carpenter, et que l’on retrouvera, de différentes manières, dans tous ses films suivants ; à savoir une BO minimaliste jouée au synthétiseur et écrite par Carpenter lui-même (pour Assaut, il s’est vaguement inspiré d’un passage du morceau Scorpio’s Theme, issu de la BO composée par Lalo Schifrin pour L’Inspecteur Harry) ; l’utilisation des plans fixes et du Steadicam ; les « héros » à la fois hyper-virils, décontractés et souvent nihilistes (Napoléon Wilson est l’archétype du « héros » chez Carpenter, à l’instar de Snake Plissken dans New York 97 et de MacReady dans The Thing) ; et enfin un côté un peu rebelle, politiquement incorrect et anti-establishment (le condamné à mort Wilson devient l’allié principal, avec Leigh, du policier Ethan Bishop) qui atteindra des sommets dans New York 97 et surtout dans Invasion Los Angeles.

Napoléon Wilson (Darwin Joston) : « In my situation, days are like women – each one’s so damn precious, but they all end up leaving you. »
Si Carpenter confie lui-même, avec un sourire, avoir écrit le scénario d’Assaut peut-être « trop vite », la mise en place – c’est à dire toutes les scènes qui précèdent le siège du commissariat – est particulièrement réussie. La présentation des différents personnages, les évènements qui peu à peu font monter la tension, les séquences montrant le gang évoluer comme des spectres dans les rues de LA : tout cela forme une première demie-heure assez parfaite, avec notamment une scène choc qui encore aujourd’hui surprend par sa brutalité (Carpenter montra d’ailleurs à la MPAA une version du film amputée de cette scène, avant de la ré-intégrer pour la sortie en salles – astuce qui lui permit de contourner la censure).

Austin Stoker et Laurie Zimmer
À partir du moment où l’attaque du commissariat débute, Carpenter témoigne d’un évident savoir-faire dans l’exercice toujours délicat du huis-clos (qu’il pratiquera à nouveau dans The Thing), parvenant à maintenir une intensité quasi-constante. Par moments, et notamment lors d’une séquence finale qui n’atteint pas (à mon avis) le climax attendu, la tension retombe un peu, ce que l’on peut en partie attribuer au budget limité du film (100 000 dollars) et aussi à la rapidité avec laquelle Carpenter a bouclé le scénario, rapidité qui a ses avantages (un côté épuré qui convient au genre) et ses inconvénients (une construction un peu branlante).
Mais dans l’ensemble, de par l’alliage inédit de western et de « zombie movie » qu’il propose, ses références allant du cinéma hollywoodien classique au film d’exploitation, sa réalisation stylisée et son atmosphère de polar urbain mâtiné de fantastique, Assaut s’impose comme une œuvre efficace et originale, qui posa les bases du cinéma de Carpenter ; lequel allait, deux ans plus tard, connaître la consécration avec La Nuit des masques (Halloween).
Extrait de la BO du film
Voici le thème principal de la BO d‘Assaut, composée par John Carpenter. Comme il l’a lui-même expliqué, Carpenter s’est inspiré du morceau Scorpio’s Theme que Lalo Schifrin a signé pour Dirty Harry en 1971. Plus précisément, Carpenter a utilisé la mélodie que l’on entend à partir d’environ 1m27 dans le morceau de Schifrin, en intégrant des variations et en optant pour un rythme beaucoup plus lent, qui correspond d’ailleurs assez bien au comportement du gang dans le film et à leur côté « mort vivant ». Plus généralement, la tonalité inquiétante du morceau est en phase avec l’atmosphère étrange et pesante d’Assaut.
Assaut est un western urbain empreint du style incomparable de son auteur, qui pour son deuxième long métrage maîtrisait déjà parfaitement les rouages de son cinéma.
Un commentaire
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