Film d’Andrew Gaynord
Année de sortie : 2021
Pays : Royaume-Uni
Scénario : Tom Palmer, Tom Stourton
Photographie : Ben Moulden
Montage : Saam Hodivala
Musique : Will Lowes, Joe Robbins
Avec : Tom Stourton, Charly Clive, Georgina Campbell, Antonia Clarke, Kieran Hodgson, Dustin Demri-Burns, Christopher Fairbank, Graham Dickson
All My Friends Hate Me renvoie le spectateur à des angoisses sociales réalistes, traitées avec un mélange très british d’humour et d’acidité.
Synopsis du film
Pete (Tom Stourton) revient d’un camp de réfugiés où il s’était porté volontaire. L’heure est désormais à la fête : il part en effet passer le week-end dans une vaste propriété de la campagne anglaise pour y célébrer son trente-et-unième anniversaire, en compagnie d’amis qu’il n’a pas vus depuis la fin de ses études. Sa petite amie Sonia (Charly Clive) doit le rejoindre le lendemain.
Rapidement, l’humeur festive de Pete est bousculée par une succession de détails dérangeants à ses yeux ; comme la présence, au sein de la fête, d’un certain Harry (Dustin Demri-Burns) qui semble monopoliser l’attention – quand Pete avait sans doute pensé être au centre de l’événement –, ou encore une drôle de rencontre survenue au cours du trajet.
Mais surtout, ses interactions avec ses amis semblent traduire un malaise latent. Peu à peu, Pete se demande s’il n’est pas l’objet d’un mépris général, et se sent envahi par un sentiment d’insécurité et d’anxiété…
Critique de All My Friends Hate Me
Encore aujourd’hui, le cinéma de genre reprend régulièrement des motifs anciens, récurrents, avec plus ou moins d’inspiration selon les cas : la maison hantée ; la sorcière ; les vampires ; la possession démoniaque ; etc. Traité avec originalité et intelligence, n’importe lequel de ces éléments peut produire un bon film, mais force est de reconnaître qu’en commençant à regarder un film d’horreur, on a souvent l’impression de se retrouver sur un chemin étroit et balisé, dont on connaît à l’avance la destination.

D’où l’agréable surprise que procure la découverte de ce film indépendant britannique qui joue sur un registre nettement moins habituel que ceux cités ci-dessus : l’horreur sociale. Dans All My Friends Hate Me, l’enfer, c’est les autres, comme l’écrivait Sartre, et c’est aussi un peu (beaucoup) soi-même.
La situation de départ (un trentenaire retrouve d’anciens copains d’université pour fêter son anniversaire en leur compagnie) permet ici d’explorer une anxiété sociale fréquente, consistant à s’interroger sur l’authenticité des liens d’amitié (en particulier dans le cadre de retrouvailles tardives), et par-dessus tout sur la vision que les autres ont de nous-mêmes. Une projection sans doute plus anxiogène quand on ne sait soi-même pas très bien qui l’on est, à force de vouloir projeter une image sociale rassurante et positive.

Pendant toute la durée du métrage, Pete, le personnage principal, a le sentiment d’être peu apprécié, voir détesté, comme le titre du film le laisse d’ailleurs clairement entendre. Il ne retrouve jamais, ou rarement, une forme de spontanéité dans ses rapports avec les autres, et semble constamment vouloir produire un effet positif sur eux, en parlant beaucoup de lui et de ses bonnes actions ; ce qui, comme souvent dans ce cas, tend à provoquer l’effet contraire à celui recherché.

Beaucoup de personnes ont expérimenté, ou assisté à des situations comparables ; Finally, a title i can relate to
, a commenté avec humour un internaute réagissant à la bande-annonce du film sur YouTube. All My Friends Hate Me renvoie plutôt habilement à des troubles et angoisses intimes peu flatteuses et difficiles à assumer, puisque directement liées à l’ego. Il s’agit donc d’un film perturbant, grinçant, même s’il prête souvent à sourire.
Comme dans certains films de Polanski ou plus récemment, comme dans The Invitation de Karyn Kusama, la réalisation vise à créer, chez le spectateur, un sentiment permanent d’ambiguïté, de doute et de perplexité. Il est en effet difficile de discerner ce qui relèverait clairement de la subjectivité du protagoniste, voire d’une paranoïa éventuelle, de ce qui témoignerait d’une réalité plus « objective », ou même d’un étrange complot collectif. Le jeu expressif des comédiens participe à ce trouble grandissant.
Le cadre de l’action (un manoir dans un coin isolé de la campagne anglaise) renvoie à d’innombrables récits horrifiques, dont le souvenir influence, contamine notre perception. Quant à notre sentiment à l’égard de Pete, il tend à varier selon les séquences. Ses amis sont-ils vraiment cruels, ou est-ce lui qui serait un abruti narcissique, ne méritant pas beaucoup mieux que le traitement méprisant dont il semble faire l’objet ? Ce narcissisme n’est-il pas le reflet d’un manque de confiance en lui, plus excusable et compréhensible ?

On avance ainsi en tâtonnant au fil d’un scénario habilement construit, évoluant vers un crescendo aussi malin qu’efficace. Si on tient compte du fait que le duo Tom Palmer et Tom Stourton (qui joue lui-même le « héros » du film) a sans doute livré ici un de ses premiers scénarios, on peut d’autant plus saluer la maturité et la maîtrise d’écriture dont ils ont su faire preuve ici. Quant à la mise en scène d’Andrew Gaynord, dont All My Friends Hate Me est le premier long métrage de cinéma, elle sert bien les enjeux de l’histoire, et sa troublante ambiguïté. Une réussite, donc, ponctuée d’une excellente réplique finale, qu’on se gardera de dévoiler ici.
L'anxiété sociale, rarement traitée dans le cinéma de genre, est le moteur de "All My Friends Hate Me", un film qui navigue habilement entre comédie grinçante et une subtile forme d'horreur. Celle-ci puise sa source dans le perpétuel désir de paraître, et dans les tourments de l'ego lorsqu'il est livré aux regards d'autrui. Un film qui donne envie de suivre les prochains projets du tandem de scénaristes Tom Palmer / Tom Stourton, et du cinéaste Andrew Gaynord.
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