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Jean-Paul Belmondo dans "Stavisky"
Drame 7

Stavisky

Par Bertrand Mathieux · Le 23 juillet 2010

Film d’Alain Resnais
Année de sortie : 1974
Pays : France
Scénario : Jorge Semprún
Photographie : Sacha Vierny
Montage : Albert Jurgenson
Avec : Jean-Paul Belmondo, François Périer, Anny Duperey, Michael Lonsdale, Claude Rich, Charles Boyer.

Stavisky se suicide d’un coup de revolver qui lui a été tiré à bout portant.
Le Canard Enchaîné, après la mort de Serge Alexandre Stavisky en 1934.

Stavisky (jouant un texte de Jean Giraudoux) : Tous les morts sont extraordinairement habiles. Ils ne butent jamais contre le vide. Ils ne s’accrochent jamais à l’ombre… Ils ne se prennent jamais le pied dans le néant…Et leur visage, rien jamais ne l’éclaire…

France, début des années 30. L’histoire véridique de Serge Alexandre Stavisky, escroc notoire qui entretenait des relations étroites avec le pouvoir, et dont la mort en 1934 a provoqué un véritable scandale politique.

Synopsis de Stavisky

Après un séjour en prison pour escroquerie, Serge Alexandre (Jean-Paul Belmondo) se reconvertit dans les affaires. Propriétaire d’un groupe de presse, d’un théâtre et à la tête de plusieurs sociétés d’investissement, il entretient de nombreuses relations dans les milieux de la presse, de la police et de la politique, qui lui permettent d’échapper, pour un temps, à plusieurs affaires de fraude. L’inspecteur Bonny (Claude Rich), cherche par tous les moyens à le confondre.

Mégalomane, paranoïaque, Stavisky s’endette de jour en jour et court vers une chute inévitable.

Critique du film

L’affaire Stavisky

L’affaire Stavisky (lire l’article dédié sur Wikipédia) provoqua à l’époque un scandale politique de grande ampleur. Stavisky, un escroc français d’origine russe, fut confondu par une affaire de fraude et de faux bons, dans laquelle ses complices directs étaient le directeur du crédit municipal de Bayonne et le député maire de la même ville. L’enquête permit de démontrer les relations étroites que Stavisky entretenait avec des sénateurs, policiers et ministres du gouvernement radical-socialiste de l’époque. Son suicide plus que douteux, dans un chalet à Chamonix où l’escroc s’était réfugié pour échapper à la justice, en 1934, ne fit que confirmer les lourds soupçons de complicité qui pesaient sur plusieurs hauts fonctionnaires de l’État, lesquels avaient permis d’étouffer, par le passé, plusieurs affaires qui compromettaient Stavisky. On supposa donc très vite que l’homme avait été « suicidé » par la police, même si aujourd’hui encore aucun élément ne prouve l’une ou l’autre version. Cette affaire suscita une forte montée d’antiparlementarisme dont l’apothéose fut l’émeute de février 1934, menée par des groupes de droite et des ligues d’extrême droite.

Le film

Stavisky fut très mal accueilli au Festival de Cannes 1974. Pourtant, et même s’il n’est pas exempt de défauts, le film d’Alain Resnais est intéressant pour plusieurs raisons.

Le scénario est  signé Jorge Semprun, un écrivain et homme politique espagnol qui travailla avec des metteurs en scène célèbres comme Costa-Gavras (pour Z, L’Aveu), Yves Boisset (pour L’Attentat), Pierre Granier-Deferre (pour Une femme à sa fenêtre) et Joseph Losey (pour Les Routes du Sud). Sur Stavisky, il opta pour une double approche psychologique et historique, en parvenant à maintenir un équilibre entre ces deux aspects.

Michael Lonsdale dans "Stavisky"

Michael Lonsdale

Psychologique, car Stavisky s’attarde longuement sur la personnalité de l’escroc, en adoptant un point de vue riche et nuancé, humain, très loin de se limiter aux faits, comme en témoigne cette belle réplique prononcée par le médecin de Stavisky (Michael Lonsdale) :Pour comprendre Alex, il faut parfois oublier les dossiers. Il faut rêver de lui. Sans jamais l’idéaliser ou le glorifier, même si le personnage a une dimension romantique dont il est difficile de dire si elle s’appliquait au véritable Stavisky, le film s’attache davantage à le comprendre plutôt qu’à le juger froidement, analysant avec finesse son rapport quasi schizophrénique avec son passé et avec ses origines – symbolisé notamment par cette jeune juive allemande réfugiée en France, qu’il rencontre au théâtre. La scène où Stavisky lit un texte de Jean Giraudoux aux côtés de cette jeune femme est significative : Tous les morts sont extraordinairement habiles. Ils ne butent jamais contre le vide. Ils ne s’accrochent jamais à l’ombre… Ils ne se prennent jamais le pied dans le néant…Et leur visage, rien jamais ne l’éclaire…. Le texte fait clairement référence à Stavisky : à son mystère (rien jamais ne l’éclaire) et à la mort, à la fois celle d’un passé et d’une identité qu’il refoule et celle, inévitable, de l’homme qu’il est devenu.

Silvia Badescu et Jean-Paul Belmondo dans "Stavisky"

Silvia Badescu et Jean-Paul Belmondo. Le texte de Giraudoux que lit Stavisky et la jeune juive allemande exilée font tous deux écho à une part de lui-même.

La prestation de Jean-Paul Belmondo sert remarquablement ce parti pris du film (aller au plus près de la vérité – d’une vérité en tous cas – de l’homme, sans se contenter de relater les événements qui l’ont rendu célèbre). Toujours à l’aise dans le rôle du charmeur charismatique, il exprime également de façon convaincante, dans plusieurs séquences, la complexité, les doutes et la folie de son personnage. Belmondo fait partie de ces acteurs dont on a parfois l’impression qu’ils jouent leur propre partition (on retrouve des attitudes et une diction qu’on lui connait bien), alors qu’ils servent  en réalité remarquablement leur rôle. Grâce à son talent, à sa présence et à la qualité du scénario, le film parvient à rendre le personnage de Stavisky crédible et intéressant, et tente d’expliquer son obsession du pouvoir et de la célébrité à travers son histoire personnelle (l’image du père est souvent évoquée), son statut d’émigré et les origines juives qu’il dissimule.

Le film présente une dimension historique importante, car il détaille soigneusement le contexte de l’ascension et de la chute de Stavisky, s’attardant non pas uniquement sur ce dernier – même s’il bénéficie évidemment du traitement le plus approfondi – mais sur un grand nombre de personnages plus ou moins directement impliqués dans l’affaire, ou du moins faisant partie de l’entourage du célèbre escroc : son conseiller (François Périer), son épouse (Anny Duperey), son médecin (Michael Lonsdale), l’inspecteur Bonny (Claude Rich), policier très connu à l’époque (aux manœuvres plus que douteuses), qui fut exécuté après la libération pour sa collaboration avec la gestapo, ainsi que différentes personnalités issues du milieu politique, économique et policier. L’exil de Trotsky en France est également traité dans le film : sa volonté de proposer une alternative au stalinisme, et la méfiance de la France à l’égard de ses activités et réunions politiques. Mais Stavisky regorge d’autres références historiques : l’arrivée des nazis au pouvoir, la montée de la rébellion en Espagne, Mussolini, la propagation de la crise économique née aux États-Unis, l’antisémitisme ambiant, etc. Le film dépeint aussi une certaine France, intolérante et orgueilleuse à souhait (comme en témoigne cette réplique d’un ministre dans le film : Alexandre n’est pas quelqu’un de recommandable. D’abord il n’est même pas français, il n’a pas de domicile fixe).

Marcel Cuvelier et Claude Rich dans "Stavisky"

Claude Rich, ici avec Marcel Cuvelier (à gauche), interprète l’inspecteur Bonny.

L’ambition de Stavisky est donc à la fois de dresser le portrait complexe d’un homme et de décrire les caractéristiques et les enjeux économiques et politiques d’une époque charnière, aussi bien sur le plan national que international ; ces deux aspects – le destin d’un homme et celui d’une époque – sont intelligemment mis en relation, comme le souligne une réplique du baron Jean Raoul (Charles Boyer), ami de Stavisky : Stavisky nous annonçait la mort. Pas seulement la sienne, pas seulement celle des journées de février, mais la mort d’une époque.

On sent qu’Alain Resnais a justement pris plaisir à filmer cette époque et à en restituer l’atmosphère. Épaulé par le directeur photo Sacha Vierny (Hiroshima mon amour et Mon oncle d’Amérique, du même Resnais, Belle de Jour, de Luis Buñuel), il compose des images teintées d’une certaine mélancolie, en accord avec la tonalité douce-amère du film.

On peut reprocher à Stavisky de céder à des symboles un peu faciles (le vin sur la nappe ; le sang qui coule de la main de Stavisky quand il se coupe avec un verre ; cet animal mort près duquel il marche au cours de sa promenade à Barbizon, peu de temps avant sa propre mort), des dialogues souvent trop écrits, trop théâtraux, qui donnent dans certaines scènes l’impression de vouloir expliciter les choses à outrance. Le jeu des acteurs, même s’ils sont tous talentueux, accentue d’ailleurs parfois cet aspect, et on peut supposer qu’il s’agit clairement d’un parti pris du metteur en scène, que personnellement je trouve discutable. Mais Stavisky a le mérite essentiel de nous intéresser à son sujet, et pour cette raison, le sévère accueil cannois de l’époque semble disproportionné. Belmondo le digéra d’ailleurs assez mal. Sa carrière prit ensuite un cours plus convenu, et il enchaîna pendant plus d’une dizaine d’années des rôles plutôt stéréotypés (ce qui ne signifie pas que les films étaient tous mauvais, loin de là) dans lesquels il fut souvent cantonné au même registre, jusqu’à Itinéraire d’un enfant gâté.

On notera également l’apparition de Gérard Depardieu, dans le rôle d’un jeune inventeur. L’acteur tournera l’année suivante dans Les Valseuses, le film qui le rendit célèbre, avant de retrouver Alain Resnais, en 1980, pour Mon oncle d’Amérique.

7 Note globale

Stavisky, s'il est déséquilibré par quelques défauts (des répliques parfois pompeuses ; un symbolisme trop explicite), est un film dense, riche, qui donne envie de s'intéresser à ses personnages et au cadre historique de l'histoire. Jean-Paul Belmondo y livre une composition particulièrement fine, qui fait regretter les rôles attachants mais caricaturaux auxquels sa carrière le cantonna trop souvent par la suite.

Alain ResnaisAnny DupereyCharles BoyerClaude RichFrançois PérierJean-Paul BelmondoMichael Lonsdale
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Bertrand Mathieux

Principal contributeur du blog Citizen Poulpe. Parmi mes cinéastes préférés : Michael Cimino ; Claude Chabrol ; Maurice Pialat ; Michael Powell ; Kelly Reichardt ; Arthur Penn ; Olivier Assayas ; Emmanuel Mouret ; Guillaume Brac ; Francis Ford Coppola ; Michel Deville ; Guillaume Nicloux ; Karim Moussaoui ; Woody Allen ; Sam Peckinpah ; Nacho Vigalondo ; Danielle Arbid ; Jean-Pierre Melville ; David Lynch ; Billy Wilder ; David Mamet ; William Friedkin ; Nicolas Pariser ; Sergio Leone ; Jane Campion ; Miguel Gomes ; Ari Aster ; Christian Vincent ; Sidney Lumet ; Dominik Moll ; Ernst Lubitsch ; Gilles Marchand ; Alfred Hitchcock ; John Carpenter ; Otto Preminger ; Whit Stillman ; Nicholas Ray...

7 commentaires

  • MAHE dit : 18 mai 2011 à 0 h 21 min

    ce mercredi 18 mai,après hommage à Cannes à JP Belmondo,FR2 a fait une soirée cinema qui se terminait à minuit avec Stavisky et cet article est le plus complet et vivant que j’ai pu lire…la critique est un art à l’époque des petites phrases.Quant à l’ambiance des années 30 elle n’a pas pris une ride ?

    Répondre
    • Citizen Poulpe dit : 18 mai 2011 à 10 h 25 min

      Merci beaucoup ! Effectivement l’ambiance de l’époque est très bien restituée dans le film.

      Répondre
  • mgmeriggi dit : 9 avril 2012 à 23 h 22 min

    c’est bien, suaf un petit particulier: le gouvernement de ’33-’34, emporté en février ’34 n’était pas socialiste mais radical-socialiste et le renouveau de militantisme en reponse à la menace fasciste a permis le gouvernement du Front populaire…

    Répondre
    • Citizen Poulpe dit : 10 avril 2012 à 10 h 10 min

      Merci pour cette précision ! Je fais la rectification.

      Répondre
  • huntziger dit : 26 novembre 2012 à 22 h 29 min

    il venait d’où Stavisky ? vous ne le dites même pas. Ah si, il était charentais comme Salengro

    Répondre
  • huntziger dit : 26 novembre 2012 à 22 h 32 min

    d’autres par erreur ont écrit qu’il était polonais

    Répondre
  • Jean-Pascal Mattei dit : 12 août 2013 à 16 h 00 min

    Et la musique de Stephen Sondheim ?

    Répondre
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