Film de Jonathan Demme
Pays : États-Unis
Année de sortie : 2008
Scénario : Jenny Lumet
Photographie : Declan Quinn
Montage : Tim Squyres
Avec : Anne Hathaway, Rosemarie DeWitt, Bill Irwin, Anna Deavere Smith, Tunde Adebimpe, Debra Winger
Rachel se marie montre comment Jonathan Demme pouvait passer du thriller psychologique sophistiqué (Le Silence des agneaux) au drame intimiste filmé façon Dogme / Cassavetes, sans perdre une once d’authenticité.
Synopsis du film
Kym Buchman (Anne Hathaway) sort temporairement d’une cure de désintoxication pour passer quelques jours en famille et assister au mariage de sa sœur aînée Rachel (Rosemarie DeWitt) avec Sidney Williams (Tunde Adebimpe). Peu à peu, des tensions et traumatismes refont surface chez les Buchman…
Critique de Rachel se marie
Jonathan Demme (réalisateur de Something Wild ; Le Silence des agneaux ; Philadelphia) vient de signer coup sur coup deux remakes (La Vérité sur Charlie et Un Crime dans la tête) quand Sidney Lumet lui tend un scénario écrit par sa fille, Jenny Lumet. Demme est immédiatement séduit et décide d’en faire son 18ème long métrage. On comprend l’enthousiasme du réalisateur : Rachel se marie est un film remarquablement bien écrit, aussi bien au niveau de la caractérisation des (nombreux) personnages que de la construction dramatique et des dialogues.
Rachel se marie fait partie de ces nombreux films qui utilise le motif de la réunion familiale (un mariage, en l’occurrence) comme une manière d’explorer les failles, les conflits et souvenirs traumatiques propres à une famille donnée. Parmi les films utilisant le même type de point de départ, on peut citer le célèbre et mordant Festen, de Thomas Vinterberg, premier film labellisé Dogme95 (le mouvement cinématographique créé notamment par Vinterberg et Lars von Trier).
Si Rachel se marie est très différent de Festen en dehors du fait que les deux films sont des drames familiaux, on notera toutefois un lien sur le plan formel : sans s’inscrire tout à fait dans le cadre contraignant du Dogme (dont il n’avait sans doute que faire), Jonathan Demme a opté ici pour une réalisation « naturaliste », un peu à la John Cassavetes (s’il fallait citer une référence américaine), donnant au spectateur l’impression qu’il regarde un authentique film de famille (caméra à l’épaule ; musiques et voix enregistrées en direct ; éclairage naturel) ; impression renforcée par le jeu des comédiens.
Ceux-ci sont tous remarquables. Ils avaient un excellent matériau pour travailler (le scénario associe à chaque personnage une personnalité propre, complexe et nuancée) et tous l’ont utilisé à merveille. On ne peut en effet que louer les prestations d’Anne Hathaway, de Rosemarie DeWitt et de l’ensemble du casting. Leur jeu, confondant de naturel et d’une apparente spontanéité, ne parait jamais affecté (ce qui est un des pièges dans les drames de ce genre). Il émane ainsi de chaque scène un sentiment d’authenticité qui ne faiblit jamais, tandis que la narration progresse avec une précision millimétrée, révélant progressivement les enjeux véritables, et émouvants, du récit.
Rachel se marie est aussi l’occasion de constater à quel point Demme faisait partie de ces metteurs en scène, finalement assez rares, capables de changer complètement de style d’histoire et de réalisation à chaque film ; impossible de deviner ici que l’homme derrière la caméra est aussi celui qui a dirigé Jodie Foster et Anthony Hopkins dans Le Silence des agneaux, par exemple. Il s’agissait de toute évidence d’un homme humble, pour qui l’unique priorité était de se mettre entièrement au service du récit : Demme ne se regardait pas filmer, c’est une évidence, de même qu’ici les acteurs ne se regardent pas jouer. Tous avaient manifestement à cœur de donner vie à un excellent scénario qui évite, avec grâce, tous les écueils d’un genre (le drame familial) rarement abordé avec autant de justesse.
Rachel se marie est un film sans défauts, basé sur un scénario dense que Jonathan Demme est parvenu à traiter en donnant une grande impression de naturel et de spontanéité, façon "film de famille". C'est pourtant bien du cinéma, et du bon, porté par une pléiade d'excellents comédiens.
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