Film de Jerry Schatzberg
Titre original : The Panic in Needle Park
Année de sortie : 1971
Pays : États-Unis
Scénario : Joan Didion et John Gregory Dunne, d’après le roman de James Mills
Photographie : Adam Holender
Montage : Evan Lottman
Avec : Al Pacino, Kitty Winn, Alan Vint, Richard Bright, Kiel Martin, Michael McClanathan
Bobby: I was gonna marry you!
Panique à Needle Park, le deuxième film de Jerry Schatzberg, traite de la toxicomanie avec une approche quasi naturaliste, toujours très juste aujourd’hui.
Synopsis de Panique à Needle Park
Début des années 70, à New York. Bobby (Al Pacino), un zonard beau parleur et accroc à l’héroïne, rencontre Helen (Kitty Winn), qui vient d’avorter. Tous deux traînent autour de Verdi Square et Sherman Square, que les toxicomanes surnomment « Needle Park » (littéralement, le parc de la seringue). Mais la drogue se fait rare – et coûteuse – à cause notamment des saisies policières.
Dépendants, sans le sous, Helen et Bobby s’enferment rapidement dans un quotidien dont les seuls objectifs sont de trouver un squat et une dose…
Critique du film
Panique à Needle Park est sorti en 1971. Une époque charnière pour la société et le cinéma américains.
Côté cinéma, le Nouvel Hollywood bat alors son plein : toute une génération de réalisateurs (Penn, Peckinpah, Hopper, Coppola) filment l’Amérique sans le fard que le cinéma hollywoodien d’antan aimait souvent lui appliquer. Côté société, deux ans se sont écoulés depuis Woodstock et déjà, l’idéal hippie montre ses limites, comme beaucoup de films de l’époque commencent à l’illustrer (We blew it
, soupire Peter Fonda dans l’iconique Easy Rider).
Conformément à ce contexte culturel et sociétal, Jerry Schatzberg, dont Panique à Needle Park est la deuxième réalisation après Portait d’une enfant déchue, filme les toxicomanes de Sherman Square avec un souci de réalisme évident. En 1955, Otto Preminger avait ouvert la voie en signant le premier film hollywoodien à parler ouvertement de la drogue, à savoir L’Homme au bras d’or, avec un Frank Sinatra habité. 16 ans plus tard, le film de Schatzberg propose logiquement (l’Amérique des seventies n’étant pas celle des années 50) un traitement plus cru.

Helen (Kitty Winn)
Shoots filmés en gros plan, crises de manque, overdose, deals, combines minables, passes : Schatzberg montre tout cela avec une approche quasi documentaire, naturaliste, que souligne l’absence totale de musique. Pas même un bon vieux rock psychédélique, du jazz ou du funk pour faire swinguer un peu la lente dérive des personnages ; pour donner à la drogue cette couleur « cool » qu’on lui associait un peu trop vite à la fin des années 60. Pas de solidarité ou d’héroïsme non plus : les drogués mouchardent tous
, comme le dit l’inspecteur de police interprété par Alan Vint. Et surtout pas de changement possible : les I was gonna marry you!
hurlés par un Pacino (Cruising, Un Après-midi de chien, Scarface) alors débutant résonnent dans un vide absurde où seul un rire blasé, ou les larmes de Kitty Winn, peuvent leur faire écho.
Sans jamais juger ses personnages, ni verser dans le pathos, Schatzberg montre à quel point leur dépendance parasite leurs relations et les rabaisse : ils se disputent minablement une dose, ne pensent plus qu’à l’argent, ne rient que quand ils sont défoncés, sans savoir pourquoi.
Contrairement à ce que l’on aurait pu penser – voire craindre – d’un photographe de mode (son premier métier), Schatzberg cherche davantage à capter des instants, à saisir les situations et le jeu des comédiens sur le vif, qu’à proposer une esthétique léchée qui eût été en décalage avec la thématique. Il en résulte des séquences vivantes, pleines de spontanéité et de justesse.
Panique à Needle Park offrit à Al Pacino son premier rôle important au cinéma, après son apparition dans Me, Natalie (1969). L’acteur, formé à l’Actors Studio, témoigne déjà d’une aisance et d’un naturel admirables. Sa démarche, ses gestes, ses mots et expressions correspondent parfaitement à ce personnage de petite frappe et de grande gueule tour à tour sympathique et méprisable. Qu’il hurle, frappe, tchatche, sourie, murmure ou séduise, Pacino sonne toujours juste. C’est d’ailleurs en leur montrant des extraits de Panique à Needle Park que Francis Ford Coppola convaincra les producteurs du Parrain (1972) de confier au jeune comédien le rôle de Michael Corleone, alors qu’il n’avait pas été choisi lors des auditions pour le film.

Bobby (Al Pacino)
Quant à Kitty Winn, elle reçut pour Panique à Needle Park le prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes 1971, des mains du jury présidé alors par Michèle Morgan. Elle est parfaite dans ce qui restera le rôle le plus marquant de sa carrière d’actrice.
Peinture réaliste des ravages de la drogue dure et premier coup d’éclat d’un acteur mythique, Panique à Needle Park fait partie des références cinématographiques de son époque, et reste l'un des premiers longs-métrages à avoir abordé de façon aussi frontale le problème de la toxicomanie.
2 commentaires
Vous m’avez filé une sacrée envie de le voir!
Toxicomanie au cinéma : revoir « Le Festin nu » de Cronenberg et « The Addiction » de Ferrara.