Film de Tobias Lindholm
Pays : États-Unis
Année de sortie : 2022
Scénario : Krysty Wilson-Cairns, d’après The Good Nurse: A True Story of Medicine, Madness, and Murder, de Charles Graeber
Photographie : Jody Lee Lipes
Montage : Adam Nielsen
Musique : Biosphere
Avec : Jessica Chastain, Eddie Redmayne, Nnamdi Asomugha, Kim Dickens, Noah Emmerich
Meurtres sans ordonnance (The Good Nurse) est un « thriller hospitalier » qui parvient à captiver l’attention tout en observant une grande sobriété. Rien de mémorable ici mais une efficacité indéniable, ainsi qu’une nouvelle preuve du talent de Jessica Chastain.
Synopsis du film
En 2003, dans le New Jersey. Amy Loughren (Jessica Chastain) est une infirmière et mère célibataire travaillant au sein de l’unité des soins intensifs du Parkfield Memorial Hospital. Souffrant de cardiomyopathie, Amy doit encore travailler quelques mois pour pouvoir se faire rembourser la transplantation cardiaque recommandée par son médecin. Elle décide de ne parler à personne de ses problèmes de santé, craignant d’être renvoyée pour cette raison.
Un soir, Amy fait la connaissance d’un nouveau collègue, Charles Cullen (Eddie Redmayne), avec lequel elle noue rapidement des liens d’amitié. Quelque temps plus tard, une patiente dont les jours ne semblaient pas être en danger décède brutalement. C’est le début d’une longue liste de morts suspectes qui intriguent les inspecteurs Tim Braun (Noah Emmerich) et Danny Baldwin (Nnamdi Asomugha) ; mais leur enquête se heurte à la mauvaise volonté de l’hôpital, qui semble faire de la rétention d’information…
Critique de Meurtres sans ordonnance
Netflix adore les histoires de tueurs en série. Entre les docus fictions, les films et les séries TV, ce profil pullule quand on explore l’offre (assez pauvre, il faut bien le dire) de la célèbre plateforme américaine. Évidemment, ce n’est pas le reflet d’un goût personnel des chargés de programmation, plutôt celui d’un grand public fasciné par les psychopathes en tout genre. Loin de moi l’idée de l’en blâmer : la lecture d’un pitch prometteur en suspense, en bizarrerie, voire en frissons me pousse souvent à voir le film en question, si toutefois celui-ci jouit d’une assez bonne réputation auprès de la critique cinéma (encore que n’est pas toujours un gage de qualité – loin s’en faut).
En l’occurrence, la réputation assez flatteuse de The Good Nurse n’est pas usurpée. Flanqué d’un ridicule titre français qui décline maladroitement celui de Sept morts sur ordonnance de Jacques Rouffio, le film de Tobias Lindholm (cinéaste danois) est un thriller de bonne facture. La réalisation, tout en sobriété, créé cette ambiance un peu froide, bleutée, légèrement feutrée typique des « thrillers hospitaliers ». Le scénario de Krysty Wilson-Cairns (autrice du scénario de 1917, de Sam Mendes), basé sur un authentique fait divers (et sur le true-crime book que le journaliste Charles Graeber lui a consacré), suit une construction narrative rigoureuse, qui évite avec élégance les excès et autres effets d’outrance pour mieux se concentrer sur les personnages et la progression du récit. Les amateurs d’hémoglobine et de jump scares en seront pour leurs frais : Meurtres sans ordonnance joue ses notes en sourdine. Après tout, on parle souvent à voix basse dans les couloirs d’hôpitaux.
La talent et l’aura de Jessica Chastain font incontestablement partie des points forts du film. La comédienne est remarquable. Elle n’en fait jamais trop, tout en exprimant beaucoup de choses. Face à elle, le britannique Edward Redmayne s’en sort très bien dans un registre inquiétant, se gardant de surjouer et observant, dans sa prestation, la même sobriété que celle propre à la mise en scène. Nnamdi Asomugha et Noah Emmerich composent quant à eux des inspecteurs de police convaincants et plutôt attachants.
[ATTENTION SPOILER] La relation entre les deux personnages principaux est au cœur du film, et questionne habilement le spectateur autour de deux points de vue distincts : soit la bienveillance de l’assassin à l’égard de l’héroïne est feinte et correspond donc à un classique cas de manipulation ; soit elle est authentique, et rappelle donc une réalité troublante : un être humain peut commettre une chose horrible juste après avoir aidé une vieille dame à traverser la rue, en toute sincérité. C’est évidemment la seconde hypothèse qui est la plus intéressante tant sur le plan moral que psychologique, et c’est celle que semble avoir privilégié la scénariste du film. [FIN DU SPOILER]
Il manque quelque chose à Meurtres sans ordonnance pour être davantage qu’un thriller bien mené (ce qui est déjà pas mal), qu’un film de commande bien exécuté. Mais en termes de savoir faire et de performance, c’est mieux ce que font 95% des productions françaises dans le même registre. Entendons-nous bien : le cinéma français est passionnant à bien des égards, mais dans le genre thriller, les américains (je parle de production américaine : rappelons que The Good Nurse a été réalisé par un danois et écrit par une écossaise), s’ils livrent une grande quantité de navets indigestes, sont en moyenne plus solides, surtout depuis qu’un certain Claude Chabrol (maître français du genre) n’est plus ; d’ailleurs, la relation Jean Yanne / Stéphane Audran dans Le Boucher joue un peu sur le même type de trouble que celle décrite dans Meurtres sans ordonnance.
Le fait divers derrière Meurtres sans ordonnance
(à ne pas lire si vous n’avez pas encore vu le film)
Le scénario de Meurtres sans ordonnance est basé sur le livre de non-fiction The Good Nurse: A True Story of Medicine, Madness, and Murder, écrit par Charles Graeber au sujet de l’affaire Charles Cullen, serial killer américain arrêté en 2003. Cullen (incarné dans le film par Edward Redmayne) était un infirmier qui sévissait au sein des établissements de santé où il était employé (il causait volontairement la mort de patients en leur administrant des injections mortelles). Vingt-neuf assassinats ont été confirmé par la justice, sur les quarante confessés par Cullen ; mais des enquêteurs et psychiatres soupçonnent un plus grand nombre de crimes encore.
Notons que Graeber, avant de devenir reporter, fut étudiant en médecine ; c’est peut-être pour cette raison que cette affaire l’intéressa autant.
Une infirmière, Amy Loughren (jouée par Jessica Chastain dans le film), aida activement la police au cours de son investigation. Avant de nourrir des soupçons sur Cullen, l’un de ses collègues, elle avait entretenu des liens amicaux avec ce dernier.
Dans les grandes lignes, le scénario de The Good Nurse semble donc assez proche de la réalité, et reprend d’ailleurs les mêmes noms que ceux des véritables « acteurs » de cette sombre affaire. Notons que la scène du restaurant où Loughren piège son collègue avec un micro posé par la police, ainsi que celle, plus tard, où elle le pousse à se confesser, se sont bien déroulées dans la réalité. Amy Loughren est donc assurément aussi courageuse dans la vie que dans le film, lequel lui rend un hommage mérité.
Solidement écrit et réalisé, Meurtres sans ordonnance offre toutes les qualités d'un thriller divertissant, qui captive sur le moment mais dont on ne garde pas grand chose. Cela reste un assez bon film, dont on aurait tort de se priver si on est amateur du genre, ou encore fan de Jessica Chastain, remarquable une fois de plus.
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