Film de Roschdy Zem
Année de sortie : 2022
Pays : France
Scénario : Roschdy Zem et Maïwenn
Photographie : Julien Poupard
Montage : Pierre Deschamps
Musique : Maxence Dussère
Avec : Sami Bouajila, Maïwenn, Roschdy Zem, Rachid Bouchareb, Meriem Serbah, Abel Jafri, Nina Zem, Carl Malapa, Anaïde Rozam
Moussa (parlant à sa fille) : Tu étudies la communication, donc tu étudies rien.
Moussa (Sami Bouajila), dur mais lucide dans Les Miens
Les Miens est suffisamment bien joué, écrit et filmé pour affirmer sa personnalité propre au sein d’un genre régulièrement abordé par le cinéma français (le drame familial), mais rarement avec autant de justesse.
Synopsis du film
Moussa (Sami Bouajila), père de famille d’une nature douce et indulgente, souffre du silence obstiné et méprisant que lui témoigne sa dernière épouse, retournée au Maroc. Un soir, il accepte l’invitation d’une collègue, qui lui propose de la rejoindre à une fête d’anniversaire au Rosa Bonheur.
Contrairement à son habitude, Moussa boit, prend de la drogue et, après une période d’euphorie, tombe à la renverse au milieu de la piste de danse. Il parvient à rentrer chez lui, mais se trouve dans un état de quasi somnolence permanente. Sa sœur Samia (Meriem Serbah) le conduit aux urgences, puis son frère Ryad (Roschdy Zem) lui trouve un rendez-vous chez un spécialiste.
Le diagnostic tombe : Moussa souffre d’un traumatisme crânien sévère. Il doit se reposer, et ses proches doivent veiller sur lui. Ce qui n’est pas une mince affaire : le choc a en effet pour étonnante conséquence de pousser Moussa à parler d’une manière brutale et cinglante à son entourage.
Cette situation va peu à peu libérer des tensions au sein de la famille…
Critique de Les Miens
Sur le papier, Les Miens a sans doute de quoi irriter une certaine partie du public français, volontiers critique à l’égard d’un cinéma hexagonal à tendance naturaliste et intimiste. Les on a déjà vu ça mille fois
et encore un drame familial
ont probablement traversé l’esprit de nombreux spectateurs, aussi bien ceux qui ne jurent que par un cinéma spectaculaire que ceux, plus élitistes, pour lesquels l’art est forcément synonyme d’audace et d’expérimentation visuelle ou narrative. Or, au cinéma comme en littérature, il y a de la place pour toutes les formes, tous les types d’histoire, y compris celles qui ont déjà été racontées (ce qui est le cas de la quasi totalité des histoires, d’ailleurs !). C’est surtout le traitement, la manière de faire qui comptent ; cette précision qui va donner à un récit pouvant sembler balisé et conventionnel, ce qu’il faut de relief, de vie et d’authenticité.

Cette précision est bien là en ce qui concerne le dernier long métrage de Roschdy Zem, acteur qui depuis son rôle dans J’embrasse pas d’André Téchiné (1991) a tourné plusieurs films par an, en livrant à chaque fois une composition irréprochable. Si sa carrière de cinéaste est moins dense, Les Miens est tout de même son sixième film. Le scénario, directement basé sur une expérience personnelle (le véritable frère de Roschdy Zem a subi un accident comparable à celui vécu par le personnage joué par Sami Bouajila dans le film) a été co-écrit avec Maïwenn, qui joue ici la compagne du cinéaste à l’écran. De cette collaboration, la première à ma connaissance, est né un récit équilibré, qui ne verse jamais dans le pathos, la surenchère émotionnelle. Même les disputes, si elles sont assez fréquentes, sont brèves. Il n’y a pas une scène ou un plan de trop (le film est d’ailleurs assez court, quand tant d’autres sont trop longs), pas une réplique qui tombe à côté. Au niveau de la réalisation, Roschdy Zem adopte un style cohérent avec le sujet : il filme au plus près des visages et des corps. La caméra est mouvante mais, comme la plume des deux auteurs, elle est aussi sobre, et ne se perd pas en gesticulations inutiles et poseuses.

En somme, c’est un film juste et efficace auquel on assiste ici, qui émeut sans tirer exagérément sur la corde, fait sourire sans tomber dans la farce (alors que l’idée de départ aurait pu ouvrir le champ à moult blagues douteuses). Il prend également certaines attentes à contrepied ; à partir du moment où Moussa (Sami Bouajila) commence à devenir excessivement franc, voire agressif après son accident, on s’attend à une confrontation avec son frère Ryad (Roschdy Zem), laquelle n’arrive pas – au contraire, les deux hommes se rapprochent dans une forme de dureté, de douleur rentrée.

Le texte, qu’on devine assez écrit bien qu’il procure une vive impression de spontanéité (je ne pense pas qu’il y ait eu une grande part d’improvisation sur le tournage, comme on peut en voir dans les propres films de Maïwenn), est servi par des comédiens qui excelle tous dans un registre naturel (y compris les plus jeunes), chacun composant un personnage à la caractérisation soigné, indépendamment de son temps de présence à l’écran. Aucune fausse note ici, et une sincérité palpable de l’acteur-réalisateur, doublée d’un plaisir évident à filmer ses talentueux partenaires. Plaisir partagé, de la première à la dernière image, avec les spectateurs qui sauront apprécier, dans le classicisme de l’ensemble, ces petits détails qui font le caractère, la personnalité et le talent.

Maîtrisé sur le plan formel et interprété à la perfection, Les Miens est un film solide, honnête et sobre, à l'image de son réalisateur et co-scénariste.
Aucun commentaire