Film de Paul Feig
Pays : États-Unis
Année de sortie : 2018
Titre original : A Simple Favor
Scénario : Jessica Sharzer, d’après le roman Disparue (A Simple Favor) de Darcey Bell
Photographie : John Schwartzman
Montage : Brent White
Musique : Theodore Shapiro
Avec : Anna Kendrick, Blake Lively, Henry Golding, Andrew Rannells, Linda Cardellini, Rupert Friend
Autour d’un duo d’actrices de charme et de choc, Paul Feig signe avec L’Ombre d’Emily un thriller pop et énergisant, rythmé par une excellente BO.
Synopsis du film
Stephanie Smothers (Anna Kendrick) est une mère célibataire et veuve qui s’occupe d’un blog de recettes et d’astuces en tout genre pour les mamans. Son quotidien plutôt solitaire est bouleversé le jour où elle rencontre Emily (Blake Lively), dont le fils fréquente la même école que le sien.
Fasciné par le caractère bien trempé d’Emily, mais aussi par sa personnalité mystérieuse, Stephanie éprouve rapidement pour elle une vive amitié. Mais tout bascule le jour où Emily disparaît mystérieusement…
Critique de L’Ombre d’Emily
Adapté d’un roman de Darcey Bell par la scénariste Jessica Sharzer (qui a travaillé récemment sur la série anthologique American Horror Story), L’Ombre d’Emily pourrait de prime abord évoquer un ersatz opportuniste du brillant Gone Girl (2014) de David Fincher, avec lequel il partage quelques similitudes notables. Mais le film de Paul Feig possède suffisamment d’atouts pour séduire, si on accepte de se prendre au jeu et de ne pas s’arrêter à ses grosses ficelles scénaristiques – qui sont d’ailleurs assumées, puisque Sharzer a glissé un clin d’oeil malicieux au manque de crédibilité de son propre scénario juste avant le générique de fin.
Ces atouts sont les suivants : un duo de comédiennes savoureux, drôle et pétillant (on est pile dans l’ère du temps, avec le genre de personnages féminins badass dont Hollywood raffole en ce moment) ; une bande originale qui nous fait l’honneur d’être principalement constituée de bonne, voire de très bonne pop française des sixties (Françoise Hardy, Jacques Dutronc et bien sûr l’incontournable Gainsbourg, qu’on a entendu récemment dans la série britannico-américaine Killing Eve) ; des répliques qui font mouche et un alliage d’humour et de thriller plutôt bien dosé au cours de la première partie, quoique le final choisisse de pencher plus largement vers la farce.
À l’image de sa BO, L’Ombre d’Emily est un film résolument pop, qui revendique sa superficialité et son manque de sérieux avec un certain panache. Le duo central est un cliché (la working girl sûre d’elle, ultra sexy et débauchée face à la maman timide, exemplaire et coincée – qui évidemment ne l’est pas tant que ça sous le vernis social), mais Anna Kendrick et Blake Lively l’incarnent avec une énergie et une conviction telles qu’il en résulte un cocktail coloré et assez euphorisant, dont l’alchimie fait en partie oublier les facilités d’écriture.
Si la réussite d’un cocktail repose en partie sur un bon dosage, disons que les dernières minutes du film forcent trop sur certaines notes, donnant une saveur un poil trop grossière au dénouement, et accordant à Emily un traitement plus caricatural qu’il n’était nécessaire. Mais L’Ombre d’Emily reste un divertissement généreux et bien calibré, ce qui n’est, contrairement à ce que certains préjugés peuvent laisser croire, pas une chose facile à réaliser – et toujours plus agréable à voir qu’un mauvais film d’auteur.
À propos de la musique du film
Le personnage incarné par Blake Lively est fan de pop française et L’Ombre d’Emily puise dans ce background musical une bonne partie de son swing et de sa couleur. Gainsbourg, qui est sans doute (dans le domaine de la pop au sens large) l’un des auteurs-compositeurs français les plus reconnus par les mélomanes anglais et américains, est très présent puisqu’on entend son fameux duo avec Bardot Bonnie and Clyde, ainsi que deux chansons qu’il ne chante pas mais qu’il a signées, à savoir Comment te dire adieu par Françoise Hardy (les paroles uniquement, la musique étant d’Arnold Goland) et Laisse tomber les filles par France Gall (paroles et musique de Gainsbourg, avec un arrangement du génial Alain Goraguer). On notera que Tarantino avait choisi la même chanson pour le générique de fin de Boulevard de la mort, mais chantée cette fois par April March.
Les Cactus de Dutronc et Lanzmann sont également de la partie, au même titre que la berçante Madrague de Brigitte Bardot. Des morceaux plus récents ont également été choisis, dont un titre d’Orelsan (Changement) et un autre du groupe Saint Privat (Poisson rouge), d’origine autrichienne.
Quant au générique de début, il est rythmé par le titre Ça s’est arrangé (1967) chanté par Jean-Paul Keller, qui est une reprise d’un titre américain (Music to Watch Girls By, composé par Tony Velona et Sidney « Sid » Ramin).
Malgré un final un peu poussif et tarte à la crème, L'Ombre d'Emily se savoure comme un bon gin tonic en terrasse ; on n'en garde pas un souvenir extraordinaire mais c'est un petit plaisir qu'on aurait tort de se refuser. Et puis, c'est toujours agréable d'entendre un bon Gainsbourg au cinéma...
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