Film de Todd Field
Année de sortie : 2001
Pays : États-Unis
Scénario : Todd Field et Robert Festinger, d’après la nouvelle Killings d’Andre Dubus
Photographie : Antonio Calvache
Montage : Frank Reynolds
Musique : Thomas Newman
Avec : Sissy Spacek, Tom Wilkinson, Nick Stahl, Marisa Tomei
In The Bedroom déroule une narration précise et implacable, servie par une réalisation et une interprétation d’une égale rigueur. Un modèle de récit noir et dramatique, genre dans lequel les auteurs américains excellent particulièrement.
Synopsis du film
La famille Fowler mène une vie confortable et heureuse à Camden, dans le Maine. Mais quand leur fils Frank, brillant étudiant, se met à fréquenter une femme plus âgée, les choses se compliquent ; il faut dire que l’ex-compagnon de la femme en question est un homme particulièrement jaloux et violent…
Critique de In The Bedroom
In the Bedroom est basé sur une nouvelle d’Andre Dubus, un écrivain américain disparu en 1999 (soit peu de temps avant la sortie du film) dont la vie personnelle a été ponctuée d’événements dramatiques, un peu comme celle de l’uruguayen Horacio Quiroga. Killings (la nouvelle en question, au titre plus explicite, moins métaphorique, que celui du film) n’est d’ailleurs pas un récit gai et enjoué. On se situe plutôt dans la tradition des récits sombres, réalistes et parfois violents dont la littérature américaine du 20ème siècle est remplie. Son sujet évoque, indirectement, la propre expérience de Dubus, et on suppose que l’écriture a de ce fait été un processus douloureux pour l’auteur.

Le résultat a manifestement séduit Todd Field, également réalisateur du très réussi Little Children (2006), qui est aussi l’adaptation d’un texte littéraire. Depuis ces deux longs métrages, Field n’est pas retourné derrière la caméra et la vision de In The Bedroom fait espérer qu’il aura l’occasion, et l’envie, de le faire un jour. Il s’agit en effet d’un film solide, d’une sobriété et d’une maîtrise exemplaires. On y retrouve ce coté sec, épuré, sans fioritures propre à une certaine littérature américaine, et que quelques réalisateurs aiment à retranscrire au cinéma. D’une gravité indéniable, le film ne tombe toutefois jamais dans le piège du mélo et du pathos ; il n’y a pas un plan de trop, un mot superflu, un geste téléphoné. C’est par ailleurs remarquablement bien cadré (on le voit dès la première séquence, pourtant très simple, montrant un couple étendu dans l’herbe : la scène capte un moment de bonheur amoureux parfait, immortalisé dans de multiples compositions picturales) et surtout, les plans disent, ou plutôt suggèrent souvent quelque chose de significatif.

L’erreur de certains réalisateurs est de chercher une complexité parfois vaine alors que l’un des enjeux principaux, pour un réalisateur, est de filmer un élément qui véhicule une idée, une émotion liée à l’histoire, même si cela doit passer par un plan très simple. Par exemple, vers la fin de In the Bedroom – fin dont nous ne révélerons rien ici –, il y a un plan sur le panneau Welcome to Camden, qui est lourd de sens : il vient rappeler, douloureusement, un cadre de vie synonyme, pour les personnages, d’un bonheur désormais lointain…

L’histoire, qui est relativement banale si on la résume grossièrement, pourrait ne pas captiver le spectateur ; mais tout est dans l’art de raconter et Field, comme Dubus sans doute, maîtrise cet art. Il sait par exemple que ce genre d’histoire a besoin d’un contexte ; or dans In the Bedroom, l’atmosphère de la ville de Camden, dans le Maine, est palpable, de même que le milieu social, plutôt aisé, des protagonistes. La même rigueur s’applique à la caractérisation des personnages, tous crédibles et suffisamment consistants pour qu’on puisse se sentir concernés, a minima, par leur sort. À partir de là, chaque repère du récit étant bien défini, Field peut dérouler la narration, étape par étape (la composition du récit est exemplaire), jusqu’à son implacable dénouement, et même faire le choix (en l’occurrence cohérent) d’une certaine lenteur – quand tout est bien en place, et que le rythme du récit est maîtrisé, celui-ci peut bien être lent : il n’est pour autant jamais ennuyeux.

Les comédiens sont ici tous à la hauteur, de Marisa Tomei à Nick Stahl en passant par William Mapother, Sissy Spacek et Tom Wilkinson. Celui-ci est particulièrement saisissant dans une dernière séquence dont le relatif silence dit beaucoup de choses, et rien de trop précis à la fois. Au cinéma comme en littérature, il faut savoir suggérer, retirer des plans, effacer des lignes. Todd Field, de toute évidence, a ce sens de l’épure et de l’économie. Conjuguée à sa maîtrise de la forme et de la construction narrative, cette qualité fait de lui un auteur précieux.
Salué à juste titre par la critique et le public, In The Bedroom fait partie des belles pièces du cinéma indépendant US des années 2000. Il se situe dans la tradition des récits noirs, épurés, réalistes et resserrés dont moult auteurs américains ont le secret. Todd Field confirmera dans la foulée son talent avec Little Children et depuis, silence radio, ce qui ne semble pas relever d’un choix mais plutôt être le résultat de projets contrariés. Field est d’ailleurs cité dans une liste intitulée Top 10 American Indie Filmmakers Missing in Action
. Elle a déjà 5 ans et pour l’instant, elle est toujours, en partie, d’actualité…
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