Film de Radu Muntean
Année de sortie : 2010
Pays : Roumanie
Titre original : Marţi, după Crăciun
Scénario : Alexandru Baciu, Radu Muntean, Răzvan Rădulescu
Photographie : Tudor Lucaciu
Montage : Alma Cazacu
Avec : Mimi Brănescu, Maria Popistașu, Mirela Oprisor, Victor Rebengiuc, Dragoş Bucur, Sasa Paul-Szel
Mardi, après Noël est un film très représentatif de l’actuelle Nouvelle Vague du cinéma roumain, portée sur une approche naturaliste et épurée.
Synopsis du film
De nos jours, à Bucarest. Paul (Mimi Branescu) partage son temps libre entre son épouse Adriana (Mirela Oprisor) et sa maîtresse Raluca (Maria Popistașu), l’orthodontiste de sa fille Mara (Sasa Paul-Szel). Adriana ignore tout de la double vie amoureuse de son époux.
Un jour, les deux femmes se rencontrent dans le cabinet de Raluca, au sujet d’un appareil que Mara devra porter afin de corriger une mauvaise position dentaire. Cette rencontre contrarie Raluca, et Paul commence à comprendre que la situation ne va pas pouvoir durer éternellement…
Critique de Mardi, après Noël
Mardi, après Noël est le quatrième long métrage du réalisateur Radu Muntean, l’un des figures majeures de ce qu’on appelle la Nouvelle Vague Roumaine
. Ce mouvement, dont l’acte de naissance officiel est semble-t-il Trafic, de Cătălin Mitulescu (qui remporta la Palme du court métrage à Cannes en 2004), se caractérise notamment par une approche réaliste et minimaliste. Deux adjectifs qui s’appliquent très bien au film qui nous intéresse ici.
Pour raconter cette classique histoire d’adultère, le cinéaste roumain mise en effet sur une sobriété constante, que ce soit au niveau de l’écriture ou de la mise en scène, d’une limpidité remarquable. La grande majorité des scènes sont des plans séquences, au cours desquelles la caméra ne vient jamais troubler l’intimité des personnages. Nul changement d’angle, aucun champ-contrechamp, mais un seul et unique plan qui capture des instants simples, dont le réalisme découle d’un type d’interprétation et de dialogues qu’on qualifie souvent de naturaliste
quand ils visent à ce point, comme c’est le cas ici, à se rapprocher du quotidien. Puis, à partir du moment où l’histoire prend une tournure plus grave, – que l’équilibre précaire, au sein du triangle amoureux, s’effondre soudain -, Muntean fait des plans de coupe, se rapproche du visage d’un acteur, pour mieux saisir la crispation qu’il reflète. Sans changer réellement de style (les longs plans sont encore omniprésents dans la dernière partie du film), ni de rythme, il souligne par ce changement de procédé l’évolution de la situation vécue par les protagonistes, dont la séparation est rendue plus évidente par le fait qu’ils se retrouvent, par moment, isolés dans un plan serré.
Mardi, après Noël évite avec soin toute dramatisation, tout comme il ne juge personne – il montre, il rend compte, il observe. Pas de musique originale, aucun lyrisme apparent, mais un soin tout particulier à regarder vivre les personnages, à guetter leurs pensées, leurs réactions et leurs sentiments, sans jamais chercher à les surligner. De cette pudeur évidente découle une émotion ténue, suggérée, au point qu’elle échappera sans doute à une vision pas suffisamment attentive.
Car c’est au spectateur de la deviner à travers des mouvements en apparence anodins – à l’image de cette scène où un couple, dont on sait qu’il n’en est plus un, effectue mécaniquement le rituel des cadeaux de Noël. Les enfants sont hors champ, tout comme les beaux parents. On distingue l’homme placer discrètement les cadeaux sous le sapin, on voit la femme lui en tendre un autre à l’aveugle. Les gestes sont précis : ils ont été accomplis plusieurs fois, dans des contextes similaires. A ceci près que rien ne sera plus jamais pareil, ni tout à fait différent ; et si Radu Muntean parvient à capter ces nuances, c’est en grande partie grâce à la patience et à la discrétion de sa mise en scène. La caméra, qu’on agite parfois un peu vainement pour impressionner le public, semble ici simplement se poser, là où il faut, et attendre. En d’autres termes, Muntean ne fait pas de bruit : il écoute ses acteurs, et c’est une démarche qui fait défaut à bien des films.
Elle est ici d’autant plus fructueuse que les comédiens, et en particulier le trio constitué de Mimi Brănescu, Maria Popistașu, Mirela Oprisor, livrent chacun une composition précise, qui contribue grandement à la justesse tonale du film.
Mardi, après Noël est un film maîtrisé, qui convaincra par sa sobriété ou ennuiera pour les mêmes raisons. On pourra, en tous cas, difficilement nier sa cohérence formelle.
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