Film de Molly Manning Walker
Année de sortie : 2023
Scénario : Molly Manning Walker
Photographie : Nicolas Canniccioni
Montage : Fin Oates
Avec : Mia McKenna-Bruce, Lara Peake, Shaun Thomas, Samuel Bottomley, Enva Lewis, Laura Ambler
Le premier long métrage de la britannique Molly Manning Walker, dont la première s’est déroulée à Cannes en 2023 dans la section Un Certain regard, traite avec justesse d’un sujet délicat et important.
Synopsis du film
Tara (Mia McKenna), Skye (Lara Peake) et Em (Enva Lewis) fêtent la fin du lycée sur une île grecque. Au programme : drague et beuveries. Tara espère avoir sa première expérience sexuelle, et ses deux copines l’y encouragent vivement.
Les trois complices rencontrent un groupe de jeunes qui logent dans le même hôtel qu’eux. Tara se rapproche du sympathique Badger (Shaun Thomas), mais Paddy (Samuel Bottomley), l’ami de ce dernier, s’intéresse également, de loin, à la jeune femme.
Critique de How to Have Sex
Au moment où j’écris ces lignes, le film Le Consentement, adapté du livre autobiographique de Vanessa Springora, passe dans les salles obscures en France, et la thématique qu’il aborde (citée dans son titre) est abordée régulièrement dans des émissions et des fictions, en particulier depuis 2017 (naissance du #MeToo). D’une manière tout à fait différente (il ne s’agit nullement, ici, de l’emprise toxique d’un vieil écrivain pervers sur une jeune mineure), How to Have Sex propose également une réflexion sur la notion de consentement.
Le film commence comme beaucoup d’autres : un trio d’amies fête la fin du lycée par un voyage sur une île grecque ensoleillée, et c’est ensuite un enchaînement de fêtes alcoolisées, de lendemains matins laborieux, d’enceintes poussées à fond et de jeux plus ou moins stupides, tout ça dans un environnement touristique d’une totale superficialité (on pense un peu à Spring Breakers). Ces trois jeunes filles sont néanmoins tout à fait sympathiques, et bien écrites : dans How to Have Sex, les personnages sonnent juste et les comédiens, pour la plupart en tout début de carrière, contribuent, par leur jeu, à cette impression de crédibilité. Notons également que le scénario évite une approche manichéenne, dans sa peinture des personnages masculins notamment (un seul d’entre eux est vraiment un sale type), et qu’il a aussi l’intelligence de mettre en scène l’homosexualité féminine sans que cela soit un sujet en soi (c’est montré comme quelque chose de tout à fait banal et pour cause, ça l’est !).
J’ai réalisé la pression et les injonctions que nous subissions très jeunes par rapport au sexe
, a déclaré la réalisatrice dans une interview en évoquant son adolescence et celle de ses proches. Cette pression est clairement l’axe principal du film. Dès le début, on sait que Tara souhaite profiter de ses vacances pour perdre sa virginité, sous les encouragements de ses deux copines. C’est bienveillant de leur part, mais c’est déjà un problème en soi : cette sorte d’injonction sourde, d’objectif arbitraire n’est évidemment pas la meilleure façon de débuter sa vie sexuelle.
On dit souvent, pour sensibiliser à la notion de consentement, qu’un non ne veut jamais dire oui (c’est curieux d’avoir à expliquer cela, d’ailleurs). Le truc, c’est qu’un oui ne veut pas forcément dire oui non plus. Un grand nombre de facteurs distincts peuvent en effet pousser une personne à prononcer ce mot en dehors de sa volonté propre, de son désir véritable. How to Have Sex illustre très bien cela, tout comme il décrit bien l’après
. Les silences, les non-dits, la fête qui continue malgré tout, l’aveu d’autant plus difficile à faire qu’on se souvient d’avoir dit oui. La composition remarquable de Mia McKenna Bruce, et sa présence assez particulière (qui allie légèreté avec une forme de tristesse rentrée), y est pour beaucoup dans la force étouffée que dégage le film.
On a envie de secouer tout le monde à l’écran et en même temps, on songe après coup qu’au même âge, dans les mêmes conditions, on n’aurait sans doute pas vu grand-chose non plus, l’alcool et le manque d’expérience brouillant volontiers les radars. How to Have Sex a précisément pour but d’aider (les jeunes en particulier) à voir. C’est à la fois l’un de ses intérêts et aussi sa limite : s’il est bien davantage qu’un téléfilm bourré de bonnes intentions, grâce à son écriture subtile et à ses qualités esthétiques, le film ne fournit pas une matière très dense au spectateur, du fait d’un aspect pédagogique des plus louables mais qui le cantonne en partie à une fonction éducative, d’ailleurs assumée par son titre. Cependant il y a, dans ce que propose l’actrice principale et dans la façon dont Molly Manning Walker la cadre, une sorte de grâce triste, blessée, qui interpelle et qui émeut. Pour cette raison entre autres, How to Have Sex mérite le détour.
How to Have Sex, parfaitement maîtrisé mais un peu limité dans sa portée par sa vocation pédagogique, transcende par moments ce statut grâce au regard égaré de Mia McKenna-Bruce et à celui que la réalisatrice pose sur cette talentueuse comédienne. Et il faut souligner que le film aborde d'une manière pas si fréquente la question du consentement, illustrant habilement le cas d'un "oui" qui n'en est pas un.
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