Film de Costa-Gavras
Année de sortie : 1965
Pays : France
Scénario : Costa-Gavras, d’après le roman éponyme de Sébastien Japrisot
Photographie : Jean Tournier
Montage : Christian Gaudin
Musique : Michel Magne
Avec : Jacques Perrin, Catherine Allégret, Yves Montand, Michel Piccoli, Simone Signoret, Charles Denner, Jean-Louis Trintignant, Pierre Mondy, Bernadette Lafont
Le premier long métrage de Costa-Gavras, s’il diffère grandement du type de films qui le rendront célèbre, est un whodunit ludique et virtuose qui se déguste avec jubilation.
Synopsis du film
Une femme est retrouvée morte dans une voiture-couchette d’un train Marseille-Paris. L’inspecteur Grazziani (Yves Montand) commence par rechercher tous les passagers qui se trouvaient dans le même compartiment que la victime, pour les interroger un par un. Le problème, c’est qu’il ne semble pas être le seul à s’intéresser à eux…
Critique de Compartiment tueurs
Compartiment tueurs est le premier long métrage du cinéaste franco-grec Costa-Gavras, alors âgé de 32 ans, et qui avait au préalable fait ses armes en qualité d’assistant à la mise en scène auprès de René Clément, Henri Verneuil ou encore Jacques Demy et Jean Becker.

Bien qu’il rencontrât un grand succès commercial (et critique) en France à l’époque de sa sortie (1965), c’est un film dont on parle aujourd’hui assez peu et qui est rarement diffusé. Il n’est pas très représentatif du cinéma – très politique et proche d’un style documentaire – que Costa Gravras proposera ensuite, ni de la Nouvelle vague française qui battait alors son plein, bien que de par son jeune âge d’alors, Gavras appartenait à la même génération que les Godard, Truffaut et cie. Il s’agit d’un polar très écrit, à l’influence américaine évidente, à la fois classique dans son approche et moderne de par certains aspects de sa réalisation.

Mais le terme qui me semble ici le plus approprié est ludique. Basé sur le premier roman de Sébastien Japrisot, nom de plume de l’écrivain Jean-Baptiste Rossi, Compartiment tueurs aborde le genre policier de façon décomplexée, s’amusant avec les codes du whodunit (avec parfois de l’humour mais sans jamais donner dans la parodie) et assumant du début à la fin l’aspect profondément divertissant de ce type de récit.

La narration est nerveuse, resserrée autour de l’intrigue principale et emmenée par une réalisation extrêmement astucieuse et inventive (on notera de nombreux angles de caméra sophistiqués) et par un montage ultra dynamique, qui nous emmène d’une scène à l’autre sans guère laisser de temps à la réflexion et à l’introspection. Il y a presque un côté bande dessinée dans le découpage du film.

Ce souci évident de l’efficacité n’empêche pas Gavras de soigner la caractérisation des différents personnages : ils ont chacun ce qu’il faut de consistance et de personnalité, qu’il s’agisse de l’inspecteur incarné par Yves Montand (grande classe), de son supérieur sympathique mais agaçant et trop sûr de lui (Pierre Mondy), ou encore de tous les occupants du fameux compartiment auquel se réfère le titre du film. On ressent ici la structure littéraire du script, avec un côté très « chapitré », chaque personnage ayant droit à sa séquence d’exposition, parfois accompagnée d’une voix-off nous révélant ses pensées intimes.

Ce qui frappe par ailleurs à la vision de Compartiment tueurs, c’est le sens du détail. Presque chaque séquence, riche en idées de cadrages, de mise en scène et de jeu d’acteur, comporte des détails significatifs ou simplement efficaces, parfois drôles, qui maintiennent l’attention et le plaisir du public. On sent que le réalisateur a laissé très peu de place au hasard et à l’improvisation : le film paraît minuté, réglé à la seconde près.

Il faut dire que le récit, fort bien huilé mais tiré par les cheveux, exigeait de la rigueur et de la précision pour pouvoir embarquer le spectateur, et Gavras a su témoigner de ces qualités de façon constante en les conjuguant, qui plus est, avec une indéniable créativité. Dans les séquences d’assassinat notamment, il signe des plans qui font songer, avec dix ans d’avance, aux thrillers baroques de Brian De Palma !

Un casting cinq étoiles (Montand, Signoret, Piccoli, Perrin, Trintignant, Denner, Mondy, Catherine Allégret…) achève de faire admirablement bien fonctionner l’ensemble. Pour toutes ces raisons, ce compartiment tueurs
se situe, de toute évidence, en première classe (pardon, c’était un peu facile).
Compartiment tueurs est un polar stylisé et visuellement inventif, dont le rythme emmené et le remarquable casting procurent au spectateur un vif plaisir de vision.
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