Film de Larry Cohen
Titre original : God Told Me To
Année de sortie : 1975
Pays : États-Unis
Scénario : Larry Cohen
Photographie : Paul Glickman
Montage : Michael D. Corey, Chris Lebenzon, Arthur Mandelberg et William J. Waters
Musique : Frank Cordell
Avec : Tony Lo Bianco, Sandy Dennis, Sylvia Sidney.
Logan : Cure a man, and you will impress a few people who already believe. Kill a multitude, and you can convince a nation.
God Told Me To (Meurtres sous contrôle), projeté à la dernière édition de l’Étrange Festival, est un polar fantastique livrant une critique féroce de la religion et plus généralement, d’une soumission trop aveugle de l’individu à une autorité supérieure. Une œuvre originale et pertinente.
Synopsis de Meurtres sous contrôle (God told me to)
L’inspecteur Nicholas (Tony Lo Bianco) enquête sur une série d’exécutions sans mobile apparent dans la ville de New York, dont les différents auteurs prétendent tous avoir agi à la demande de dieu (god told me to). Détail étrange, la précision remarquable dont font preuve les meurtriers, pourtant non experts en armes à feu.
Catholique très pratiquant, Nicholas va plonger corps et âme dans cette affaire troublante…
Critique du film
Du polar urbain au cinéma fantastique
Les premières images de Meurtres sous contrôle (God told me to) nous plongent dans un polar typique des années 70 : New York est filmé caméra à l’épaule, le montage est rapide et nerveux, les scènes de tuerie d’une violence sèche. On pense au Martin Scorsese période Mean Streets, ou encore à Sam Peckinpah quand les corps criblés de balle tombent au ralenti durant la séquence du défilé.

Tony Lo Bianco
Mais rapidement, le film emprunte un chemin sinueux, déroutant, pour devenir une œuvre assez inclassable et troublante. À l’image de ce policier atypique (très bien interprété par Tony Lo Bianco) qui se rend tous les jours à l’église (en cachette), et de cette affaire de meurtres dont on comprend rapidement qu’elle n’a pas d’explication purement rationnelle. Dès lors, ce qui ressemblait à un énième polar urbain bascule dans le registre du fantastique, tandis que le scénario articule peu à peu une critique acerbe de la religion (ou du moins, de certains de ses aspects).
Une critique de l’emprise religieuse (et politique)
Meurtres sous contrôle débute sur la phrase suivante : Au cours de l’histoire, l’homme primitif a toujours pris pour des dieux les forces supérieures auxquelles il était confronté. Cela est arrivé une fois de plus de nos jours, dans une ville appelée New York
. D’emblée, le film s’annonce donc comme une réflexion sur le rapport entre les individus et le dieu qu’ils vénèrent. Rapport basé en grande partie sur la peur, toujours selon le film ; la peur de la mort, de la destruction, de la punition divine, qu’exploite la religion pour exercer son pouvoir. Une réplique du film est très claire sur ce point : Le Seigneur nous a toujours discipliné par la peur. Guérir un homme impressionne quelques croyants. En tuer une multitude peut convaincre une nation.

« God » écrit avec du sang… tout un symbole!
Larry Cohen s’en prend donc aux sectes mais plus généralement aux religions qui sont potentiellement (c’est en tous cas ce qui ressort du film, l’opinion réelle de l’auteur pouvant être plus nuancée) des fausses pistes (All my life I felt so close to God. But it wasn’t him after all
, lance l’inspecteur Thomas à son ex-femme et à sa petite amie). C’est donc dans notre propre humanité, si imparfaite soit-elle (le film montre des policiers corrompus, des maquereaux), qu’il faut chercher des réponses, sans chercher à être guidé par une autorité dite supérieure, qu’elle soit religieuse ou politique (la frontière entre ces deux sphères est d’ailleurs assez poreuse aux États-Unis).
Pour illustrer ce propos, Larry Cohen part d’une idée simple : et si dieu était un assassin impitoyable, indifférent à la vie humaine ? On comprend ici que sa réflexion dépasse le seul champ de la religion : à partir du moment où l’homme confie à une personne humaine, ou en l’occurrence à une figure mystique, le soin d’apaiser ses doutes et ses angoisses existentielles, il perd le contrôle de son destin et sa volonté s’évapore peu à peu. Nicholas tentera de s’émanciper de cette tentation, en agissant selon ses convictions personnelles ; sa dernière réplique est, de fait, totalement ironique.
Œuvre atypique aussi bien au niveau de son atmosphère que de son propos, très critiqué aux USA à l'époque, Meurtres sous contrôle (God Told Me To) a offert au comédien Tony Lo Bianco l'un de ses meilleurs rôles et mérite largement d'être découvert. Ce film a d'ailleurs obtenu le Prix spécial du Jury au Festival d'Avoriaz en 1977.
Un commentaire
Cohen possède quelque chose, dans sa pauvreté de moyens, dans sa troupe d’acteurs, dans son originalité thématique, qui le rapproche de Cassavetes. Je vous recommande ses commentaires audio de la série du « Monstre », spontanés et dépourvus de toute langue de bois.