Film de Doug Liman
Année de sortie : 1999
Pays : Etats-Unis
Scénario : John August
Photographie : Doug Liman
Montage : Stephen Mirrione
Avec : William Fichtner, Katie Holmes, Jay Mohr, Sarah Polley, Scott Wolf, J. E. Freeman, Breckin Meyer, Timothy Olyphant, Nathan Bexton, Desmond Askew, Jimmy Shubert, Taye Diggs
Adam: Is it safe to have a radio attached to my balls like this?
Adam (Scott Wolf) dans Go, de Doug Liman
Drôle et parfaitement bien emmené, Go est aussi un film synthèse, tant il porte en lui des motifs typiques du cinéma des années 1990.
Synopsis du film
Ronna (Sarah Polley) travaille comme caissière dans un supermarché. Menacée d’expulsion, elle décide de profiter de l’absence de son collègue Simon (Desmond Askew), parti faire la bringue à Las Vegas, pour faire un deal d’ecstasy à sa place.
Ce qu’elle ignore, c’est que la police surveille de près les activités de Simon et surtout celles de son dealer, Todd (Timothy Oliphant). La situation devient rapidement tendue…
Critique de Go
Devenu culte aux États-Unis mais finalement, du moins me semble-t-il, assez peu connu en France, Go est un film dont l’énergie indéniable n’est sans doute pas sans rapport avec le fait que derrière comme devant la caméra, une bonne partie des personnes qui ont collaboré à ce film se trouvaient plutôt au début, voire au tout début de leur carrière et qu’ils étaient, pour certains en tout cas, relativement jeunes.
Prenons le scénariste, John August. Il n’a pas encore trente ans quand il écrit Go et il s’agit de son premier scénario (porté à l’écran) si on excepte celui du court métrage God (il aimait bien les titres courts, visiblement) réalisé par lui-même un an avant la sortie de Go. De son côté, Doug Liman, d’environ cinq ans son aîné, n’a réalisé que deux longs métrages dont le confidentiel (en dépit d’un casting 4 étoiles, surtout d’un point de vue rétrospectif) Getting In (1994) et le nettement plus connu Swingers (1996), avec Heather Graham et un tout jeune Vince Vaughn. Quant au casting, il comprend une Katie Holmes qui venait tout juste d’être révélée par la série Dawson et qui avait tenu un petit rôle dans l’excellent Ice Storm (1997) ainsi que l’un des rôles principaux du plus discutable (mais non dénué de charme) Comportements troublants (1998).
La canadienne Sarah Polley, malgré son jeune âge à l’époque (vingt ans à peine), avait déjà une riche filmographie, ayant tourné enfant dans Le Baron de Munchausen puis, adolescente, dans le remarquable Exotica (1994), peut-être le meilleur film d’Atom Egoyan. Jay Mohr avait de son côté débuté sa carrière trois ans plus tôt, à un rythme soutenu puisque Go lui offrait déjà son dixième rôle (on avait pu le voir avant, entre autres, dans Jerry Maguire et Small Soldiers). Timothy Olyphant, actif depuis 1996, venait quant à lui de tenir un rôle secondaire dans Scream 2 (beaucoup plus récemment, on l’a vu dans Once Upon a Time in Hollywood ; je le souligne car il sera bientôt question de Tarantino dans cette chronique). Le quelque plus âgé William Fichtner (née en 56) avait tourné dans des « gros » films des nineties puisqu’il est au casting de Strange Days (1995), Heat (1995), Albino Alligator (1996), Contact (1997) et Armageddon (1998). Citons la présence de l’acteur James Duval, qui deux ans plus tard campera le fameux Frank dans le culte Donnie Darko (2001), incontournable film des années 2000 ; celle du britannique Desmond Askew, qui sera au casting du remake de La Colline a des yeux par Aja et de Turistas ; de Nathan Bexton, à l’affiche en 2000 de Psycho beach Party ; et de Taye Diggs, qui tournera sous la direction de Christopher McQuarrie et John McTiernan.
Il y a des films qu’on a du mal à décrire, mais Go ne fait pas partie de ceux-là. Non qu’il ne soit pas original, au contraire, mais on peut aisément citer les influences, les styles dont il est composé – c’est finalement dans sa façon de les mélanger qu’il devient un objet pop finalement assez unique. Ainsi, la structure narrative découpée en segments dédiés à différents personnages rappelle celle de Pulp Fiction (1994), oeuvre phare de la décennie 90, au même titre que certains motifs du récit (la drogue ; les embrouilles ; etc.), tandis que l’âge des protagonistes (la petite vingtaine pour la plupart) et un côté potache évoquent plutôt l’univers du teen movie (genre très actif dans les 1990s). D’ailleurs, un journaliste à l’époque a parlé de junior Pulp Fiction
pour décrire Go, et même si c’était péjoratif dans le contexte de sa critique (négative), la formule n’est pas mal trouvée, bien que réductrice. Quant à la séquence qui se déroule à Las Vegas, elle préfigure Very Bad Trip (The Hangover, 2009) avec 10 ans d’avance. L’humour, noir parfois, toujours acide, évoque Tarantino mais aussi Boyle (pour son Petits meurtres entre amis) tandis que le trip sous acide (hilarant) de Manny (Nathan Bexton) peut faire songer aux délires (volontiers plus glauques, ceci dit) filmés par Terry Gilliam dans Las Vegas Parano, un an auparavant (pas sûr ceci dit qu’August n’avait pas écrit le scénario de Go avant la sortie du film de Gilliam).
Go est donc un pur objet de cinéma des années 1990, référencé mais inspiré, son scénariste et réalisateur ayant intégré des ingrédients issus d’autres films tout en étant parvenus à les mélanger d’une façon inédite. La musique constitue une playlist qui rendra nostalgique celles et ceux qui ont vécue les nineties (on y entend No Doubt, Natalia Imbruglia, Fatboy Slim, Eagle-Eye Cherry, Air, Lenny Kravitz et même la fameuse Macarena, qui rythme une hilarante scène d’hallucination dans un supermarché), tandis que le film dans son ensemble dégage une énergie grisante, que l’on doit non pas seulement à la BO mais aussi et surtout à un récit malin (rempli de bonnes idées), à un découpage millimétré (le montage est signé Stephen Mirrione, fréquent collaborateur de Steven Soderbergh) et à une réalisation maîtrisée (Liman, également chef opérateur ici, sait tenir une caméra ; il le prouvera à nouveau dans des films d’action ou de science-fiction comme La Mémoire dans la peau ou Edge of Tomorrow).
Le casting y est aussi pour beaucoup dans le charme émanant de Go, chaque comédien livrant une composition à la hauteur de la qualité d’écriture de leur personnage respectif, car c’est là une autre qualité à souligner : une caractérisation habile des différents personnages, même les plus secondaires. On notera notamment une Sarah Polley à la fois attachante et un peu bad ass, dont le personnage de jeune femme fauchée, menacée de se retrouver à la rue, traduit une pointe de réalisme social tout à fait pertinent et bienvenu.
En somme, Go est un petit joyau de son époque, qui n’a pas vieilli car dans le fond, on a le sentiment qu’il a souvent été mal imité, par des réalisateurs et producteurs ayant repris des éléments présents dans le film mais sans réussir à les utiliser avec autant de talent et de fraîcheur.
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Comme le suggère son titre, Go est une comédie noire qui avance vite et bien, au rythme d'une bande son délicieusement évocatrice et d'un récit habilement construit, filmé et interprété. C'est aussi une œuvre à la saveur proustienne, qui cristallise tout un pan de la pop culture des années 1990, un an avant le début du troisième millénaire.
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