Film d’Alexander Payne
Année de sortie : 2023
Pays : États-Unis
Titre original : The Holdovers
Scénario : David Hemingson
Photographie : Eigil Bryld
Montage : Kevin Tent
Musique : Mark Orton
Avec : Paul Giamatti, Dominic Sessa, Da’Vine Joy Randolph
Winter Break est un film taillé pour réchauffer les cœurs en hiver (le Daniel Auteuil du film de Téchiné y serait toutefois sans doute insensible), suffisamment délicat pour ne pas être sirupeux.
Synopsis du film
Début des années 70, dans le Massachusetts (Nouvelle Angleterre). Paul Hunham (Paul Giamatti) enseigne au sein de l’université de Barton, où il a lui-même étudié. Ses méthodes sont strictes, il loue le travail et le mérite, refusant notamment de bien noter un étudiant déplorable sous prétexte qu’il est le rejeton d’un riche donateur.
Célibataire endurci volontiers râleur et négatif, il n’est pas franchement ravi d’apprendre qu’il va devoir encadrer, pendant les vacances de noël, cinq étudiants qui n’ont pu rejoindre leur famille pour des raisons diverses. Parmi eux se trouve un certain Angus Tully (Dominic Sessa), intelligent mais tourmenté et pas toujours commode.
Avec Mary Lamb (Da’Vine Joy Randolph), la cuisinière du campus qui vient de perdre son fils au Vietnam, Paul et Angus vont former un trio bancal, parfois électrique, au sein duquel les sentiments et drames personnels de chacun vont finir par s’exprimer.
Critique de Winter Break
Même si Alexander Payne n’a pas écrit Winter Break (le scénario est de David Hemingson), il paraît évident, dès les premiers instants du film, qu’il s’agit d’une œuvre personnelle, à laquelle le cinéaste s’identifie fortement (en particulier au protagoniste). Pour preuve, le générique de début s’arrête sur le plan d’une chaise vide, où s’inscrit la mention finale (l’incontournable Directed by…), or cette place est censée être occupée par le personnage de Paul Hunham, joué par Paul Giamatti. Autre indice : l’acteur et le réalisateur sont nés au cours de la même décennie (1967 pour Giamatti, 1961 pour Payne).
L’action se déroule au début des années 1970 (on n’apprend l’année exacte qu’à la fin du film, mais les références au Vietnam, la musique qu’on entend – hors bande originale – et les looks vestimentaires sont des marqueurs temporels forts), et l’esthétique même du film est ancrée dans cette décennie. En premier lieu, Winter Break est tourné en numérique mais avec un effet pellicule bien visible, ensuite la photographie du danois Eigil Bryld, qui restitue très bien l’atmosphère hivernale du film, apporte à ce dernier un cachet visuel similaire à un long métrage qui aurait été tourné à cette époque. La narration et le rythme, même, sont d’une facture classique ; en somme tout est fait pour que Winter Break soit une sorte de cocon cinématographique particulièrement douillet si on apprécie le cinéma américain des seventies, reconnu pour sa qualité (c’est la grande époque du Nouvel Hollywood), sauf si l’on n’est attaché qu’à ses pages les plus politiques et corrosives.
Car aucun de ces termes, et plus particulièrement le second, ne convient à Winter Break, comédie dramatique douce-amère et volontairement inoffensive, où il s’agit avant tout de décrire des personnages confrontés à la solitude, au deuil, au temps qui passe, mais qui trouveront néanmoins un peu de chaleur et de réconfort le temps d’un noël contrarié. On retrouve une réflexion classique dans les récits se déroulant au sein des universités américaines (voir le roman Charlotte Simmons de Tom Wolfe), c’est-à-dire une défense du savoir et de la culture et l’idée forte du mérite individuel, indépendamment de la classe, en opposition à tout favoritisme social (régulièrement, Paul Dunham renvoie ses étudiants à leur statut de privilégié, tout en louant les efforts de la classe populaire, incarnée dans le film par la cuisinière noire jouée par Da’Vine Joy Randolph). Je disais que Winter Break n’était pas politique mais c’est en partie faux, le scénario faisant par petites touches le constat d’une société inégalitaire, où l’Afro-Américain pauvre a davantage de risques de se retrouver dans la jungle vietnamienne que le blanc aisé.
Le récit suit une progression conventionnelle, ce qui n’est en rien une critique : exposition des personnages, d’abord le plus souvent en conflit ; rapprochements, puis nouveaux conflits ou difficultés ; révélations sur leur histoire personnelle ; conclusion émouvante… Le scénario de Hemingson est aussi solide et prévisible qu’une vieille maison résistant à l’humidité, dotée d’une cheminée réconfortante. Mais prévisible ne veut pas dire ennuyeux : quand c’est bien joué, filmé, raconté et que le réalisateur, et ses comédiens, y mettent du cœur, et bien cela se regarde avec plaisir, quand bien même les idées intéressantes et singulières ne sont pas légion ici. D’ailleurs, le sujet même du film appelle cette facture classique : le titre original est The Holdovers, or holdover (littéralement, restes
) semble être une expression pour désigner celles et ceux qui restent travailler dans des bureaux où la plupart des autres employés ont changé au fil des années. Winter Break est donc aussi un film sur l’habitude, sur la constance, qui sont à la fois confortables et piégeuses (doux-amer, vous disais-je). Un peu long, peut-être (2h10), par rapport aux enjeux modestes du récit mais un joli film néanmoins, une sorte de pull en laine cinématographique qui ne gratte pas.
Quand on boit un thé chaud en décembre, on n'est pas surpris mais c'est agréable. De même, Winter Break remplit les promesses de sa bande annonce, celle d'un film esthétiquement et narrativement ancré dans une décennie sans doute chère au réalisateur (celle de son adolescence, et aussi celle du Nouvel Hollywood), film dont les valeurs humanistes et bienveillantes s'articulent dans un récit conventionnel mais bien ouvragé. Et côté casting, c'est un sans fautes, y compris en ce qui concerne le tout jeune Dominic Sessa, qu'on devrait bientôt revoir à l'écran.
Un commentaire
J’ai toujours eu un faible pour les films dont l’histoire se déroule dans les années 70/80. Hormis cet aspect, Winter Break est une comédie touchante, drôle et remplie de surprises.