Film d’Alfonso Gomez-Rejon
Année de sortie : 2015
Pays : États-Unis
Titre original : Me and Earl and the Dying Girl
Scénario : Jesse Andrews, d’après son roman Me and Earl and the Dying Girl
Photographie : Chung-hoon Chung
Montage : David Trachtenberg
Musique : Brian Eno, Nico Muhly
Avec : Thomas Mann, Olivia Cooke, RJ Cyler, Nick Offerman, Molly Shannon, Jon Bernthal, Connie Britton
Second film comme réalisateur d’Alfonso Gomez-Rejon, This Is Not a Love Story (Me and Earl and the Dying Girl) est une touchante histoire d’amitié, doublée d’un bel hommage au cinéma.
Synopsis de This Is Not a Love Story
Greg Gaines (Thomas Mann) entame sa dernière année au lycée de Schenley, à Pittsburgh. Désinvolte, flegmatique, peu sûr de lui et solitaire, Greg n’a qu’un seul véritable ami : Earl (Ronald Cyler II), avec lequel il tourne depuis des années des vidéos en hommage à leurs films préférés.
Un jour, les parents de Greg lui apprennent que Rachel Kushner (Olivia Cooke), qui est dans la même école et que Greg connaît vaguement, est atteinte de leucémie. Sa mère insiste pour qu’il rende visite à la jeune fille…
Critique du film
On pourrait dire de This Is Not a Love Story (on se demande pourquoi le film n’a pas conservé son titre anglais original en traversant l’Atlantique – à savoir Me and Earl and the Dying Girl) qu’il s’agit d’un pur produit
Sundance, le prestigieux festival dédié au cinéma indépendant américain, où il a d’ailleurs remporté – en 2015 – le Grand Prix du Jury. On trouve en effet ici quelques ingrédients (très) souvent présents dans les comédies dramatiques projetées au Festival du film de Sundance, par exemple au niveau de la typologie des personnages. Le protagoniste, Greg Gaines, est un lycéen mal dans sa peau, vaguement loser sur les bords (au milieu, comme qui dirait), à l’humour décalé et plus cultivé que la moyenne, de ceux que l’on croise souvent dans les teen movie indépendants américains. Mais sans être totalement fausse à certains égards, la formule produit Sundance
ne rend pas justice à un film dont la sincérité est assez évidente, et qui est suffisamment bien écrit, joué et filmé pour ne pas sentir la recette, et dégager une authentique émotion. Et c’est bien là le principal – il n’y a pas de mal à utiliser de bonnes vieilles ficelles, tant qu’on le fait avec suffisamment de doigté et de sensibilité.
Le film est basé sur le tout premier roman du jeune écrivain Jesse Andrews, Me and Earl and the Dying Girl – c’est d’ailleurs Andrews lui-même qui s’est chargé d’écrire l’adaptation pour le cinéma. L’histoire est simple : un adolescent est forcé par sa mère à tenir compagnie à une fille de son âge, qu’il connaît à peine, du fait qu’elle est gravement malade. Sujet délicat (propice au mélo), que le scénariste est parvenu à traiter en préservant un équilibre entre légèreté et gravité, d’où une justesse de ton que This Is Not a Love Story maintient constamment – à part peut-être dans une conclusion un poil trop longue et insistante. Les jeunes comédiens qui incarnent le trio central du film – celui que désigne le titre original -, à savoir Thomas Mann (repéré notamment dans Projet X), Olivia Cooke (vue dans The Signal et le film d’horreur The Quiet Ones) et Ronald Cyler II livrent chacun une partition sans fausse note, rendant leurs personnages attachants, et donnant vie aux relations qui les unissent. Si tous trois sont donc excellents, on notera en particulier la composition d’Olivia Cooke qui parvient à émouvoir avec sobriété, sans jamais trop en faire ; et même dans les séquences où elle ne parle pour ainsi dire pas, son jeu minimaliste capte toujours la bonne expression.
L’une des bonnes idées de Jesse Andrews est d’avoir glissé au cœur du récit un vibrant hommage au 7ème art. Car Greg et Earl tournent des films amateurs qui sont autant de détournements de leurs films favoris, et la liste est prestigieuse : Citizen Kane, Eyes Wide Shut, Les 400 coups, A bout de souffle (notons au passage que la Nouvelle Vague a particulièrement la cote auprès des cinéastes indépendants américains), Rosemary’s baby, Huit et demi, Le Troisième homme, Les Chaussons rouges, Autopsie d’un meurtre, Sueurs froides, Blue Velvet, Ne vous retournez pas, Le Septième Sceau, Le Voyeur, Mean Streets, Mort à Venise, Le Salaire de la peur, etc. Dans l’amitié qui unit les deux adolescents, le cinéma a une fonction sociale – il rapproche deux enfants issus de milieux totalement différents (Greg vient de la classe moyenne ; la famille d’Earl est plus défavorisée) mais qui aiment les mêmes films. Et quand ils décident de montrer leurs œuvres à Rachel, puis de tourner un film spécialement pour elle, le cinéma incarne alors le rêve, l’évasion, permettant à la malade d’oublier pendant quelques instants sa difficile condition.
Le réalisateur Alfonso Gomez-Rejon, dont This Is Not a Love Story est le deuxième film (il a signé auparavant The Town That Dreaded Sundown, une suite du film d’horreur du même nom sorti en 1976 ; il a également tourné plusieurs épisodes de l’anthologie American Horror Story), livre donc ici un film plein d’humanité tout en exprimant un amour du (bon) cinéma qui devrait toucher – entre autres – la plupart des cinéphiles. Sans compter que la photographie de Chung-hoon Chung, brillant chef opérateur coréen qui a travaillé notamment sur le Old Boy de Park Chan-wook, ainsi que l’excellente bande originale signée Brian Eno (le célèbre compositeur anglais, l’un des pionniers de l’Ambient) et Nico Muhly, compositeur de musique contemporaine, servent délicatement l’histoire du film, l’un par des jeux de lumière raffinés, les autres par des notes aériennes et mélancoliques.
This Is Not a Love Story (Me and Earl and the Dying Girl) est un joli film, où l'empathie envers les personnages et la passion du cinéma sont palpables. Les trois principaux comédiens devraient trouver, à l'avenir, des rôles à la mesure de leur talent.
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