Film de M. Night Shyamalan
Année de sortie : 2016
Pays : États-Unis
Scénario : M. Night Shyamalan
Photographie : Mike Gioulakis
Montage : Luke Franco Ciarrocchi
Musique : West Dylan Thordson
Avec : James McAvoy, Anya Taylor-Joy, Betty Buckley, Haley Lu Richardson, Jessica Sula, Brad William Henke, Sebastian Arcelus
À partir d’un point de départ rocambolesque, M. Night Shyamalan convainc grâce à des procédés d’écriture efficaces et à de bons comédiens, James McAvoy et Anya Taylor-Joy en tête.
Synopsis du film
Claire (Haley Lu Richardson), Marcia (Jessica Sula) et Casey (Anya Taylor-Joy), trois adolescentes, sont kidnappées par un inconnu (James McAvoy) sur le parking d’un restaurant. Ce dernier souffre de sévères troubles de l’identité, comme le réalisent rapidement les jeunes filles face aux radicaux changements vestimentaires et comportementaux dont témoigne leur ravisseur.
Son analyste, le dr. Karen Fletcher (Betty Buckley), s’intéresse tout particulièrement à ce cas exceptionnel sur le plan psychiatrique. Mais elle est loin d’imaginer que son patient est désormais contrôlé par ses personnalités les plus dangereuses, et qu’il est responsable de l’enlèvement dont on parle à la radio…
Critique de Split
Note : cette critique ne comporte pas de spoilers.
Un cas de trouble de l’identité extrême, mais inspiré d’un fait authentique
Je rappelais à l’occasion de la récente critique de They Look Like People que les pathologies telles que la schizophrénie ou, en l’occurrence, les troubles dissociatifs de l’identité (TDI), inspirent régulièrement les scénaristes de thrillers et films d’épouvante. Psychose (1960), d’Alfred Hitchcock (l’une des références majeures de M. Night Shyamalan), est l’un des exemples les plus célèbres, mais on pourrait en citer une multitude d’autres. Souvent, en particulier dans le cinéma de genre, les « cas » mis en scène sont volontairement extrêmes et radicaux, à des fins spectaculaires.
M. Night Shyamalan n’y va pas de main morte ici, puisque ce ne sont pas deux (cas le plus célèbre au cinéma, et sans doute le plus courant dans la réalité) mais vingt trois personnalités qui cohabitent dans le corps de Kevin Wendell Crumb, le « bad guy » du bien nommé Split. Une idée directement inspirée d’un fait authentique, à savoir le cas surprenant du criminel Billy Milligan (décédé en 2014), lequel aurait – selon le diagnostic des psychiatres – « hébergé » une vingtaine de personnalités distinctes au cours de son existence tourmentée.
L’argument, un peu tape à l’œil, pouvait engendrer un film hystérique et grotesque. Mais voilà, l’écriture habile de l’auteur évite en grande partie ce type d’excès, d’autant plus qu’elle est servie par un numéro d’acteur certes pas toujours des plus subtils (ce qui était d’ailleurs nécessaire, pour marquer rapidement la différence entre chaque personnalité) mais remarquablement bien exécuté par James McAvoy.
Le passé comme source d’une force salvatrice : un élément phare du cinéma de Shyamalan
Si la thématique des troubles de l’identité n’avait jusque-là pas été abordée par M. Night Shyamalan, Split reproduit néanmoins la plupart des schémas narratifs chers à l’auteur de Sixième Sens (1999). Ainsi, de même que Tyler (Ed Oxenbould) se remémore un souvenir de baseball au moment d’affronter une menace bien présente dans The Visit, Casey Cooke – incarnée par la talentueuse Anya Taylor-Joy (vue dans The Witch) – revit également des scènes (douloureuses) de son passé au cours de sa détention. Procédé qui nous éclaire évidemment sur son histoire et sa personnalité, mais surtout qui créé un lien entre l’expérience personnelle du personnage (antérieure à l’action du film) et l’épreuve que celui-ci traverse.
C’est là quelque chose à laquelle M. Night Shyamalan semble particulièrement tenir : montrer comment le vécu de chacun est la source de ses peurs, de ses faiblesses mais aussi de sa force dans l’adversité. Une dimension en un sens initiatique (on apprend de son passé pour gérer une situation présente extrême) qui donne en l’occurrence un certain relief au personnage de Casey.
Anya Taylor-Joy, Haley Lu Richardson et Jessica Sula dans « Split »
Le potentiel et les « pouvoirs » de l’être humain
La manière dont M. Night Shyamalan aborde les troubles de l’identité témoigne d’un intérêt sincère (et probablement de recherches dans ce domaine) comme d’une volonté d’utiliser ce phénomène pour créer avant tout un suspense cinématographique haletant, qu’il orchestre avec précision et ce sens du twist qu’on lui connaît bien désormais.
On retrouve également son intérêt pour le pouvoir, non pas au sens politique, mais au sens physique et psychique du terme (celui que possèdent les super-héros et autres figures de la littérature et de la bande dessinée fantastique). Ce thème était notamment au cœur de son film Incassable (avec un Bruce Willis impeccable en super-héros austère), auquel Shyamalan glisse d’ailleurs ici un clin d’œil cocasse et significatif.
Il faut souligner la capacité du cinéaste à entraîner le spectateur et à le surprendre, en déclinant pourtant les mêmes procédés d’écriture d’un film à l’autre – ce qui est loin d’être évident. Tout cela est donc efficace et rondement mené, avec un juste équilibre de drame, d’humour et d’horreur pure. De fait, si cette machine bien huilée menace parfois de tourner un peu à vide, Split compte tout de même parmi les réussites d’un auteur dont l’œuvre, inégale mais cohérente, s’avère (dans ses meilleurs moments) des plus divertissantes.
Bande-annonce
On retrouve dans Split les thèmes chers à M. Night Shymalan, ainsi que des techniques de narration qu'il maîtrise sur le bout des doigts. Cela fonctionne plutôt bien car, au-delà des effets de style et du caractère un peu outrancier de l'ensemble, l'auteur s'intéresse à ses personnages et porte un véritable regard sur eux. C'est d'ailleurs celui de Casey Cooke qui, en un sens, est le plus intéressant - l'excentrique et effrayant "méchant" valant en partie pour la manière dont il met en lumière les démons, les peurs et les ressources de la jeune héroïne incarnée par Anya Taylor-Joy.
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