Film de Francis Lawrence
Pays : États-Unis
Année de sortie : 2018
Scénario : Justin Haythe, d’après le roman Red Sparrow de Jason Matthews
Photographie : Jo Willems
Montage : Alan Edward Bell
Musique : James Newton Howard
Avec : Jennifer Lawrence, Joel Edgerton, Matthias Schoenaerts, Charlotte Rampling, Mary-Louise Parker, Jeremy Irons
Red Sparrow séduit grâce à une Jennifer Lawrence convaincante et un récit qui a le mérite de prendre son temps, mais déçoit en revanche par son incapacité à éviter, dans sa conclusion notamment, les poncifs et caricatures.
Synopsis du film
De nos jours, en Russie. La célèbre ballerine Dominika Egorova (Jennifer Lawrence) est contrainte d’arrêter sa carrière suite à une grave blessure à la jambe. L’état de santé de sa mère nécessitant des soins réguliers et coûteux, la jeune femme demande l’aide de son oncle Ivan (Matthias Schoenaerts), qui travaille pour les services secrets russes. Ivan lui confie une mission délicate : séduire un homme politique en vue d’obtenir des informations sensibles.
Pour Dominika, c’est le début d’une formation éprouvante, censée faire d’elle une red sparrow – nom donné aux espionnes spécialisées dans la séduction et la manipulation. Sa première cible est Nate Nash (Joel Edgerton), un agent américain qui protège une « taupe » russe qu’Ivan et ses supérieurs cherchent par tous les moyens à démasquer…
Critique de Red Sparrow
Cela commence par une séquence alternant les images d’un ballet et celles d’une poursuite dans les rues de Moscou – le genre de scène que Brian De Palma aurait sans doute filmée avec plaisir. Francis Lawrence – dans un style plus sobre que celui du réalisateur de Blow Out – s’en sort toutefois assez bien, et Red Sparrow bénéficie d’une mise en place réussie, ce qui est une qualité essentielle à tout récit. Cette première phase de l’histoire décrit, plutôt habilement, le background chargé de l’héroïne mais aussi son caractère bien trempé (c’est le moins que l’on puisse dire). Assez classiquement (c’est une structure que l’on retrouve par exemple dans Nikita, mais pas que), on enchaîne ensuite sur la formation douloureuse de la ballerine devenue agent secrète, et là encore, entre une Jennifer Lawrence habitée par son personnage et une Charlotte Rampling très à l’aise dans la peau d’une matrone peu scrupuleuse, Red Sparrow continue sur de bons rails.
Le scénario de Justin Haythe, basé sur un roman écrit par un ancien agent de la CIA (ce qui tendrait à donner au récit une certaine crédibilité, difficile à vérifier bien sûr pour les citoyens lambda que nous sommes), a le mérite d’accorder une place importante à la progression du récit et des personnages, et Red Sparrow épouse ainsi un rythme plutôt lent, les scènes d’action étant aussi brutales que rares. La photographie de Jo Willems (qui a travaillé notamment sur le glacial Hard Candy) et la mise en scène (sans génie mais appliquée) servent plutôt bien le script, et l’on se prend ainsi à songer qu’à défaut d’être en train de visionner un futur classique de l’espionnage, on va néanmoins passer un moment agréable devant un divertissement bien calibré, possédant suffisamment de personnalité et de style pour être un peu plus qu’un énième produit hollywoodien.
Malheureusement, plusieurs éléments du scénario commencent peu à peu à ébranler les fondations sur lesquelles reposait le film dans sa première partie. Alors qu’on s’attend à un récit sans compromis et à une héroïne toute aussi implacable, bien que non dénuée de vulnérabilité (d’ailleurs, l’expression moineau rouge renvoie un peu à ces deux notions), on se retrouve face à des poncifs maladroits (évidemment, l’espionne russe et l’espion américain tombent amoureux) et surtout à une représentation manichéenne (les américains sont réglos ; les russes sont vilains) qui font pâle figure quand on songe à tous ces grands films d’espionnage renvoyant l’image d’un univers trouble, aux repères moraux obscurs et qui se gardaient bien, la plupart du temps, de toute morale patriotique (L’Espion qui venait du froid ; La Lettre du Kremlin ; Le Dossier 51).
Red Sparrow, à l’inverse de ces prestigieuses références, finit par adopter un point de vue politique pas subtil pour deux sous, qui édulcore un récit paradoxalement critiqué, outre Atlantique, pour sa violence et ses scènes de nudité (assez crues en effet, mais le cinéma américain des années 70 l’était souvent bien davantage – le politiquement correct revient en force, malheureusement) alors qu’il est en réalité pétri de conventions. Conventions qui rendent plus fade l’espionne russe incarnée, avec beaucoup de talent, par Jennifer Lawrence (son partenaire Joel Edgerton, qui ne démérite pas, hérite quant à lui d’un personnage transparent). La performance de la comédienne révélée par Hunger Games (dont Francis Lawrence avait réalisé le second volet) méritait mieux que cette conclusion pataude. Avec plus d’audace dans son écriture, Red Sparrow aurait pu être aussi sec, violent et sans concessions que la vengeance accomplie par son héroïne au début du film. Las ! Il se complaît dans un discours convenu, parfois même teinté d’un paternalisme plan-plan. Mais pendant plus d’une heure, on y aura cru – c’est déjà ça…
Bande-annonce
Red Sparrow avait suffisamment d'atouts (une talentueuse et charismatique actrice principale ; un bon sens du récit) pour s'affirmer comme un film d'espionnage mineur mais divertissant et non dénué d'un certain cachet. Malheureusement, le scénariste Justin Haythe retourne des cartes trop grossières à la fin, et on quitte la salle avec une impression de gâchis - qui n'efface certes pas toutes les qualités du film, mais réduit indéniablement leur impact. Le plus ennuyeux est que tout cela est symptomatique d'un cinéma américain de plus en plus ronflant et conformiste, alors qu'il bénéficie de si nombreux talents.
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