Une fois n’est pas coutume, prêtons-nous au rite des « TOP » qui déferlent sur le web et dans la presse écrite tous les 31 décembre, à travers une sélection évidemment subjective, forcément incomplète mais qui peut-être aura le mérite de vous donner envie de découvrir un ou plusieurs des films qui la composent.
N°1 – Certaines femmes, Kelly Reichardt
N’en déplaise à Quentin Tarantino, qui avait listé le très beau western La Dernière piste parmi les pires films de 2011, Kelly Reichardt est l’une des figures majeures du cinéma américain indépendant actuel – et son dernier long métrage, Certaines femmes, a largement confirmé ce statut.
La cinéaste y filme avec délicatesse des fragments de la vie de quatre femmes, superbement incarnées par Laura Dern, Kristen Stewart, Michelle Williams et Lily Gladstone. Certaines femmes est un film qui prend son temps, qui respire, et qui dit plus de choses en un seul plan que bien des films en une heure et demie. On pense à certains grands nouvellistes américains, et d’ailleurs le film est basé sur un recueil de Maile Meloy, qui malheureusement ne semble pas avoir été traduit en France.
N°2 – Nocturnal Animals, Tom Ford
Nous vivons dans un monde superficiel où tout est à disposition et, à la moindre contrariété, au moindre sursaut, les gens capitulent, se quittent
, a déclaré Tom Ford dans une interview donnée à l’occasion de la sortie de son dernier film. Nocturnal Animals illustre ce constat amer à travers un récit remarquablement bien construit et mis en image avec une grande rigueur. Une esthétique sophistiquée, mais qui est avant tout au service d’une histoire et d’une émotion – comme cela devrait toujours être le cas.
N°3 – Colossal, Nacho Vigalondo
Comme tous les autres films de Nacho Vigalondo, Colossal n’est pas sorti dans les salles françaises, et c’est directement en vidéo qu’on a pu découvrir le quatrième long métrage du cinéaste espagnol cet été. La critique n’a pas toujours été tendre et pourtant, ce film est l’image même d’un cinéma fantastique intelligent, personnel, qui se moque des poncifs du genre, des attentes d’un public nourri aux récits formatés et caricaturaux. Ou comment partir d’un pitch de kaiju movie pour livrer au final un film qui échappe à toute étiquette, au même titre que le remarquable Personal Shopper d’Assayas (qui à quelques jours près – il est sorti en décembre 2017 – aurait bien évidemment intégré ce TOP cinéma 2018). Deux films qui livrent, chacun à leur manière, de saisissants portraits de femme. Anne Hathaway est d’ailleurs excellente dans Colossal.
N°4 – The Endless, Justin Benson et Aaron Moorhead
Encore un film qui ne retiendra probablement pas l’attention des distributeurs, comme tous les films un peu singuliers et difficiles à classer. The Endless, troisième long métrage du duo formé par Justin Benson et Aaron Moorhead, présente des qualités similaires au Colossal de Nacho Vigalondo, ou encore à They Look Like People, de Perry Blackshear : c’est un film fantastique qui se préoccupe avant de tout de développer des personnages et un récit intime, personnel, sensible (et non d’appliquer bêtement les recettes du genre). On y trouve certes des clins d’œil parfois explicites à Lovecraft, mais ne nous y trompons pas : Benson et Moorhead sont de vrais auteurs, qui ne se contentent pas d’aligner les références.
N°5 – Grave, Julia Ducourneau
Avec Grave, Julia Ducourneau livre un troublant récit initiatique, avec pour noyau central le phénomène d’héritage (au sens non matériel du terme) familial et la relation quasi fusionnelle entre deux sœurs. Un vrai film d’horreur (quoique la réalisatrice elle-même ne le définit pas ainsi) où le cannibalisme n’est pas un sujet, mais une façon de raconter une histoire.
N°6 – Wind River, Taylor Sheridan
C’est parfois dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures. Taylor Sheridan le prouve en signant un polar classique, proche du western, aussi épuré qu’efficace ; d’autant plus qu’il y glisse un message politique précieux. Rien de particulièrement surprenant ici, mais un propos intelligent, et une exécution parfaite. En plus, la BO est signée Nick Cave et Warren Ellis…
N°7 – Detroit, Kathryn Bigelow
Oublions les polémiques un peu stériles et les journalistes français qui trouvent que les policiers dans Detroit ne sont pas tous assez racistes (?) : le film de Kathryn Bigelow est techniquement impressionnant – c’est de toute évidence l’un(e) des cinéastes les plus doué(e)s pour filmer les scènes d’action – et son approche de la violence ne se fait jamais au détriment des personnages, envers lesquels son empathie est évidente. Si vous recherchez un cours d’histoire sur le mouvement des droits civiques et les émeutes raciales aux États-Unis, allez dans une bibliothèque ; si vous voulez voir un bon film avec de l’émotion et du spectacle, regardez Detroit. Bien entendu, vous pouvez aussi faire les deux…
N°8 – The Party, Sally Potter
On peut dire que The Party est un film mineur, qu’il ne raconte rien de particulièrement original ou passionnant, et on n’aura pas totalement tort. Mais d’un autre côté, quel sens du rythme, quelle efficacité dans la construction, quelle précision dans le texte et dans le jeu des comédiens ! Et aussi, quelle admirable concision : 1h10, pas une minute de plus, à une époque ou tant de films comptent souvent un bon quart d’heure de trop. On ne s’ennuie pas une seconde, et c’est aussi pour ce genre de divertissement – intelligent et agréable – qu’on va au cinéma. Et puis, il y a Kristin Scott Thomas, toujours aussi élégante, et Patricia Clarkson – mais tous les comédiens (7 au total) sont excellents.
Les autres films conseillés
Pour les amateurs d’horreur, l’anthologie horrifique XX, écrite et réalisée par quatre femmes (dont la musicienne St Vincent), vaut le coup d’œil ; Gilles Marchand nous a livré de son côté un conte initiatique assez réussi, quoiqu’un peu trop « lisible », avec Dans la forêt ; Karin Viard est une Jalouse drôle, agaçante et touchante dans le film éponyme de David et Stéphane Foenkinos ; Noomi Rapace déménage dans l’efficace et divertissant Seven Sisters, où elle joue sept rôles distincts ; une prouesse qui évoque celle de James McAvoy dans Split, honnête thriller horrifique de M. Night Shyamalan.
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