Film de Claude Miller
Année de sortie : 1976
Pays : France
Scénario : Luc Béraud, Claude Miller
Photographie : Bruno Nuytten
Montage : Jean-Bernard Bonis
Avec : Patrick Bouchitey, Patrick Dewaere, Michel Blanc, Claude Piéplu, Christine Pascal.
Groupe d’enfants (chantant) : La meilleure façon d’marcher, c’est d’mettre un pied d’vant l’autre
La Meilleure façon de marcher livre une réflexion subtile sur les stéréotypes associés à la masculinité. Plus généralement, il illustre les interactions complexes, tourmentées parfois, entre un individu et les normes inhérentes à son environnement social.
Synopsis de La Meilleure façon de marcher
Marc (Patrick Dewaere) et Philippe (Patrick Bouchitey) sont moniteurs dans une colonie de vacances. Au cours d’une soirée orageuse, Marc surprend Philippe dans sa chambre, tandis que ce dernier est en train de se maquiller.
Dès lors, Marc va mettre un point d’honneur à rabaisser son collègue…
Critique du film
La meilleure façon de marcher, c’est de mettre un pied devant l’autre
, comme le dit la comptine. Ce chant scout reflète bien le propos du film de Claude Miller, qui repose sur une dynamique d’opposition. D’un côté, nous avons Marc (Patrick Dewaere), qui aime le sport et les blagues de cul ; et de l’autre, Philippe (Patrick Bouchitey), un jeune homme timide, cultivé et efféminé. Celui qui met un pied devant l’autre, le bon scout, c’est bien sûr Marc. Philippe, c’est celui qui rêvasse, qui bifurque, qui prend des chemins de traverse. Qui doute aussi, tandis que Marc se voudrait être un bloc de certitudes, une incarnation sans faille d’une certaine idée, évidemment caricaturale, de la virilité.
Marc reflète à sa manière, peu délicate, la norme selon laquelle un homme ne doit pas pleurer, pas tergiverser, pas trembler, et surtout se distinguer en tout point de la femme. Philippe incarne quant à lui celui qui est dans la marge, qui ne rentre pas dans les cases et ne sait pas très bien qui il est. Sa sexualité, même, est assez trouble ; le comble du comble pour Marc, pour qui tout doit être limpide, net et sans bavures.
Bien entendu, la relation harceleur/harcelé qui s’installe entre ces deux individus trahit le propre malaise de Marc, qui reproche inconsciemment à son collègue de lui ouvrir une fenêtre vers tout ce que sa masculinité bornée refoule systématiquement. De ce point de vue, La Meilleure façon de marcher reproduit un schéma classique, mais intelligent et efficace : les films et romans mettant en scène des harceleurs et persécuteurs révèlent souvent la faiblesse de celui qui, paradoxalement, fait une démonstration de sa force.
Le scénario de Luc Béraud et Claude Miller illustre donc intelligemment le poids de certaines normes sociales, en particulier celles relatives au genre (masculin en l’occurrence). Ce sujet, dont on discute beaucoup aujourd’hui, est traité ici avec finesse, tandis que les compositions des deux Patrick (Dewaere et Bouchitey) révèlent toutes les nuances de leurs personnages respectifs. On notera la présence de Michel Blanc pour son premier rôle important au cinéma (qui se distingue ici par un pétage de plombs mémorable face au directeur incarné par le toujours irréprochable Claude Piéplu) ainsi que celle de la jolie actrice, et future réalisatrice, Christine Pascal.
Réflexion pertinente sur les normes et codes liés à la question du genre, et plus généralement sur la pression que les modèles culturels et les phénomènes de groupe peuvent exercer sur l'individu, La Meilleure façon de marcher est une fable sensible et intelligente, dont la conclusion est particulièrement maline et ambiguë. La même année (1976), Patrick Bouchitey joua dans le plus méconnu, mais très réussi également, Le Plein de super, d'Alain Cavalier.
8 commentaires
Un bon film.
Me souviendrais toujours de la phrase de Piéplu:
« Et la dernière, plus laconique, que je vous livre telle quel: concours de bites! »
Très bon blog au passage 😉
Merci ! oui Piéplu est égal à lui-même dans ce film, c’est toujours un plaisir de voir cet acteur
Excellent film. Ne pas oublier « Maria de Barcelone ».
J’ai toujours trouvé ce film extraordinaire.
L’interprétation de Bouchitey est très forte, toute en nuances. Il vole presque la vedette à Dewaere, pourtant un de mes acteurs préférés. Jamais compris pourquoi il n’a pas eu d’autre grand rôle au cinéma (à part le curé aux raviolis).
Une des forces de Miller est de naviguer entre le drame (la scène du bal, le coup de force de Blanc dans la piscine) & la comédie (« concours de bites », une de mes phrases préférés du cinéma français 😀 )..
Je vous remercie pour votre excellente critique; je souhaite montrer ce film à mes élèves de Première en Éducation Civique et je devais donc construire un questionnaire. Votre analyse m’a beaucoup aidée à préparer mon travail. Merci encore!
Merci à vous ! C’est une très bonne idée de montrer ce film à vos élèves.
Et Christine Pascal, météore du cinéma français, auteur d’un grand mélodrame, « Le Petit prince a dit ». Comment lisez-vous l’épilogue du Miller (poignée de mains et sourires entre les deux meilleurs ennemis) ?
Très bon film, et très bonne interprétation des deux acteurs principaux, Patrick Dewaere et Patrick Bouchitey.
Si vous voulez voir la dernière entrevue de Patrick Dewaere, trois jours avant sa mort, cliquer sur ce lien >>> http://www.youtube.com/watch?v=qqC9fFoA3g8