Film de Stacy Title
Pays : États-Unis
Année de sortie : 1996
Titre original : The Last Supper
Scénario : Dan Rosen
Photographie : Paul Cameron
Montage : Luis Colina
Musique : Mark Mothersbaugh
Avec : Jason Alexander, Cameron Diaz, Nora Dunn, Charles Durning, Ron Eldard, Annabeth Gish, Mark Harmon, Bill Paxton, Jonathan Penner, Ron Perlman, Courtney B. Vance
Paulie: Look, we’re liberals. We do the right thing.
L’Ultime souper est une comédie noire réjouissante, qui s’achève habilement sur une note ironique. Le deuxième rôle au cinéma de Cameron Diaz.
Synopsis du film
Jude (Cameron Diaz), Pete (Ron Eldard), Paulie (Annabeth Gish), Marc (Jonathan Penner) et Luke (Courtney B. Vance) sont cinq étudiants qui partagent une maison dans l’Iowa. Un soir de pluie, Pete est pris en stop par un certain Zack (Bill Paxton), un vétéran de la guerre du Golfe. Une fois déposé chez lui, Pete propose naturellement à Zack de rester pour le dîner.
Le racisme assumé et la brutalité de l’invité choquent les idées libérales des colocataires. La soirée tourne à la catastrophe lorsque Zack s’en prend violemment à Pete et lui casse le bras, sous les yeux médusés de l’assistance. C’est alors que Marc, sans réfléchir, poignarde le vétéran dans le dos.
Après une discussion tendue, les cinq amis décident de cacher le corps, convaincu que Marc ira en prison s’ils préviennent les autorités. Peu de temps après, Pete et Luke ont une idée : inviter d’autres réactionnaires républicains à dîner, à tour de rôle, et les empoisonner s’ils ne parviennent pas, au cours du repas, à les convaincre. Malgré les réticences de Paulie, ils se lancent dans ce projet macabre et peu à peu, leur jardin se remplit de cadavres.
Rapidement, de sérieux désaccords émergent, notamment entre Jude et Luke. Sans compter que la présence de l’inspectrice Alice Stanley (Nora Dunn), qui enquête sur la disparition d’une adolescente, rend tout le monde nerveux. La tension monte au sein du groupe d’amis…
Critique de L’Ultime souper
L’Ultime souper est sorti entre deux autres films avec lesquels on peut aisément le comparer, en ce sens qu’ils sont également des comédies noires mettant en scène un groupe d’amis plongés dans une situation morbide, face à laquelle leur sens moral va être sérieusement remis en cause. Il s’agit de Petits meurtres entre amis (Danny Boyle, 1994) et de Very Bad Things (Peter Berg, 1998). Cameron Diaz, alors au tout début de sa carrière, est d’ailleurs présente à la fois dans le film de Berg et dans L’Ultime souper.
Le scénario est signé Dan Rosen, qui explorera une veine assez similaire deux ans plus tard dans Cursus fatal (1998), quoique ce dernier relève davantage du thriller que de la comédie noire. Côté réalisation, c’est la cinéaste Stacy Title qui est aux manettes, et elle dirige notamment ici son propre mari, Jonathan Penner, qui interprète le rôle de Marc, l’un des cinq étudiants organisateurs de ce genre de dîners que l’on appelle parfois, au cinéma, les dinner parties from hell.
L’Ultime souper (le titre est une référence chrétienne ironique) est un bon exemple d’humour noir au cinéma. À partir de la situation de base – de jeunes libéraux jugent et condamnent un(e) réactionnaire républicain(e) au cours d’un repas à l’issue duquel ce dernier est (presque) invariablement empoisonné -, le scénario s’amuse à pousser le bouchon de plus en plus loin. Une manière bien entendu de créer un effet comique, mais aussi de souligner que le vers était dans le fruit dès le début.
Ainsi, si les premières victimes de cette conception bien particulière de la démocratie ont des idées extrêmes et sectaires, les critères de nos cinq hôtes s’élargissent considérablement par la suite. Entre une femme qui n’aime pas L’Attrape-cœurs de Salinger, ou encore une adolescente trop puritaine à leur goût – à laquelle Luke (Courtney B. Vance) lance un discutable You know what you really need? A nice stiff dick to shut that big mouth of yours
-, on ne peut pas dire que les « héros » de L’Ultime souper se distinguent dans l’art délicat du discernement.
On suit ces excès avec un plaisir délectable, car tout cela est à la fois sans prétention et bien troussé. La morale est simple : tu ne tueras point
– même un misogyne raciste et homophobe. Évidemment, c’est d’autant plus amusant ici qu’en tant que libéraux, Jude, Pete, Paulie, Marc et Luke s’affirment comme anti-guerre et défendent des positions non violentes – alors que paradoxalement, les tombes se multiplient dans leur jardin. Si on peut supposer que les auteurs du film sont plutôt « à gauche » (expression qui ne convient pas aux États-Unis, de même que « libéral » n’a pas le même sens qu’en France), ils démontrent donc dans L’Ultime souper que l’intolérance et la brutalité ne sont pas que du côté des ultra-conservateurs en tous genres, mais traversent au contraire tous les courants politiques.
Elle serait presque trop simple, cette morale, d’ailleurs, ce pourquoi on appréciera particulièrement une conclusion qui, sans bien sûr la remettre en question, apporte une ultime touche d’ironie plus que bienvenue : face à un homme politique habile (interprété par Ron Perlman), qui parvient en quelques pirouettes à leur faire oublier des discours conservateurs dignes d’un Trump avant l’heure, nos cinq libéraux, soudain revenus de leur sanglante épopée, se font manipuler avec une facilité déconcertante.
C’est que les politiciens, même les plus extrêmes, sont maîtres dans l’art de tromper leur monde. On l’aura encore récemment constaté, aux États-Unis comme ailleurs…
L'Ultime souper fait partie de ces petits plaisirs cinématographiques qu'on aurait tort de bouder, surtout si on aime l'humour noir. D'autant que le propos est intelligent, et que la conclusion fait songer à bien des événements actuels. Notons que c'est l'actrice Elizabeth Moss (vue récemment dans Top of the Lake, l'excellente série de Jane Campion) que l'on voit sur l'avis de recherche de Jenny Tyler, l’adolescente disparue sur laquelle enquête l'inspectrice Alice Stanley dans L'Ultime souper. Elizabeth Moss avait environ 13 ans à l'époque du tournage.
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