Film de Christian Vincent
Année de sortie : 2015
Pays : France
Scénario : Christian Vincent
Photographie : Laurent Dailland
Montage : Yves Deschamps
Musique : Claire Denamur
Avec : Fabrice Luchini, Sidse Babett Knudsen, Eva Lallier, Corinne Masiero, Sophie-Marie Larrouy, Fouzia Guezoum
Que ce soit dans sa dimension sociologique, juridique, humaine ou sentimentale, L’Hermine – de Christian Vincent – fait preuve d’une justesse et d’une sobriété précieuses.
Synopsis du film
À Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais. Michel Racine (Fabrice Luchini) est un président de cour d’assises plutôt solitaire et mal aimé de ses collaborateurs. Quand débute le procès de Martial Beclin (Victor Pontecorvo), accusé d’avoir battu à mort son enfant de 7 mois, Michel Racine reconnaît parmi les jurés une infirmière nommé Ditte Lorensen-Côteret (Sidse Babett Knudsen), dont il s’est épris à l’occasion d’un séjour à l’hôpital.
Il va chercher, discrètement, à la revoir entre les différences audiences du procès.
Critique de L’Hermine
Révélé par La Discrète – un petit bijou du cinéma français des années 90 dans lequel il dirigeait déjà Fabrice Luchini -, Christian Vincent fait partie de ces auteurs qui semblent tracer leur parcours avec pour seule préoccupation de raconter (bien) des histoires simples (en apparence s’entend), sans chercher à faire particulièrement parler d’eux ni à faire étalage d’une virtuosité quelconque (bien qu’il s’agisse, en réalité, d’un brillant scénariste et metteur en scène). De ce point de vue, le titre de son premier long métrage, que l’on évoquait à l’instant, qualifie plutôt bien le réalisateur de Beau fixe (1992).
L’une des principales qualités de L’Hermine réside dans son équilibre : la construction du scénario et la durée des scènes – ainsi qu’un sens du détail typique du cinéma de Christian Vincent – permettent aux différentes composantes du récit de s’imbriquer à la perfection.
Le scénario est en majeure partie consacré au procès que Michel Racine instruit, en sa qualité de président à la Cour d’assises de Saint-Omer (Pas-de-Calais). On est saisi par la manière dont les scènes concernées rendent compte, avec un réalisme quasi inédit, des multiples aspects d’un procès – qu’ils soient juridiques, sociologiques, criminels et humains. Il paraît clair que Christian Vincent (ou du moins un proche collaborateur) a passé du temps au sein d’une cour d’assises avant d’entreprendre l’écriture du scénario, car tout sonne vrai : les rites et les procédures propres aux audiences ; l’affaire en elle-même, à la fois sordide et terriblement « banale » ; les réactions des jurés ; les comportements des différents partis ; la diversité des profils sur le plan social (tout procès est d’une grande richesse dans ce domaine) ; l’attitude du président incarné par Fabrice Luchini et sa manière (subtile) d’interroger les témoins…
Le sujet est traité sans la moindre volonté de dramatisation, sans doute parce que l’auteur à considéré que la réalité était suffisamment riche et intéressante pour que sa caméra la décrive sans l’exacerber, et sans recourir à des démonstrations stylistiques visibles. Ce qui ne signifie évidemment pas que le cinéma de Christian Vincent soit dépourvu de style ; mais celui-ci réside précisément dans cette capacité à s’effacer devant un sujet et des personnages, et à utiliser la technique du cinéma comme un moyen (presque invisible en l’occurrence, en tous cas discret) de les faire vivre et respirer à l’écran.
Parallèlement à cet événement central – le procès et ses multiples à-côtés -, L’Hermine se penche également sur la personnalité et le quotidien de Michel Racine (le titre du film fait directement référence à sa tenue en tant que président), ainsi que sur sa relation avec une jurée remplaçante nommée Ditte Lorensen-Côteret. Toute l’habileté de Christian Vincent est de faire en sorte, lorsqu’il aborde cette dimension plus intime du récit, que celle-ci ne prenne jamais le pas sur le reste, tout en lui accordant une place précieuse, essentielle. C’est par un alliage d’économie et de précision que le cinéaste parvient à ses fins : les brillants Fabrice Luchini et Sidse Babett Knudsen (révélée par la série danoise Borgen) ont principalement deux scènes en commun, mais la justesse de celles-ci (en termes d’écriture, de mise en scène et d’interprétation) font qu’elles expriment l’essentiel en peu de plans, de surcroît avec une grande délicatesse et sans le moindre sentimentalisme.
On sera selon les cas plus ou moins touché et intéressé par l'histoire que raconte L'Hermine. Mais sur les plans de l'écriture, de la composition des acteurs et de la mise en scène, le 11ème long métrage de Christian Vincent témoigne d'une maîtrise indéniable. Par ailleurs, l'auteur nous rappelle une chose fondamentale : tout procès ne peut que s'approcher, à tâtons, d'une vérité partielle et inaccessible. Il en va de même dans d'autres domaines : l'ultime regard que s'échangent Michel Racine et Ditte Lorensen à la fin du film comporte, lui aussi, sa part de mystère...
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