Film de Carter Smith
Pays : Etats-Unis
Année de sortie : 2014
Scénario : Carter Smith, d’après le roman One for Sorrow de Christopher Barzak
Photographie : Darren Lew
Montage : Eric Nagy
Musique : François-Eudes Chanfrault
Avec : Cameron Monaghan, Liv Tyler, Judy Greer, Morgan Saylor, Noah Silver, Madisen Beaty
À la fois film de fantôme, récit initiatique et drame intimiste sur l’adolescence et ses tourments, Jamie Marks Is Dead tisse une toile délicate autour d’un émouvant trio de comédiens.
Synopsis de Jamie Marks Is Dead
Jamie Marks, un adolescent qui était régulièrement harcelé à l’école, est retrouvé mort près d’une rivière. Peu de temps après, deux adolescents, Gracie Highsmith et Adam McCormick, aperçoivent son fantôme à plusieurs reprises.
Une nuit, en sortant de chez Gracie, Adam entre en contact avec Jamie Marks. C’est le début d’une expérience étrange et vertigineuse…
Critique du film
Carter Smith s’est fait remarqué en portant à l’écran (en 2008) le roman d’horreur à succès The Ruins, de Scott Smith. Racontant le calvaire de jeunes touristes américains retenus prisonniers dans des ruines Maya – ou sévit une plante hostile -, Les Ruines est un film d’horreur divertissant mais sans cachet particulier, et qui de fait ne laissait en rien présager un second long métrage aussi singulier et personnel que Jamie Marks Is Dead.
Nous restons toutefois ici dans le registre du fantastique – mais celui-ci est large, nettement plus qu’on ne pourrait le croire si l’on se cantonnait à ce que les distributeurs français nous donnent à voir chaque année dans cette « catégorie » de film. A quelques exceptions près, un spectateur français a plus de chances de tomber sur un énième volet d’Insidious (le premier était d’ailleurs plutôt réussi) ou de Paranormal Activity que sur un Absentia, un Pontypool, un We Are What We Are ou un Extraterrestre. Ces films d’auteur plus ou moins méconnus du grand public abordent le fantastique comme un moyen de raconter une histoire, de développer des personnages, ou encore de faire passer un message politique (Pontypool). Malheureusement, parce qu’ils s’éloignent des formats qui font recette, ils demeurent souvent invisibles dans les salles obscures.
C’est le cas de Jamie Marks Is Dead ; s’il a été projeté dans plusieurs festivals prestigieux (le Festival du Film de Sundance ; le Festival du Cinéma Américain de Deauville ; le Festival International du Film Fantastique de Gérardmer), le film de Carter Smith n’a pas été distribué dans les salles de cinéma françaises, d’où une réputation plutôt confidentielle dans l’hexagone. Il est probable que le film d’horreur It Follows, dont on a beaucoup parlé et qui a été diffusé dans les mêmes festivals, ait contribué à éclipser Jamie Marks Is Dead (on notera d’ailleurs que ces deux longs métrages mettent en scène des adolescents confrontés directement à la mort, bien que le propos et le traitement diffèrent grandement).
Ce film adapté du roman One for Sorrow (de Christopher Barzak) nous emmène rapidement hors des sentiers battus. C’est flagrant dès les premières apparitions du fantôme : là où ce type d’événement est souvent utilisé comme un pur ressort horrifique (on sursaute à la vue d’un reflet dans un miroir, ou d’une silhouette en arrière plan), cette présence suscite ici un mélange de malaise et de perplexité rarement éprouvé dans un ghost movie traditionnel. Un sous-genre dont Carter Smith délaisse volontiers les conventions pour mieux explorer les relations intimes qui se nouent au sein du trio interprété par Cameron Monaghan, Noah Silver et Morgan Saylor (vue notamment dans la série Homeland). Trio autour duquel le metteur en scène a volontairement resserré l’histoire, en épurant la trame, plus fournie, du roman de Barzak.
À partir de ces personnages attachants et de la situation initiale (la mort mystérieuse d’un adolescent mal aimé), Smith nous parle de la solitude, du rapport à la mort (entre peur et attirance), des premiers émois sexuels et amoureux, du mal-être, soit autant de sujets et questions auxquels les adolescents, à des degrés divers, sont confrontés. Le traitement n’est jamais lourd – pas de longs dialogues ou de plans trop appuyés mais un sens aigu de l’atmosphère, du détail, et des idées ingénieuses qui illustrent habilement le propos. A l’image d’Adam, poussé par un quotidien familial perturbant vers un monde qui n’est pas le sien, et bien sûr à l’image de Jamie, le film procure une sensation d’errance, de flottement – mais un flottement équilibré, maîtrisé, qui dessine peu à peu les contours d’un troublant et émouvant récit initiatique.
Extrait du film
Voici un extrait de Jamie Marks Is Dead mettant en scène les comédiens Morgan Saylor, Cameron Monaghan et Noah Silver.
Servi par une esthétique soignée (Carter Smith est également un photographe professionnel) et un excellent casting - au sein duquel figure la trop rare Liv Tyler -, Jamie Marks Is Dead méritait mieux qu'une sortie directement en VOD. Aux cinéphiles et amateurs du genre de rendre donc justice à ce conte horrifique tout en délicatesse et en sensibilité.
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