Film de David et Stéphane Foenkinos
Pays : France
Année de sortie : 2017
Scénario : David et Stéphane Foenkinos
Photographie : Guillaume Deffontaines
Montage : Virginie Bruant
Musique : Paul-Marie Barbier et Julien Grunberg
Avec : Karin Viard, Anne Dorval, Thibault de Montalembert, Dara Tombroff, Anaïs Demoustier, Marie-Julie Baup
Jalouse délivre un portrait de femme convaincant, qui doit beaucoup à la brillante composition de Karin Viard. Un alliage plutôt équilibré de comédie et de drame, même si David et Stéphane Foenkinos ont plus de mal à trouver le ton juste sur la fin.
Synopsis du film
Rien ne va plus pour Nathalie Pecheux (Karin Viard), professeure de lettres. Elle n’a pas refait sa vie depuis le départ de son mari ; sa meilleure amie (Anne Dorval) et sa fille unique (Dara Tombroff) filent le parfait amour avec leur conjoint respectif ; et une jeune et jolie collègue (Anaïs Demoustier) vient lui faire de l’ombre au lycée.
Peu à peu, Nathalie se met à jalouser tous ces gens qui semblent scandaleusement heureux, tandis que son bonheur, à elle, lui paraît si loin. Ce sentiment persistant va rapidement l’entraîner sur des pentes glissantes…
Critique de Jalouse
Nous évoquions récemment, à l’occasion de la critique de Solitary Man, les films abordant la « fameuse » crise de la cinquantaine (qu’on appelle outre Atlantique les midlife crisis movie). Jalouse s’inscrit clairement dans ce sous-genre cinématographique, que David et Stéphane Foenkinos revisitent ici avec suffisamment d’intelligence pour ne pas donner l’impression d’en reproduire mécaniquement les conventions.
C’est essentiellement à travers l’écriture du personnage principal que les auteurs affirment un parti pris intéressant : Nathalie Pecheux (superbe Karin Viard), confrontée à des sentiments couramment illustrés dans ce type de films (la solitude ; la frustration…), réagit d’une manière qui est elle moins courante (au cinéma du moins), c’est-à-dire en développant une jalousie extrême, pour ne pas dire pathologique, laquelle va bien évidemment compliquer ses relations avec son entourage mais aussi menacer sérieusement son équilibre mental.
Ce point de départ présentait certains risques ; d’abord on pouvait, face aux comportements parfois abjects de la protagoniste, se désolidariser totalement d’elle et du même coup se détacher du récit. Mais l’approche empathique des auteurs – qui ne fait jamais oublier la souffrance intérieure du personnage -, conjuguée à la composition à la fois nuancée et puissante de Karin Viard font que même face à ses pires travers, le spectateur conserve une bienveillance à l’égard de Nathalie (dont les excès sont souvent franchement drôles !).
L’autre difficulté résidait dans l’équilibre, toujours délicat, entre drame et comédie. C’est en effet un sujet grave qui est abordé ici (la dépression nerveuse et la perte de contrôle de soi-même), et les réalisateurs en sont conscients. Le scénario va d’ailleurs assez loin dans la description des symptômes du mal dont souffre Nathalie et surtout dans l’illustration de ses conséquences. Pendant une bonne heure, le dosage entre gravité et légèreté est parfait : on rigole franchement devant les vacheries et inconséquences dont témoigne Nathalie, mais les auteurs n’ont pas cherché à placer des gags à tout bout de champ, loin s’en faut. Leur rareté relative les rend plus efficaces et surtout permet de ne pas altérer la dimension dramatique – bien réelle – du récit.
Les choses se gâtent un peu sur la fin. Si les personnages secondaires sont tous plutôt bien écrits, celui interprété Marie-Julie Baup est un peu bancal. Cette talentueuse comédienne n’a absolument rien à se reprocher (elle est parfaite dans le rôle de la compagne de l’ex-mari de l’héroïne), mais on sent que les auteurs ont voulu parfois trop verser dans la comédie au niveau du traitement, surlignant la relative niaiserie de ce personnage (à travers plusieurs répliques qui tombent à plat) au détriment de la cohérence de sa caractérisation.
Ce léger déséquilibre se ressent globalement dans tout le dénouement, qui cherche obstinément à procurer un sentiment de confort, comme si les scénaristes avaient fait quelques pas en arrière suite au point culminant – assez vertigineux – de la crise vécue par leur personnage. On sent ici une possible hésitation entre le feel good movie et le drame plus dérangeant, mais cette fois le poids bascule trop d’un côté, alors que les auteurs avaient suffisamment de talent pour rester sur le fil, avec la même dextérité que celle dont fait preuve Mathilde (Dara Tombroff) sur une piste de danse. Le problème en soi n’est bien sûr pas de proposer un final optimiste (qu’au fond tout le monde souhaitait) : c’est qu’ici trop de choses s’arrangent trop vite par rapport à la gravité de la situation. Une note d’espoir avec un tantinet plus de nuances aurait sous doute convaincu davantage (même si le final, il faut le préciser, conserve une part d’ambiguïté).
Tout cela n’efface pas les qualités d’écriture, de mise en scène et d’interprétation dont témoigne Jalouse, qui aura offert à Karin Viard assurément l’un des beaux rôles de sa carrière. Son aisance apparente à exprimer des sentiments contrastés dans une même scène, à passer d’un registre de jeu hyper expressif à une composition tout en retenue, force l’admiration. Une chose est certaine : son charme et son talent devraient logiquement la préserver des névroses dont souffre son personnage même si, de toute évidence, elle les a fort bien comprises et respectées.
Jalouse met en scène un personnage à la fois drôle, agaçant et touchant dont Karin Viard illustre brillamment les obsessions et sentiments refoulés. Dommage que le bon équilibre entre drame et comédie finisse par tanguer au cours d'un dénouement trop expéditif, qui aurait presque tendance à annuler, par excès d'optimisme, les enjeux que le film avait jusque-là plutôt bien dessinés. Mais l'ensemble reste agréable à suivre.
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