Film de Ben Wheatley
Année de sortie : 2017
Pays : Royaume Uni
Scénario et montage : Ben Wheatley, Amy Jump
Photographie : Laurie Rose
Musique : Ben Salisbury, Geoff Barrow
Avec : Sharlto Copley, Armie Hammer, Brie Larson, Cillian Murphy, Jack Reynor, Babou Ceesay, Enzo Cilenti, Sam Riley, Michael Smiley, Noah Taylor
Chris: You know what, fuck the small talk. Let’s buy some guns, hey?
Free Fire est un carnage de 90 minutes volontairement absurde. Si le concept a ses limites, il est en revanche parfaitement maîtrisé, sur le plan formel, par Ben Wheatley.
Synopsis du film
Des membres de l’IRA et des vendeurs d’armes se retrouvent dans un entrepôt pour conclure une vente. Mais le chauffeur du camion qui livre le matériel reconnaît, dans le camp opposé, le type qui a tabassé sa cousine la veille. Les chefs de bande font tout pour arrondir les angles, mais la tension monte et un coup de feu finit par éclater. C’est le début d’une longue fusillade…
Critique de Free Fire
C’est une véritable fusillade à Miami, dont les participants, visiblement inaptes, se manquaient même à bout portant, qui souffla à Ben Wheatley et à son épouse et collaboratrice Amy Jump l’idée de Free Fire. Très rapidement, les deux scénaristes s’orientent vers un parti pris radical, qu’une déclaration de Ben Wheatley résume fort bien : C’est un concept, n’est-ce pas ? C’est comme dire « tu aimes le gâteau? Combien peux-tu en manger ? OK, prend tout le gâteau. Et regarde, en voici d’autre »
. Et pour cause, il suffit de remplacer « gâteau » par « fusillade » pour se faire une idée assez exacte de Free Fire avant même de l’avoir vu.
Une vente d’armes tourne mal ; des coups de feu éclatent. Cette situation, qui ferait l’objet d’une ou deux scènes maximum dans un film d’action ordinaire, est étirée ici sur toute la durée d’un long métrage. Et en aucune façon l’auteur ne cherche à l’enrichir particulièrement pour mieux faire passer la pilule, ou justifier quoi que ce soit : l’introduction est brève ; il y a bien de légers rebondissements, mais de peu d’importance ; et aucun personnage n’est développé outre mesure (on soulignera tout de même le soin accordé à la caractérisation, simple mais efficace : chaque personnage a un style bien à lui et existe à l’écran).
Au niveau de la tonalité, Free Fire adopte une ironie, un humour grinçant très british et surtout un goût de l’absurdité qui n’étonnent guère chez le réalisateur de Touristes (et du traumatisant mais excellent Kill List). On est très loin d’un film d’action testostéroné et viril, mais clairement dans un délire quasiment conceptuel qui donne lieu à un bel exercice de mise en scène et de montage.
En effet, quand on filme un huis clos pour ainsi dire sans enjeu dramatique réel, et sans le moindre propos (ce qui ne veut pas dire sans point de vue), il faut indéniablement de la technique et du savoir-faire pour que le film fonctionne sur la durée. Ben Wheatley et Amy Jump sont loin d’en être dépourvus : la réalisation exploite fort bien la configuration du lieu (un vaste entrepôt) ; tandis que le montage – complexe – offre une bonne gestion du rythme et surtout, permet à des séquences chaotiques (dans les faits) de rester toujours à peu près lisibles à l’écran (et quand ça l’est moins, c’est une manière calculée de souligner la confusion ambiante).
Wheatley, épaulé du directeur photo Laurie Rose (un de ses fidèles collaborateurs), filme aussi très bien ses acteurs, à travers des plans serrés millimétrés. Le casting n’est d’ailleurs pas l’une des moindres qualités de Free Fire. On citera notamment Brie Larson (Greenberg ; Don Jon ; Kong: Skull Island) ; Sharlto Copley (District 9), qui adopte ici un accent australien et des manières volontairement ridicules ; Armie Hammer (Nocturnal Animals) ; Cillian Murphy (Le vent se lève ; la série Peaky Blinders) ; Sam Riley (remarquable dans Control, le biopic sur Joy Division) et Michael Smiley, que Ben Wheatley avait déjà dirigé dans Kill List.
Bande annonce de Free Fire
Au-delà de l'exercice purement formel, limité mais bien exécuté, Free Fire représente assez bien le point de vue du cinéaste britannique. Ces balles qui fusent au hasard, ces personnages à la fois violents, abjects, parfois lâches mais (pour certains) pas si détestables, en disent beaucoup sur un homme peu friand des illusions en tout genre, comme l'illustrent ces propos : Je ne pense pas avoir un problème avec les happy-end. J'ai un problème avec la propreté - car rien n'est jamais propre. La cruauté et le hasard me semblent plus honnêtes
. Vous êtes prévenus : n'allez pas chercher autre chose dans Free Fire qu'une illustration du caractère violent, grotesque et chaotique de l'existence humaine.
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